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Shaft avec Richard Roundtree : La série

Par Christophe Dordain

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Copyright : MGM Television / CBS Television (1973/1974)

Le personnage de Shaft fait partie des mythes fondateurs du cinéma américain. Ainsi, Shaft est-il clairement le premier des héros de la "black-exploitation". Grâce à ces quelques lignes, vous allez pouvoir découvrir l'importance déterminante qu'eut ce personnage de fiction, au début des années 1970, pour la reconnaissance de la minorité noire aux Etats-Unis. Icône des afro-américains, Shaft aura connu trois aventures au cinéma ainsi qu'une brève carrière à la télévision.

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Copyright : MGM Television / CBS Television (1973/1974)
QU'EST-CE QUE LA "BLAXPLOITATION" ?

Par ce terme, on désigne un mouvement culturel et social qui a affecté, en profondeur, la production cinématographique aux USA. Dans ce cadre, de 1970 à 1980, ce sont pas moins de 200 films qui ont été produits. Tous par les grands studios ou des compagnies indépendantes. L'ensemble de ces films ont couvert tous les genres possibles : comédies, westerns tendance spaghetti (c'est-à-dire empreints d'une certaine dose de violence), films policiers, comédies romantiques, etc.

Il faut comprendre, qu'à l'époque, la position des noirs aux Etats-Unis est plus que délicate. Le mouvement de reconnaissance pour leurs droits civiques, amorcé sous l'ère Kennedy, n'a pas débouché sur des mesures concrètes. Les noirs sont, en ce début des années 1970, toujours considérés comme des citoyens de seconde catégorie, exclus du modèle social de réussite à l'américaine.

Le cinéma, prisme très instructif pour comprendre l'évolution de la société étatsunienne, est le reflet de ce constat. Rares sont les acteurs noirs capables de percer sur le grand écran. Pourtant, dès le milieu des années 1960, la situation évolue sous l'impulsion de fortes personnalités. On pensera notamment à Sidney Poitier et à Bill Cosby. Le premier parvient à imposer à l'écran une image digne et responsable de la communauté noire. Il réussit à faire pièce au racisme inhérent à la société américaine. Car, il prouve que les noirs sont des citoyens comme les autres. Trois films symbolisent cet état de fait : "Dans la Chaleur de la Nuit" signé Norman Jewison, en 1967, où il incarne le policier Virgil Tibbs qui n'hésite pas à répondre par la manière forte aux provocations racistes. Suivront "Appelez-moi Mr Tibbs", en 1970, et "L'Organisation", en 1971.

Quant au second cité, c'est par le biais de ses prestations télévisées qu'il a fait considérablement évoluer le statut du noir aux USA. En effet, il est le premier comédien de couleur à partager la tête d'affiche d'une série télévisée avec un acteur blanc. Ce sera "Les Espions", un show d'espionnage produit par Sheldon Leonard, David Friedkin et Mort Fine. 82 épisodes seront diffusés du 15 septembre 1965 au 15 avril 1968, sur le réseau NBC.

Désormais, la voie est grande ouverte. Aussi, voit-on apparaître, dans la décennie 70, tout une série de héros noirs dont les prestations s'écartent de l'image classique de cette population. Il n'est plus question de révolutionnaires ou de militants activistes mais de personnes socialement intégrées, reconnues pour leur utilité au quotidien. Indépendamment de Richard Roundtree, plusieurs stars se sont offertes aux médias et au grand public : Fred Willamson, Jim Brown, Jim Kelly, Yaphet Kotto, Moses Gunn, Richard Pryor mais aussi les actrices Pam Grier et Tamara Dobson. Toutefois, le succès public de ces films a une conséquence perverse inévitable : la surexploitation du mythe black. A force d'accumuler les productions, on finit par les dénaturer, les dévoyer de leur fonction première : faire évoluer le statut des noirs. On débouche, en fait, sur une exploitation commerciale basique transformant le héros noir en pur produit de marketing.

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Copyright : MGM Television / CBS Television (1973/1974)
LES AVENTURES DE SHAFT AU CINEMA

C'est à Richard Roundtree qu'échoît la fonction d'être la première star noire du grand écran, bien plus que Sidney Poitier. Né en 1942, il connaît une popularité extraordinaire grâce à trois films qui le posent en avantageux rival de couleur d'acteurs tels que Sean Connery ou Clint Eastwood. Ces exploit prodigieux apparaissent au public populaire comme une sorte de juste revanche contre le rejet dont il est la victime.

Pour cela, Richard Roundtree aura pu compter sur le talent de Gordon Sparks. Ce dernier fut le premier réalisateur noir américain à avoir imposé une vision grand public des drames et des mythes de sa communauté. Cet ancien pianiste (qui fut également joueur de basket professionnel, photographe pour la célèbre revue Life, poète et romancier) s'appuya sur une nouvelle signée Ernest Tidyman. Ce roman racontait les aventures de Shaft, un détective privé plongé dans de sanglantes aventures au coeur de Harlem.

Un premier film intitulé "Les Nuits Rouges de Harlem" fut réalisé, en 1970. Face au succès, Gordon Sparks récidiva, en 1972, avec "Les Nouveaux Exploits de Shaft". Par la suite, Gordon Parks passa ensuite la main à John Guillermin. Ce dernier est un réalisateur d'origine anglaise, très à l'aise dans le cinéma spectaculaire qui n'est pas, loin s'en faut, un genre facile (il est notamment le metteur en scène de "La Tour Infernale"). Guillermin qui, curieusement, décida d'extraire Shaft de son univers urbain pour l'emmener en Afrique, préoccupations tiers-mondistes obligent. Le tout afin de lutter contre le trafic d'esclaves. Ce fut "Shaft contre les Trafiquants d'Hommes", en 1973. Ce film n'est pas le meilleur de la série malheureusement.

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Copyright : MGM Television / CBS Television (1973/1974)
SHAFT A LA TELEVISION

Le filon se devait d'être user jusqu'à la corde, phénomène classique aux USA. Déjà, "La Planète des Singes" avait connu un sort similaire avec une série télévisée, en 1974. On peut également mentionner "Serpico", dont l'adaptation pour le petit écran fut réalisée, en 1976. On pourra aussi penser à "Madigan", d'après le film de Don Siegel avec Richard Widmark et Henry Fonda, qui connut également une extension télévisuelle alors que le personnage de Madigan décédait à l'issue du film...

Concernant celle de "Shaft", cette dernière s'inscrit dans un contexte particulier développé précédemment. En l'occurrence, l'apparition régulière d'acteurs noirs à la télévision au sommet du casting des programmes. En effet, le milieu des années 1970 regorge d'exemples de shows où les noirs ont un rôle déterminant. Bernie Hamilton et Antonio Fargas dans "Starsky et Hutch" (1975/1979), Teresa Graves dans "Get Christie Love" (1975/1976), la première série policière avec une héroïne noire ou, dans un registre plus comique, Gary Coleman pour le sitcom "Arnold et Willy" (1978/1986).

Pour l'adaptation de "Shaft" au petit écran, on a fait appel aux producteurs Allan Balter et William Read Woodfield qui avaient déjà illustré de leur talent les meilleurs épisodes de "Mission : Impossible" dans les années 1966/1969 notamment. Ces derniers proposent à CBS Television de tourner des épisodes de 90 minutes, format plus adapté au développement des intrigues. Qui plus est, cela correspondait à une tendance nouvelle dans les grilles des différents réseaux. En l'occurrence, produire des shows d'une durée plus longue qu'à l'accoutumée. Un principe qui fut appliqué pour "Banacek" avec George Peppard, "Columbo" avec Peter Falk ou "Un Shérif à New York" avec Dennis Weaver (dans le cadre du "NBC Mystery Movie").

La diffusion de la série "Shaft" débuta le 09 octobre 1973 et s'acheva le 19 février 1974 prouvant que le filon était désormais épuisé. Pourtant, le programme était poussé par l'énorme succès de "Hawaï Police d'Etat" avec Jack Lord qui précédait "Shaft" dans la grille des programmes, mais en vain.

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Copyright : MGM Television / CBS Television (1973/1974)
A PROPOS DE RICHARD ROUNDTREE

Plus connu sous le nom de John Shaft, Richard Roundtree aura marqué l'histoire de la blaxploitation en trois films.

Sorti en 1971, "Shaft, Les Nuits Rouges De Harlem" se différenciait des autres films policiers, en plaçant Richard Roundtree, un Black, dans le rôle principal. Il allait devenir le premier héros 100% Black. Suivront deux autres films: "Shaft : Les Nouveaux Exploits De Shaft" (1972) ou "Shaft : Les Trafiquants D’hommes" (1973) destinés au marché international et beaucoup moins convaincants. Shaft devient un personnage plus Bondien. Richard Roundtree embrayera sur la série T.V. du même nom produite par la MGM. Médiocre, elle ne durera qu'une saison. On le reverra en 1976 au côté de Robert Shaw dans le film "Diamonds". Puis, il disparaît des écrans en même temps que le genre.

En 2000, le réalisateur John Singleton remet au goût du jour Shaft, et emploie Samuel Lee Jackson pour jouer le rôle principal. Richard Roundtree fera une apparition dans cette nouvelle version. En 2003, on le retrouve dans "Boat Trip" de Mort nathan, puis dans "Brick" de Rian Johnson, en 2006. Il a également fait des apparitions dans les séries : "Desperate Housewives", "Profiler", "Alias", et avant, "Mac Gyver " et "Beverly Hills 90210". Citons aussi "Grey's Anatomy" et "Heroes". Enfin, en 2008, Roundtree est apparu dans le "Speed Racer" des frères Wachowski. Récemment, on l'a retrouvé dans la nouvelle version de "Shaft" diffusée par Netflix. C'était en 2019.

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Copyright : Paramount Pictures
SHAFT VERSION 2001 : PROTOTYPE D'UN FILM RACISTE ?

Nous sommes dans une période plutôt singulière puisque les studios américains s'affairent actuellement autour de nouveaux projets liés à l'adaptation d'anciens succès des années 1970. C'est pourquoi, quelques standards tels que "La Planète des Singes" ou "Rollerball" connaissent un dépoussiérage dont nous avons pu constater qu'il n'était pas salutaire. Ces nouvelles versions projetées en 2001 sur les écrans ont toutes été des échecs. Cependant, le néo-"Shaft" que distribue la firme Paramount en France cette année-là n'est pas à proprement parler un remake du film original de Gordon Sparks avec Richard Roundtree dans le rôle principal, mais bien une suite réactualisée dans le contexte du New York contemporain.

Le premier opus présenté sur les écrans, en 1971, affrontait à l'époque une rude concurrence. En effet, la même année sortait sur les écrans "L'Inspecteur Harry" de Don Siegel, qui propulsait Clint Eastwood dans son rôle de policier coriace, impitoyable, peu soucieux des lois face aux carences du système, et en proie à des bouffées fascisantes, quoiqu'elles soient plutôt le fait du cinéaste Siegel qui n'a jamais fait mystère des ses opinions pour le moins conservatrices.

Ainsi, "Shaft" devait constituer pour la communauté afro-américaine, qui était sempiternellement dévaluée par un Hollywood lui accordant des rôles subalternes dans ces films et séries TV, un contre-vecteur parmi les plus efficaces. L'avènement d'un personnage aussi proche des gens de la rue, fit l'effet d'un électrochoc et propulsa le film aux cîmes du box-office.

C'est donc avec une impatience toute légitime que nous attendions la nouvelle mouture concoctée par John Singleton. Le choix de Samuel L. Jackson apparaissait logique. Qui plus est, nous étions persuadés, qu'avec Singleton derrière la caméra, la nouvelle version du privé black allait s'inscrire dans un contexte de valorisation de la communauté noire. Nous avions également le secret espoir que Singleton en profiterait pour ne pas commettre les mêmes erreurs que celles dont les cinéastes "blancs" avaient pu se rendre responsable dans les précédentes décennies, en donnant une image peu reluisante des noirs au cinéma. L'espoir allait être rapidement déçu !

Grosse production dotée d'un budget de 50 millions de dollars, le scénario de "Shaft" semble être passé par les Fourches Caudines d'un comité oecuménique et, en apparence, politiquement correct. Toutefois, il est évident qu'à l'écriture du script, une grosse bêtise a été commise : transformer le méchant de service en latino-américain vaniteux et stupide !

On reste pantois devant tant de connerie affichée par Singleton et ses scénaristes. Après des années de racisme exercé par les blancs à l'encontre des noirs au cinéma et à la télévision, Singleton se rend coupable d'un crime identique vis-à-vis des représentants de la communauté latino-américaine. C'est déplorable et, surtout, très inquiétant. Ainsi les noirs américains peuvent-ils se comporter comme les WASP (White Anglo Saxon Protestants) en leur temps ?

Enfin, le film est mollement dirigé, les séquences de poursuites en voitures sont dignes d'un mauvais téléfilm sur M6. Concernant les méchants, dans le rôle du sale raciste, on retrouve Christian Bale qui est la seule satisfaction du film, avec une dégaine de yuppie visqueux en costume de bonne coupe, il représente la seule chose vraiment mauvaise et gênante de ce film. Mais, cela est insuffisant et, malheureusement, Singleton s'en désintéresse. En définitive, soyons clairs : "Shatf" version 2001 est un film à bannir des écrans et des mémoires !

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Copyright : MGM Television / CBS Television (1973/1974)
FICHE TECHNIQUE

Une série basée sur les personnages créés par : Ernest Tidyman
Développée pour la télévision par : William Read Woodfield, Allan Balter
Producteurs : Allan Balter, William Read Woodfield
Producteur exécutif : Allan Balter
Producteur associé : Dann Cahn
Assistante de production : Fiseha Dimetros
Thème musical : Isaac Hayes
Musique : Johnny Pate
Supervision de la musique : Harry V. Lojewski
Directeurs de la photographie : Michael Hugo, Keith C. Smith
Costumes hommes : Norman A. Burza
Costumes femmes : Sylvia Liggett
Costumes fournis par : Botany 500
Responsable des accessoires : Fred Chapman
Décors : Richard Friedman, Raymond Paul
Maquillage : Jack Wilson Coiffures : Billie Jordan
Directeurs artistiques : Bill Ross, Edward C. Carfagno
Montage : George Folsey, Jr., Peter Kirby
Son : Robert J. Miller, Hal Watkins
Régisseur : Phil Rawlins
Assistants-réalisateurs : William McGarry, Robert Enrietto
Cascades : Charlie Picerni, Ted Jordan
Casting : Rachelle Faberman, Shelley Ellison
Voitures fournies par : Chrysler Corporation, General Motors Chevrolet
Filmée en : Metrocolor
Production : MGM Television / CBS Television (1973/1974)

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Tony Curtis dans la série Shaft - Episode "Délit de fuite" - Copyright : MGM Television / CBS Television (1973/1974)

 

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