Dossiers séries TV Western

Les bannis : Une épopée réaliste de l’Ouest américain

Par Christophe Dordain

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Otis Young et Don Murray.

"Les Bannis". Une série qui met en scène deux chasseurs de primes à la fin de la Guerre de Sécession. Tous deux sont contraints de voyager ensemble alors que tout les oppose. D'un côté, le sudiste, un ancien aristocrate de Virginie. De l''autre côté, un nordiste, ancien esclave devenu affranchi.

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Les Bannis dans la presse française en 1970 / Crédit photo : Télé 7 Jours
LE WESTERN A LA TELEVISION AMERICAINE

La fiction télé et le western sont étroitement liés. Genre mythique aux Etats-Unis, le western remplissait les salles de séries B tournées à la chaîne durant les années 40 et 50. Lorsque la production devint plus coûteuse, de nombreux artisans du grand écran s'intéressèrent à la télévision, alors médium débutant encore entouré de scepticisme. La petite lucarne était demandeuse en effet de productions en série. Celles susceptibles de fidéliser un public encore jeune. Les succès du cinéma et de la radio trouvèrent alors une vie nouvelle. Ainsi, certains programmes allaient-ils être appelés à une longue et glorieuse existence. Par exemple, Gunsmoke interprété à la radio par William Conrad et bientôt immortalisé sur le petit écran par James Arness (frère de Peter Graves à la ville et incarnation d'un envahisseur d'outre-espace dans La chose d'un autre monde de Howard Hawks et Christian Nyby en 1951).

Source de richesses insoupçonnées à ses débuts, la télévision se mit à construire ses propres légendes. Notamment en reprenant des personnages déjà éprouvés. Ces derniers faisant partie intégrante du folklore de l'Ouest. On citera William Boyd qui fit ainsi fortune en incarnant Hopalong Cassidy dans une quarantaine d'épisodes télé entre 1949 et 1951. Tandis que d'autres lui emboitaient le pas, tels Gene Autry en 1950 et Roy Rogers en 1951. Le cow-boy télévisuel est fidèle à la mythologie du héros solitaire. The Lone Ranger, avec Clayton Moore, reste l'une de ses représentations les plus symboliques avec ses 221 épisodes diffusés entre 1949 et 1957. Son succès ouvrit la voie à un autre justicier masqué qui connut son heure de gloire à la télévision entre 1958 et 1960. Un héros qui signait ses exploits d'un Z resté fameux.

L'influence de la bande dessinée est manifeste dans ces personnages manichéens souvent flanqués d'un cheval fétiche, qu'on l'appelle Silver ou Tornado, et d'un faire-valoir vaguement comique (Bernardo, Tonto et alii). The Adventures of Wild Bill Hickock, Buffalo Bill Jr, Range Rider, The Adventures of Kit Carson, Bat Masterson, Bronco, Cheyenne, Cisco Kid sont quelques-uns des héros solitaires qui chevauchent la lucarne au tournant des décennies 50 et 60. C'est aussi à cette période que naît ce que l'on a appelé le western « adulte ». C'est-à-dire destiné au public adulte du début de soirée.

En septembre 1955, ABC programme The Life and Legend of Wyatt Earp, avec Hugh O'Brian. Une série qui contera (sur 225 épisodes, jusqu'en 1961) la vie et les aventures de ce personnage légendaire de l'Ouest. Celui qui fut immortalisé au cinéma par John Ford et John Sturges avec des noms prestigieux comme Bat Masterson, Doc Holliday, Tombstone ou O.K. Corral. Quelques jours plus tard, CBS lance son Gunsmoke qui tiendra l'antenne jusqu'en 1975. James Arness ne tardant pas à revenir dans un rôle de nouveau emblématique dans La Conquête de l'Ouest. Dans la même veine, The Restless Gun met en scène un héros « maudit ». Ce dernier voyageant de ville en ville où sa réputation de tireur redoutable le rend souvent indésirable. Tandis que Have Gun, Will Travel propulse le personnage de Paladin, redresseur de torts incarné par Richard Boone, en tête des audiences.

ABC, en partenariat avec Warner Bros., commande alors une série de produits formatés qui dureront pour la plupart de trois à cinq ans. On retiendra entre autres Cheyenne est bâti sur la forte carrure de Clint Walker. Mais aussi, The Lawman sur l'association d'un shérif expérimenté et d'un jeune assistant, campés par John Russell et Peter Brown. Les autres séries ont pour titres Sugarfoot, Colt 45, Bronco et Maverick. Cette dernière est restée la plus fameuse en raison sans doute de la personnalité de James Garner (l'interprète de Bret Maverick) et de ses partenaires Robert Colbert, Jack Kelly et Roger Moore.

Le tournant des années 60 marque ainsi une sorte d'âge d'or du western télé dont aura profité Les Bannis. Un âge d'or qui voit également l'apparition de Bonanza. Un autre programme mythique de l'Histoire du western, voire de la télévision. En 1957, la société Four Star (fondée par Dick Powell, Ida Lupino, David Niven et Charles Boyer), productrice de plusieurs des programmes précités, lance une série narrant les exploits d'un Texas Ranger, Hoby Gilman, dans l'Ouest de l'après-guerre de Sécession. Trackdown durera deux ans et 71 épisodes, révélant le comédien Robert Culp. Celui-ci s'y sentira d'ailleurs si malheureux qu'il déclarera après cette expérience ne plus jamais vouloir de série télé ! (Ce qui ne l'empêchera pas d'être l'un des héros de la série Les Espions six ans plus tard et de rempiler pour The Greatest American Hero au début des années 80). Pour la petite histoire, au hasard d'un épisode de Trackdow, on découvrait pour la première fois un certain Josh Randall. Vous connaissez la suite...

(Un grand merci à Thierry Le Peut pour cette nécessaire introduction au genre western au petit écran).

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Une série éditée en DVD grâce à Elephant Films !
PRESENTATION DE LA SERIE

Ainsi, rares sont donc les séries qui mettent en avant un héros a priori aussi antipathique que le chasseur de primes. Comme indiqué précédemment, c'est à Vincent Fennelly que l'on attribue l'idée d'avoir développer, pour la première fois, un épisode autour d'un chasseur de primes dont la route croise celle de Hoby Gilman dans la série "Trackdown". Intitulé "The Bounty Hunter" ("Le Chasseur de Primes"), et écrit par John Robinson, l'épisode est diffusé le 07 mars 1958 sur CBS et Fennelly s'en sert en tant que pilote afin de proposer à CBS une série centrée sur le personnage du chasseur de primes. Cette série, c'est "Au Nom de La Loi" ! Elle fera la fortune de Steve McQueen, de 1958 à 1961, pendant 94 aventures.

Pourtant, il faudra attendre une décennie avant de revoir une autre série mettant en vedette des chasseurs de primes (dont il faut bien reconnaître qu'ils sont si peu recommandables au premier abord. Tant éloignés qu'ils sont, il est vrai, des canons chevaleresques appliqués au cow boy américain). Pendant ce temps donc, la situation aux Etats-Unis a considérablement évolué notamment dans le fait de proposer aux acteurs noirs des rôles d'importance. Si Sidney Poitier avait ouvert le chemin au grand écran, c'est Bill Cosby qui, le premier, s'était vu offrir la tête d'affiche de la série "Les Espions" (dès septembre 1965) aux côtés de Robert Culp.

C'est dans ce cadre que les scénaristes, Leon Tokatyan et Ben Brady, furent chargés de trouver un concept qui allait donner naissance à la série "Les Bannis", à la fois original et crédible, permettant de justifier la présence d'un noir dans l'univers si particulier et si "blanc" du western. En effet, comment faire accepter aux téléspectateurs américains un fait historique ignoré, car non enseigné : les noirs ont joué un rôle de première importance pendant la Conquête de l'Ouest (nombreux d'entre eux étaient notamment des cow-boys !). Le duo prend alors forme pour mettre en avant un ancien esclave, devenu chasseur de prime pour survivre, associé à un ancien propriétaire d'une plantation, homme à la dérive, représentatif de cette génération sacrifiée pendant la guerre de Sécession.

Comme le soulignait Jean-Jacques Schléret dans l'un des trop rares articles consacrés à cette série : "l'association de ces deux hommes, on s'en doute, va être explosive. Earl Corey, ancien propriétaire d'esclaves, considère le Noir comme son inférieur et le traite de "Boy" pour le remettre à sa place... Parfois, il l'offense involontairement lorsqu'il lui offre en cadeau une jeune femme noire qu'il a gagnée au poker (épisode "Entrez dans la danse"). De son côté, Jemal ne peut oublier sa haine des blancs qui l'ont réduit en esclavage, battu et humilié... Dans un autre épisode de la série, "Le Vin Lourd", les rapports vont s'inverser lorsque Jemal, nommé shérif, prend Earl comme adjoint." (Les séries télévisées américaines, CinémAction TV n°8 publié en mars 1994 aux éditions Corlet-Télérama.)

Programmée à partir du 23 septembre 1968 sur ABC, le lundi soir, de 21h à 22h, "Les Bannis" ne parvinrent jamais à trouver leur public tant il est vrai que le marché de la série western était plus que saturé. Qui plus est, la série "Les Bannis" étant assez violente, elle prit de plein fouet les restrictions imposées par l'administration américaine à la télévision suite aux assassinats respectifs de Martin Luther King et de Bobby Kennedy, en 1968. En France, le destin de la série fut bien différent. Programmée sur la 2ème chaîne de l'ORTF à partir du 01 novembre 1970, elle y enregistra un solide succès dû aussi bien à la qualité de l'interprétation et du doublage (assumé par Alain Dorval et Med Hondo), qu'à celle du thème musical composé par Hugo Montenegro. Un thème demeuré à jamais dans les oreilles des amateurs de grandes séries westerns.

ILS ONT IMAGINE "LES BANNIS"
Ben Brady

Ben Brady nous a quittés le 20 mars 2003 à Los Angeles. Dans sa longue carrière, on peut alors relever quelques contributions majeures. Citons "Rawhide" en tant que producteur exécutif. Ou bien encore "Au-Delà du Réel" en tant que producteur pour la saison 2. Sans oublier "Have Gun, Will Travel" (1959/60) avec Richard Boone, toujours en tant que producteur, tout comme pour "Perry Mason" avec Raymond Burr (1957/1959)

Leon Tokatyan

Il est le véritable père fondateur des "Bannis" avec Ben Brady. Décédé le 13 mai 1997 à Los Angeles, Leon Tokatyan est une figure majeure de la production télévisuelle américaine. Il a notamment supervisé la production de la série "Starman" avec Robert Hayes (1986). S'il a également écrit plus d'une trentaine de scripts pour différentes séries telles que "L'Homme de Fer" ou "Kojak", Tokatyan est surtout connu en tant que créateur de la série "Lou Grant". Un programme télé avec Edward Asner. Produit par le firme MTM, il fut diffusé entre 1977 et 1983.

Hugh Benson

Producteur exécutif de la série, il en a également développé les scénarios. Décédé le 28 octobre 1999, à Reseda, en Californie, Hugh Benson présente une carrière exemplaire jalonnée de nombreux téléfilms et séries. Ainsi, a-t-il supervisé la production de "Dans La Chaleur de La Nuit" avec Carroll O'Connor, à partir de 1988. Une fonction qu'il a également assurée pour des séries telle que "Pour l'Amour du Risque" (1979). Hugh Benson également producteur associé pour "L'Age de Cristal" avec Gregory Harrison et Heather Menzies (1977).

Jon Epstein

Décédé le 24 novembre 1990 à Los Angeles, Jon Epstein est un producteur d'envergure dans la longue histoire de la télévision américaine. Parmi ses titres de gloire, on peut citer "Commando du Désert" avec Christopher George (1966/1968). Une série imaginée par Tom Gries. On retiendra aussi "Le Riche et Le Pauvre" (1977) avec Peter Strauss et Nick Nolte. Jon Epstein fut également producteur exécutif de la série "Switch" avec Robert Wagner et Eddie Albert (1975). Jon Epstein a également produit 4 enquêtes de "Columbo" (1990). Enfin, n'oublions pas la série "Mike Hammer" (avec Stacey Keach, de 1984 à 1988).

LA SOCIETE SCREEN GEMS

Screen Gems était, dans les années 60, une division de la société de production Columbia Pictures. Fondée en 1934, elle produisit de nombreux dessins animés avant la guerre. Puis, elle se lança dans la production de films dès 1948. S'orientant vers la conception de programmes à destination de la petite lucarne, voici, hormis "Les Bannis", un échantillon des nombreuses séries produites sous la bannière Screen Gems. Le tout pendant les années 50 et 60 :
- "Les Aventures de Rin Tin Tin" (1954/1959);
- "Papa a raison" (1954/1960) avec Robert Young et Linda Evans;
- "The Donna Reed Show" (1958/1966);
- "Les Flintstones" (en association avec les productions Hanna-Barbera 1960/1966);
- "Ma Sorcière Bien Aimée" (1964/1972) avec Elizabeth Montgomery, Dick York puis Dick Sargent;
- "I Dream of Jeannie" (1965/1970);
- "The Monkees" (1966/1968);
- "The Partridge Family" (1970/1974).

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Jemal Davis et Earl Corey / Crédits photo : Elephant Films - Columbia Pictures Television - NBC Television.
LES PERSONNAGES
Don Murray / Earl Corey (voix française : Alain Dorval)

Né à Los Angeles, en 1929, Don Murray est décédé le 2 février 2024. Il était originaire d'une famille de professionnels du spectacle. Ainsi, s'illustre-t-il pour la première sur les scènes de Broadway dans "La Rose Tatouée". C'est là qu'il est remarqué par le cinéaste Joshua Logan qui parraine ses débuts au cinéma dans "Bus Stop" (film dans lequel Don Murray a Marylin Monroe pour partenaire).

Dans les années 50, Don Murray participe à des films tels que "Duel dans la boue" dirigée par Richard Fleisher, en 1959, ou bien "Tempête à Washington", mis en scène par Otto Preminger, en 1962. Citons aussi "La Conquête de la Planète des Singes" en 1972. Il faut alors souligner que ses convictions religieuses lui inspireront des films tel que "Le mal de vivre" (sous la direction de Irvin Kerschner, en 1961) ou "The Cross and the Switchblade" (qu'il co-écrit et réalise, en 1970).

Pour le petit écran, indépendamment de sa participation à la série "Les Bannis", Don Murray est connu des téléspectateurs français pour son rôle, au cours des deux premières saisons, dans "Côte Ouest", au début des années 80. Citons également quelques téléfilms tels que "La Compagne de la Nuit" de Gary Nelson en 1974 (diffusion en France le 09 septembre 1978 sur FR3), "Le garçon qui buvait trop" réalisé par Jerrod Freeman en 1981 (diffusion le 06 Décembre 1984 sur TF1) et "Les Enfants de Stepford" réalisé par Alan J. Levi en 1987 (diffusion le 22 Janvier 1988 sur Canal +). Récemment, on l'aura revu avec grand plaisir dans un épisode de la série "Twin Peaks", version 2017.

Otis Young / Jemal David (voix française : Med Hondo)

Né à Providence dans l'état de Rhode Island, en 1932, Otis Young est décédé le 12 octobre 2001 à l'âge de 69 ans. Engagé chez les Marines à 17 ans, il participe à la guerre de Corée. Démobilisé, il se lance dans la carrière artistique. Puis, il devient un acteur connu dans de nombreuses pièces jouées off-Broadway à New York.

Sa participation à la série "Les Bannis" constitue le point d'orgue de son parcours. Le téléspectateur attentif peut l'apercevoir en vedette-invitée d'un épisode de la série "Columbo" ("Jeu d'Identité / Identity Crisis") en 1975. Dans les années 80, Otis Young avait abandonné le métier de comédien. En effet, il était devenu professeur en communication au Community College de Monroe.

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Otis Young à la une du magazine Télé 7 Jours lors de la première diffusion de la série Les Bannis.
FICHE TECHNIQUE

Créée par : Ben Brady, Leon Tokatyan
Producteur : Jon Epstein
Producteurs associés : Sheldon Schrager, Louis A. Goldstein
Producteur exécutif : Leon Tokatyan
Musique : Hugo Montenegro
Directeur de la photographie : Harold Stine
Directeurs artistiques : Ross Bellah, Robert Peterson
Montage : Norman Colbert, Aaron Nibley, Peter Colbert
Supervision du casting : Geoffrey Fisher
Décors : Alfred E. Spencer
Maquillage : Ben Lane
Effets sonores : Sunset Editorial
Assistants-réalisateurs : Anthony Ray, Jim Hogan
Réalisateur de la seconde équipe : Mel Swope
Cascadeurs : Mike Masters, Troy Melton, Dean Smith, George Orrison, Roy Jenson, Jim Burk, Wayne King, Phil Adams, Gene LeBell
Couleur : Perfect Pathé
Produit par : Screen Gems (1968/1969) pour ABC Television


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