Par Christophe Dordain
Dans la série "Au Coeur du Temps", deux scientifiques travaillent sur un projet ultra-secret du gouvernement américain. Ainsi, les professeurs Tony Newman et Douglas Philips sont-ils les témoins et acteurs d'une étrange expérience. En effet, les deux docteurs mettent au point un programme très coûteux qui permet de voyager dans le temps. Or, Avec tout l'argent qui est investi dans le projet, un sénateur doit vérifier l'état et l'avancée des travaux. Cependant, lors des premiers essais, Tony et Douglas sont hélas propulsés dans le temps. Le chronogyre s'étant subitement détraqué. Soudain, ils se retrouvent parachutés à des moments importants de l'Histoire. Mais, ils ne savent pas comment retourner dans le présent. Surtout, ils tentent de ne pas influer sur les événements auxquels ils sont mêlés malgré eux…
LE CONCEPT
Dans les années 60, le gouvernement américain initie un projet ultra-secret de très grande envergure. Ce dernier est appelé le Projet Tic-Toc. Dans quel but ? Avec pas moins de 70 milliards de dollars dépenses en une décennie apprend-on dans l'épisode-pilote, construire une machine à voyager dans le temps. Ce projet est réalisé à l'intérieur d'un vaste complexe enfoui quelque part en Arizona. Celui-ci est dirigé par le général Kirk assisté du Docteur Douglas Phillips.
Dix ans plus tard, le sénateur Clark est envoyé par le Congrès américain pour aller inspecter les travaux en cours. Il doit décider si le gouvernement de l'Oncle Sam doit continuer à dépenser de l'argent dans ce projet, car le coût est plus que prohibitif. Le sénateur s'attend à assister à une démonstration. Toutefois, le projet n'est pas encore totalement au point. En effet, aucun être humain n'a encore utilisé le fameux chronogyre. Celui-ci est un tunnel deux tonnes en forme de vortex. Seuls quelques animaux y ont été envoyés comme cobayes et n'en sont jamais revenus...
Comme le sénateur semble très désappointé par sa visite, le Docteur Tony Newman, de son propre chef, utilise le chronogyre afin de lui démontrer l'efficacité de la machine. Cette dernière avait été programmée pour un voyage d'environ une centaine d'années dans le passé ou dans le futur. C'est ainsi qu'il se retrouve à bord du Titanic en 1912 ! Quelques heures avant le naufrage de l'orgueilleux vaisseau. Le professeur Douglas Philips part ensuite à son secours. Mais les choses tournent mal. Les scientifiques ne peuvent plus contrôler le chronogyre. Nos deux héros sont ainsi transférés vers une autre destination inconnue. Ainsi, se retrouvent-ils perdus dans le temps...
Au cours des trente épisodes que compte la série, les scientifiques du centre de contrôle essaient de les localiser dans le temps et de les ramener dans le présent...
L'UNIVERS DE LA SERIE
"Au Coeur du Temps" est, sans conteste, une série représentative de la production télévisuelle américaine des années 1960. Réalisée avec un certain luxe de moyens, cette production signée Irwin Allen s'apparente à un un ancêtre de "Code Quantum" (créée par Glen A. Larson à la fin des années 80, avec Scott Bakula et Dean Stockwell). Dans la chronologie des productions d'Irwin Allen, "Au Coeur du Temps" arrive en troisième position après "Voyage Au Fond des Mers" (qui débute sa carrière en 1964) et "Perdus Dans l'Espace" (qui commence la sienne l'année suivante). Irwin Allen souhaitait alors prouver que le petit écran était propice à des aventures extraordinaires, particulièrement ambitieuses et dotées de moyens conséquents.
Le futur producteur de "La Tour Infernale", tenant compte de l'essoufflement des séries westerns très à la mode sur le petit écran depuis la saison 1958/1959, mais qui enregistraient un net déclin à la fin des années 1960, se lance alors dans la production d'une nouvelle série de science-fiction. Fidèle à sa réputation d'innovateur, il développe un programme basé sur l'attrayant du principe du voyage dans le temps. Nos deux héros se retrouvent à des moments importants et critiques de l'Histoire. Parmi leurs aventures, ils manquent de perdre la tête pendant la Révolution Française, de se noyer à bord du Titanic, d'affronter des chevaliers de la table ronde, etc.
Douglas et Tony galopent à travers les époques à la recherche de leur présent. Pendant, ce temps, un petit groupe (deux savants et un général) tente de les ramener au présent. En parallèle, ce trio assiste à leurs aventures retransmises sur le chronogyre. De la manière la plus simple, la série d'Allen passionne. A la différence de "Code Quantum" dans les années 80, qui avait l'ambition d'être une réflexion sur l'Amérique des années 50-60, "Au Coeur du Temps" respecte son ambition initiale jusqu'au bout : divertir !
LA PRODUCTION
"Au Coeur du Temps" ne déroge pas à la règle instituée bien involontairement par Irwin Allen, son créateur, en l'occurrence un démarrage en fanfare. A ce titre l'épisode-pilote est exemplaire dans sa volonté d'en mettre plein la vue. Il utilise pleinement les décors laissés disponibles par La Twentieth Century Fox. On profite également des effets spéciaux supervisés par L.B. Abbott. L'ensemble s'appuyant sur un scénario de première classe. En effet, nos héros se retrouvent sur le Titanic à la veille de la catastrophe ! Toutefois, par la suite, on assiste à une lente et progressive dégradation dans la qualité des histoires proposées aux téléspectateurs. Irwin Allen tombe dans le piège qui consiste à recycler des scénarios déjà utilisés pour d'autres séries qu'il a produites précédemment.
Or, la série "Au Coeur du Temps" était programmée à la rentrée 1966, sur le réseau ABC, dans le créneau horaire du vendredi soir de 20h à 21h. Certes, bien entourée par "Le Frelon Vert" (avec Van Williams et Bruce Lee, programme diffusé de 19h30 à 20h00) et par "The Milton Berle Show" (une émission très populaire programmée, elle, de 21h à 22h00). Cependant, en face, la concurrence était frontale avec "Les Mystères de l'Ouest" (avec Robert Conrad et Ross Martin, sur CBS, le vendredi de 19h30 à 20h30, pour une deuxième saison tonitruante). La série-culte était suivie de "Papa Schultz" de 20h30 à 21h00. Affirmer donc que la concurrence était rude relève alors du doux euphémisme !
Quant au réseau NBC, il s'appuyait, lui, dans le même créneau horaire sur la série "Tarzan" (avec Ron Ely, de 19h30/20h30), suivie des "Des Agents Très Spéciaux" (avec Robert Vaughn et David McCallum, diffusée dans le créneau 20h30/21h30). Vous avez dit mission impossible pour nos deux voyageurs du temps ? Pour couronner le tout, dans le cadre des productions relevant de la science-fiction, la rentrée 1966 marquait l'arrivée de "Star Trek", lancée par Gene Roddenberry (le jeudi de 20h30 à 21h30 sur NBC). En matière de science-fiction, la série de Roddenberry s'imposait par son intelligence alors que les productions d'Irwin Allen relevaient plus du grand spectacle à l'état pur.
Concernant la genèse de la série, il était initialement prévu qu'elle soit centrée sur les voyages dans le temps d'un scientifique en retraite, à Trenton, dans le New Jersey. Un scientifique qui était censé faire appel à l'aide de jeunes américains pour l'aider à construire sa machine à voyager dans le temps. Face à la réticence des responsables de la chaîne ABC, Irwin Allen remodela son concept afin de centrer les aventures sur les deux américains (transformés en savants de renom) travaillant sur un projet intitulé : "Tic-Toc".
Pour la distribution artistique, Allen pensa immédiatement à James Darren ainsi qu'à Robert Colbert (certains avancent que, pour convaincre Robert Colbert de participer à la série, il lui proposa de payer ses dettes de jeu !). Allen complètera le casting avec Lee Merriwether, dans le rôle du docteur Ann MacGregor, Whit Bissell (le général Heywood Kirk) et John Zaremba (le docteur Raymond Swain).
L'aspect trop répétitif des scénarios brisera rapidement l'intérêt pour cette série dont la production s'arrêtera en février 1967 avec un total de 30 épisodes. En France, c'est le le 29 octobre 1967, sur la 2ème chaîne de l'ORTF, que furent proposés les premiers épisodes. Depuis, Série Club, Disney Channel l'ont reprogrammée au cours des années 90. Ciné FX ayant pris le relais depuis fin 2014.
(Sources consultées : "Watching TV / Six Decades of Television" par Harry Castleman et Walter J. Podrazik / 2003).
LE PRODUCTEUR : IRWIN ALLEN
Irwin Allen est une figure quasi-légendaire de la télévision et du cinéma. Surnommé le "Maître des Désastres", le producteur rêvait de spectacles grandioses et inédits. Ce diplômé de journalisme, avant de s'intéresser à la production, fut un patron de presse. Mais aussi un producteur de radio. C'est au cours des années 50 que Allen commence à s'intéresser à la réalisation.
Très vite, il montre un talent certain. Irwin Allen se fait reconnaître par Hollywood en recevant l'Oscar du meilleur documentaire pour sa première réalisation, "The Sea Among Us". Si c'est un documentaire, le film prouve que le réalisateur a le goût de l'aventure, du spectaculaire, du "bigger than Life". Et il l'avait prouvé quelques années auparavant, en devenant producteur associé pour la RKO sur trois films d'aventures.
En tant que producteur et réalisateur, il n'a pas peur des scénarios les plus démesurés. Pour son premier film de fiction, il réalise une oeuvre portant l'histoire de l'humanité ! Les projets qui suivront ne manqueront d'ambition et de culot. Citons "Le Monde Perdu" (d'après Arthur Conan Doyle), "Le sous-Marin de l'Apocalypse" ou "Cinq Semaines en Ballon" (d'après Jules Verne).
La télévision devient ensuite son nouveau terrain de chasse. Le petit écran va alors connaître la démesure arrogante du producteur. Elle débute avec l'imaginaire et "Voyage au Fond des Mers" (1964/1968). Une série interprétée par Richard Basehart et David Hedison. Puis, c'est au tour de l'anticipation avec "Perdus Dans L'Espace" (1965/1968) avec Guy Williams. Enfin, il conclut avec l'aventure et le fantastique grâce à la série "Au Coeur du Temps" mettant en vedette Robert et James Darren. Sans oublier "Au Pays des Géants" avec Gary Conway et Kurt Kaznar, à la fin des années 60.
Au début des années 70, il repart de plus belle sur les grands écrans. Voici "L'Aventure du Poséïdon" de Ronald Neame avec Gene Hackman. Puis, "La Tour Infernale" de John Guillermin avec Paul Newman et Steve McQueen. Deux blockbusters qui l'imposent comme un maître du genre. En effet, les deux films vont devenir des références et seront des énormes succès populaires. Son nom est désormais lié au genre film-catastrophe.
Trop enthousiaste à l'idée d'avoir à repousser les limites du grand spectacle, il croit que le genre peut durer. Aussi, se met-il à produire tout et n'importe quoi. On le retrouve sur tous les tableaux : séries, téléfilms et cinéma. Il y produit des séries B de moins en moins convaincantes à la fin des années 70. Que penser, par exemple, de "L'Inévitable Catastrophe" ? Du "Dernier Secret du Poséidon" ? Et du "Jour de la Fin du Monde" ? Le succès n'est plus au rendez-vous. Les acteurs (plutôt sur le déclin que prestigieux) sont là pour faire de la figuration. Quant aux scénarios, ils sont de plus en plus absurdes. Ses dernières productions (pour la télévision) sont des ratages complets hormis le téléfilm "Terreur sur le Queen Mary" (avec Robert Stack, en 1975).
En 1991, à 73 ans, Irwin Allen disparaît, terrassé par une attaque cardiaque.
LES VOYAGEURS DANS LE TEMPS
James Darren (Tony Newman)
S'il est toujours resté discret, James Darren reste un solide artisan de la télévision américaine. De son vrai nom James Ercolani, il est né en 1936 à Philadelphie.
Au milieu des années 50, cet acteur athlétique se fait engager pour des petites séries B pour adolescents. Ainsi, croise-t-il parfois le chemin de quelques stars comme Jack Lemmon et Sydney Poitier. En 1961, il participe à un film de guerre qui va connaître un succès mondial. En effet, il fait partie des militaires dirigés par David Niven et Gregory Peck dans "Les Canons de Navarone". Puis, il est le héros masculin de la série "Gidget", comédie romantique sur fond de surf et d'exotisme. Bien plus tard, il retrouvera son rôle dans "Gidget Goes Hawaiian" et "Gidget Goes Rome", en 1961 et 1963, pour le compte du cinéma cette-fois.
En 1966, il s'engage une première fois pour la télévision avec "Au Cœur du Temps". La personnalité du producteur Irwin Allen y est pour beaucoup. En 1971, il retrouve le producteur pour le téléfilm fantastique, "The City Beneath the Sea". Par la suite, il abandonne quelques temps les écrans, pour la chanson. En effet, James Darren est un célèbre chanteur et un ami proche de Frank Sinatra. Il en profite aussi pour apprendre le métier de réalisateur. Et pendant qu'il fait son vrai retour avec la série "T.J. Hooker", il commence alors une seconde carrière à la télévision : celle d'un solide metteur en scène. On lui doit ainsi de nombreux épisodes pour des séries telles que "L'Agence Tous Risques", "Rick Hunter", "Duo d'enfer", "Raven", "Melrose Place" et "Beverly Hills 90210". Enfin, en 1998, il repassera devant la caméra pour une saison de "Star Trek, Deep Space Nine". Quant au cinéma, sa dernière apparition remonte à 2017 pour le film "Lucky".
James Darren nous a quittés le 2 septembre 2024. Il avait 88 ans.
Robert Colbert (Douglas Phillips)
Né à Long Beach en Californie en 1931, Robert Colbert n'aura pas une carrière aussi remplie que celle de son compagnon d'infortune dans la série. En effet il restera un petit acteur de série B, un éternel second couteau.
Il débute en 1957 dans "Joy Ride". Celui-ci est un produit de consommation pour adolescents avec courses de voitures, séances de beuveries et jolies filles. Aussi, lui faut-il attendre 1961 pour décrocher un vrai premier rôle. C'est ainsi, après diverses apparitions dans quelques séries westerns, qu'il devient, pour la dernière saison, un membre de la famille du fameux "Maverick", ce cowboy, amateur de poker, incarné par James Garner. Plus tard on le retrouve donc dans "Au Cœur du Temps" mais sa carrière ne décolle pas vraiment. Puis, il faut souligner que, tout comme James Darren, il retrouvera Irwin Allen par deux fois : dans "City Beneath the Sea" et "Aliens From Another Planet".
Toutefois, même si sa filmographie ne comporte pas de titres glorieux, Robert Colbert restera pour toute une génération de réalisateurs, un acteur-culte (qui apparaîtra chez John Landis, Keenen Ivory Wayans ou David Twohy) et un prestigieux invité dans les séries. Ainsi, a-t-on pu le voir dans "Bonanza", "Perry Mason", "Mission : Impossible", "Opération Danger", "Mannix", "Rick Hunter" ou encore "Alerte à Malibu" (1994/1995).
DISTRIBUTION
James Darren : Dr. Tony Newman (voix française Georges Poujouly)
Robert Colbert : Dr. Douglas Phillips (voix française Gabriel Cattand)
Lee Meriwether : Dr. Ann MacGregor (voix française Maria Tamar)
Whit Bissell : Général Heywood Kirk (voix française Jacques Beauchey)
John Zaremba : Dr. Raymond Swain (voix française René Bériard)
Wesley Lau : Sergent Jiggs
Sam Groom : Jerry
Dick Tufeld : annonceur dans la version originale
FICHE TECHNIQUE
Créée par : Irwin Allen
Produit par : Irwin Allen
Producteurs associés : Jerry Briskin, Hal Herman
Supervision de la production : Jack Sonntag
Supervision des scripts : Arthur Weiss
Coordination de la production : Les Warner
Coordination de la post-production : Robert Mintz
Supervision de la post-production : George E. Swink
Régisseurs : Bob Anderson
Assistant du producteur : Paul Zastupnevich
Producteur exécutif : William self
Thème musical : John Williams
Musique : Daniele Amfitheatrof, George Duning, Joseph Mullendore, Lynn Murray, Leith Stevens, Robert Drasnin
Supervision musicale : Lionel Newman
Directeur de la photographie : Winton C. Hoch
Montage : James Baiotto, Dick Wormell, Axel Hubert, Sr
Direction artistique : Rodger Maus, Jack Martin Smith, William J. Creber
Décorateurs : Norman Rockett, Walter M. Scott
Supervision des coiffures : Margaret Donovan
Maquillage : Ben Nye
Assistants au réalisateur : Steven Bernhardt, Ted Butcher, Fred R. Simpson
Effets sonores : Bob Cornett
Supervision du montage de la musique : Leonard A. Engel
Supervision du montage des effets sonores : Don Hall, Jr
Montage de la musique : Sam E. Levin
Effets photographiques spéciaux : L.B. Abbott
Cascadeurs : Charlie Picerni, Michael Haynes, George Robotham, David Sharpe, Paul Stader, Chuck Hicks, Patrick Culliton, Denver Mattson, Pete Peterson, Gene Silvani, Paul Kessler
Produit par : 20th Century Fox Television / Irwin Allen Productions / Kent Productions, Inc (1966/1967)