Par Thierry Le Peut
"Les Mystères de l’Ouest" est à l’Oncle Sam ce que "Chapeau Melon et Bottes de Cuir" est à Sa Majesté. En somme, une sorte d’OVNI apparenté à plusieurs genres. Un programme qui renouvelle les thèmes de l’espionnage en les plongeant dans un fantastique et une dérision constants. Créée en 1965, la série mettant en vedette James West (Robert Conrad) et Artemus Gordon (Ross Martin) coïncide avec l’apparition d’Emma Peel en Angleterre et donc avec l’âge classique de "Chapeau Melon et Bottes de Cuir"...
Une série inclassable
La volonté de Michael Garrison, créateur et producteur, était clairement de jouer sur deux tableaux : celui de l’espionnite et celui du western, genre typiquement américain qui connaissait un énorme succès à la télévision américaine depuis les années 50 mais vivait à l’époque la fin de son âge d’or. Son personnage emprunte donc son prénom à l’Espion par excellence du moment, James (Ooh ! Jaaaames !). Puis, son nom tout simplement au cadre de la série. En effet, West, réunissant dans son seul patronyme les deux influences qui le définissent.
Quant au titre de la série, il traduit la volonté de raconter des histoires tout à fait originales dans un décor aussi riche en clichés que le récit d’espionnage : le Wild West de Buffalo Bill, expression consacrée renvoyant à l’époque mythique des pionniers, devient le Wild Wild West. Plus qu’une redondance, il s’agit bien d’un élément de caractérisation totalement différent qui sous-entend un degré supplémentaire de bizarrerie, de folie, applicable autant au cadre qu’au héros.
Et c’est bien ce que se propose d’offrir Garrison. En l'espèce, un mélange d’action et de fantaisie dont la véritable frontière, bien plus que l’exactitude historique, est l’imagination. Dès le premier épisode, les responsables de CBS, qui programmait la même année le très classique "Destination Danger" importé de Grande-Bretagne, furent quelque peu déroutés par ce cocktail inédit dont ils ne surent trop que faire, craignant la réaction d’un public désarçonné. Incapables de surmonter leur surprise initiale, ils ne faciliteront pas la production de la série qui connaîtra tout de même quatre saisons, mais finira par disparaître sous les coups d’une campagne anti-violence particulièrement virulente aux Etats-Unis.
Un sacré mélange
L’esprit des "Mystères de l’Ouest" tient pourtant à cette recette unique qui tire profit des mythes westerniens (les grandes étendues sauvages, les gunfights, la bagarre de saloon, le héros viril et solitaire) tout en en donnant une lecture innovante et résolument moderne.
James West et son acolyte Artemus Gordon sont confrontés chaque semaine aux fantômes du passé ou au spectre de l’époque moderne : d’un côté des colonels mal remis de la Guerre de Sécession, de vieilles demeures coloniales ou les relations difficiles avec les Indiens, de l’autre des machines insolites et hautement improbables qui annoncent l’ère nouvelle dans un style à la Léonard de Vinci. La série emprunte par ailleurs à l’espionnage façon James Bond une pléthore de gadgets dissimulés dans les manches, le chapeau, les chaussures ou les multiples doublures de West, et l’art du travestissement où Gordon est un véritable orfèvre, digne du Rollin de "Mission : Impossible".
Si certains épisodes épousent une structure assez classique, tous contiennent plusieurs éléments contribuant à brouiller les repères traditionnels, qu’ils soient empruntés à la science-fiction (la miniaturisation humaine dans « La Nuit d’un Monde Nouveau »), au fantastique (les fantômes ou les créatures de la nuit, notamment dans « La Nuit de la Maison Hantée » et « La Nuit du Loup ») ou au récit historique (Robin des Bois dans « La Nuit de la Terreur Verte »).
Une série misogyne
Comme dans toute série d’espionnage, les femmes ont une grande place dans la série mais, une fois de plus, les scénaristes jouent avec le cliché bondien plus qu’ils ne l’imitent. La femme dans "Les Mystères de l’Ouest" est souvent fourbe et traitée sans ménagement, à l’image d’une scène du générique où le héros l’envoie valser d’un coup de poing, sans égard pour sa féminité.
On a beaucoup disserté sur le comportement et les tenues moulantes de James West qui en ont fait dans l’imaginaire contemporain une icône gay, d’autant plus naturellement que son créateur, Garrison, était lui-même homosexuel. La misogynie ambiante, cependant, se rattache aussi aux deux genres les plus représentés dans cette série devenue culte.
Les ennemis de James West
A l’instar de l’âge d’or de "Chapeau Melon et Bottes de Cuir", "Les Mystères de l’Ouest" a imposé par ailleurs une galerie de vilains mégalomanes souvent savoureux. Le nain diabolique Miguelito Loveless en est l’exemple le plus fameux. Toutefois, il ne doit pas occulter ses confrères qui donnent à nombre d’épisodes une coloration camp évoquant le kitsch et délirant Batman diffusé à la même époque.
Plusieurs acteurs ont d’ailleurs joué les vilains dans les deux séries, comme Victor Buono (le Comte Manzeppi dans "Les Mystères de l'Ouest", le roi Tut dans "Batman") ou Burgess Meredith (le Professeur Cadwallader dans « The Night of the Human Trigger » et le Pingouin dans "Batman"). Ces personnages imposent une dimension théâtrale que l’on retrouve constamment dans les situations et les décors, ajoutant au côté décalé de la série et contribuant à « l’intemporaliser », ce qui eut pour effet d’en faire un programme culte un peu partout dans le monde dont notamment en France grâce à l'émission "La Une est à Vous" présentée par Bernard Golay dans les années 70.
Pour conclure
Indépendamment du rôle de James West qui a profondément marqué sa carrière, il est utile de rappeler que Robert Conrad et le personnage de l'espion sont étroitement associés. En effet, et c'est assez rare pour le souligner, dans sa longue carrière, après James West, Robert Conrad sera Jake Webster dans "L'homme de Vienne", ensuite Thomas Remington Sloane dans "Sloane, agent spécial" et enfin Henry Stanton dans le téléfilm "Assassin".
Un très grand merci à Régis Dolle, responsable de la page Facebook, A l'image des séries, pour les photos fournies et venant de sa collection.