Par Thierry Le Peut
Jesse Mach, un motard de la police, est choisi pour piloter le Faucon, une moto de haute technologie capable de rouler à 300 miles à l’heure et contrôlée par un ordinateur perfectionné. Dissimulée sous une combinaison noire, son identité doit rester secrète et les missions qu’il doit remplir sont confidentielles. Zorro moderne monté sur un destrier d’un nouveau type, il devient pour tous... le Tonnerre Mécanique. Un justicier et peut-être un jour... une légende !
PREAMBULE
Quel rapport voyez-vous entre "L’Incroyable Hulk" et "Tonnerre Mécanique", titre français (un peu ronflant) de "Street Hawk" ? Entre une moto supersonique et un grand monstre vert ? On peut dire que les deux séries racontent une manière de lutte contre le crime, certainement, mais de la force de la nature au justicier monté sur son noir destrier high-tech la distance ressemble quand même à un grand écart. Alors, vous donnez votre langue au chat ? Bon, certains petits malins ont sans doute déjà une idée : le point commun est en fait à chercher derrière la caméra, au sein de l’équipe qui présida aux destins de ces deux créations cathodiques. Nicholas Corea, Karen Harris, Paul M. Belous, Robert Wolterstorff : ces quatre noms, que vous lisez au générique de "Tonnerre Mécanique", furent aussi associés à la saga du géant vert bourré de rayons gamma. Le premier, Corea, sera même l’un des maîtres d’oeuvre de la résurrection de Hulk à la fin des années 80, et on le retrouvera quelques années plus tard au poste de « conseiller à la création » sur les premiers épisodes de "Walker Texas Ranger". Mais ne nous égarons pas...
Belous et Wolterstorff, qui contribueront encore ensemble à "Code Quantum", ont commencé en travaillant sur "Huit ça suffit" avant de se retrouver sur "L’Incroyable Hulk" puis de concevoir la formule de "Tonnerre Mécanique". Ils sont aidés pour cela par un vieux routier de la télévision américaine, Bruce Lansbury, dont l’un des titres de gloire est d’avoir produit une grande partie des épisodes des "Mystères de l’Ouest". Sa contribution à l’univers des séries est loin de s’arrêter là puisqu’il a travaillé également sur "Mission Impossible", "Wonder Woman", "Buck Rogers au XXVème siècle" et "Le Voyage fantastique", en plus d’avoir en partie supervisé les tournages de "The Brady Bunch", "Love American Style" et "Les Jours heureux". Surtout (du moins en ce qui concerne notre "Tonnerre..."), il a collaboré en 1982 au grand succès de NBC : "K2000". Il n’est d’ailleurs pas le seul puisque Karen Harris et Burton Armus, également producteurs de "Tonnerre Mécanique", s’y sont eux aussi croisés. Pour en terminer avec la page filmographique, précisons encore que les sieurs Armus et Corea ont en outre collaboré à "Supercopter" qui fit ses débuts en 1984 sur CBS.
"Tonnerre Mécanique" (largement popularisée en France par La Cinq qui la diffusera dès avril 1986) est la réponse d’ABC aux succès de "K2000" et de "Supercopter" sur les réseaux concurrents. La chaîne avait déjà tenté sa chance l’année précédente avec "Tonnerre de feu", directement inspirée du film homonyme, mais l’expérience n’avait duré qu’une demi-saison et la chaîne éprouvait le besoin de risquer un nouveau coup. En confiant celui-ci à une poignée de producteurs expérimentés, elle prenait des risques modérés. Malheureusement la chaîne condamna elle-même son produit à l’échec en le programmant le vendredi soir, dans une case horaire qui avait déjà sonné le glas de plusieurs séries apparentées à la science-fiction : "Starman" n’y avait tenu qu’une saison malgré des qualités indéniables, et "L’Homme qui valait trois milliards" avait bien failli y rester quelque dix ans plus tôt. Le destin de "Tonnerre Mécanique" était donc prévisible et la malédiction du vendredi soir se confirma lorsque la série ne parvint pas à décoller. Programmée le vendredi soir à 21 h de janvier à avril 1985, elle fut finalement déplacée au jeudi soir à 20 h mais il était trop tard. Son arrêt de mort était déjà signé.
UNE EQUIPE FAMILIALE
La série illustre ce que les anglo-saxons appellent un high concept, c’est-à-dire un programme où le concept prime sur les histoires et les personnages : une série à gimmick, comme les autres séries contemporaines fondées sur de super-engins mis au service de la justice. Proche d’"Automan", qui avait connu une carrière tout aussi courte sur ABC en 1983, "Tonnerre Mécanique" cherche avant tout à surfer sur une vague populaire et nullement à révolutionner la fiction télé. Une idée qu’il faut garder en mémoire pour apprécier les 13 épisodes qu’une disparition prématurée nous a laissés pour seuls témoins de ses qualités.
Le héros est un jeune type ordinaire, sans drame existentiel, fidèle à l’image que l’on peut se faire du beau surfer blond californien (une activité que pratiquait d’ailleurs l’acteur Rex Smith). Motard dans la police de Los Angeles, il satisfait son goût du risque et de la vitesse en s’offrant quelques escapades aux commandes de son engin de service. Au début de la série, on peut dire sans peur d’être injuste qu’il n’a pas encore beaucoup de plomb dans la cervelle et qu’il voit la vie comme un divertissement, en dépit de son métier. Comme c’est souvent le cas (pensez à "Starsky et Hutch", qui reste l’archétype de cette formule), c’est son supérieur, plus mûr et donc moins « fun », qui lui remet les pieds sur terre en le suspendant pour cet usage trop peu conventionnel de son outil de travail.
Petite digression, ici, pour tracer un portrait rapide du supérieur en question, le Lt Leo Altobelli. Un nom « bien de là-bas » qui évoque d’autres faire-valoir méditerranéens comme le Lt Novelli de "Matt Houston", même si le rôle est tenu par un acteur américain, en l’occurrence Richard Venture que l’on venait de croiser dans "Les Oiseaux se cachent pour mourir" et qui apparaissait déjà, en 1975 et 1978, dans deux épisodes de "Starsky et Hutch" (« La tempête » et « La folie du jeu », pour ceux qui voudraient y retourner voir). Fort en gueule, irascible, toujours furieux de voir ses subordonnés gaspiller les deniers publics ou se tourner les pouces, Altobelli a tout du commissaire grincheux qui ne s’en laisse pas conter et qui met un point d’honneur à être constamment sur le dos de ses hommes. Comme il se doit, cet homme-là a malgré tout un coeur et ne parvient pas toujours à le cacher, ce qui le rend malgré tout sympathique et lui confère la présence paternelle traditionnellement dévolue au supérieur gueulard. L’honneur est sauf.
Revenons donc à notre héros dont nous avons dit qu’il était une tête brûlée irresponsable et amateur de frissons. Jesse Mach, c’est son nom, bascule brusquement dans la dure réalité lorsque son équipier est assassiné par un trafiquant de drogue et lui-même blessé à la jambe. Son genou ne s’en remettra pas et l’heure de la mise au placard a sonné pour le jeune casse-cou, qui se voit affecté à un travail de bureau à mille lieues de ses aspirations. Muté aux Relations Publiques où il a pour collègue la charmante Sandy McCoy (remplacée dès le deuxième épisode par Rachel Adams, nous y reviendrons), Mach s’ennuie à mourir et ne s’imagine pas supportant longtemps l’humeur imbuvable d’Altobelli. Jusque-là, le côté sport mis à part, le personnage n’est pas très différent de l’informaticien avide d’action d’"Automan", qui était en butte lui aussi à l’agressivité de son supérieur (dont le look n’était pas très différent, là encore, de celui de notre Altobelli).
C’est le moment idéal pour offrir au jeune héros impatient une occasion d’assouvir ses pulsions sportives, d’autant que l’enquête sur la mort de son équipier piétine, essentiellement parce que le policier Miller chargé de la conduire est à la botte du meurtrier. Entre donc Norman Tuttle, un jeune ingénieur du gouvernement qui vient de mettre au point un engin « révolutionnaire » dont il rêve de doter tous les services de police du pays. Pour l’heure, cependant, la « chose » en est encore au stade expérimental et nécessite un pilote compétent pour passer à l’étape de l’examen pratique.
Jesse Mach a justement le profil idéal, à un détail près: il n’a absolument aucun respect pour les machines, qu’il manipule avec la brutalité d’un enfant peu soucieux de ses jouets. Pour l’ingénieur amoureux de son « bébé », Mach n’est pas l’homme qui manque au projet. Mais ce n’est pas l’avis de ses supérieurs (on ne les voit jamais) qui le renvoient sur le front après une première entrevue ratée. Mach, qui au départ n’était pas intéressé et préférait continuer de jouir d’une existence facile, voit là une occasion rêvée de traquer lui-même les meurtriers de son équipier tout en remontant en selle. Le voilà donc embarqué par un Tuttle un tantinet récalcitrant, qui le fait bénéficier de la technologie avancée du gouvernement pour soigner son genou et lui confectionne une combinaison sur mesure afin que son identité puisse demeurer secrète lorsqu’il pilotera le Faucon. Attendons encore un instant, si vous le voulez bien, pour présenter ce dernier et terminons-en avec les personnages.
L’AVENTURE EST AU BOUT DE LA ROUTE
Une demi-saison n’aura pas suffi pour consolider un concept pourtant assez prometteur en dépit d’un « emballage » résolument tendance. "Tonnerre Mécanique" exploite une veine déjà fort bien illustrée où vitesse et dynamisme tirent profit d’une technologie en pleine expansion tout en reprenant la vieille recette du justicier masqué. Pour cette raison, la série a pu être rangée dans la catégorie « super-héros », bien qu’elle trouve facilement sa place dans cette branche du policier tournée vers le divertissement et non vers la peinture d’une société. Une branche mineure, sans doute, et très télévisuelle, ce qui suffit à certains critiques pour la mépriser : pourtant elle n’est que l’adaptation à notre civilisation urbaine d’un concept ancien qui privilégie l’aventure et les rebondissements attendus, bien souvent sans se soucier d’originalité. On pense aux serials des années trente et quarante, ceux-là mêmes qui ont inspiré "Indiana Jones" et dont le "Batman" de Bob Kane est l’un des plus illustres représentants dans leur version dessinée.
Comme ses prédécesseurs plus chanceux flirtant avec la même veine, et comme d’autres productions majeures de l’époque, en particulier "L'Agence Tous Risques", "Tonnerre Mécanique" est une déclinaison agréable de l’aventure « bande dessinée », pleine de couleurs et fondée sur des situations conventionnelles et simples. Le concept a d’ailleurs été repris depuis dans "Viper", où l’on retrouve l’alliance d’un cerveau et d’un homme d’action, pilote hors pair, ainsi que le motif du contrôle à distance par un ordinateur ultra-perfectionné.
L’influence du jeu video est indéniable dans ces formules, à la fois dans les images de paysage défilant à toute vitesse et dans celle du « contrôleur » suivant l’action sur son écran d’ordinateur et manipulant sa console pour activer les armes de la machine. D’autres programmes empruntent sensiblement les mêmes chemins tout en apportant à chaque fois un « plus » au schéma initial : on peut citer en particulier "Super Force", une petite série inspirée des productions japonaises, ou "M.A.N.T.I.S." qui met encore en scène un justicier futuriste.
Les histoires de la série puisent dans le répertoire classique : l’ami d’enfance qui a mal tourné, l’équipier assassiné, la star du rock, l’intrigue dans Chinatown, la romancière menacée de mort, le terroriste, le faux flic, le témoin à protéger, tout cela a déjà été vu ailleurs et ne renouvelle rien de ce qui se fait depuis toujours à la télévision. La réalisation en revanche est suffisamment professionnelle pour conférer à ces vieilles recettes une tenue très convenable et l’humour demeure un élément essentiel. L’amateur de séries repère d’un épisode à l’autre des visages connus et des personnages stéréotypés qui entretiennent le sentiment de familiarité propice à une appréhension facile.
On ne peut pas refermer ce petit tour d’horizon sans dire quelques mots sur le Faucon, l’engin qui donne son titre original à la série (traduction littérale : "Le Faucon des rues"). D’autant qu’on vous l’a promis précédemment. Mis au point par Norman Tuttle, ingénieur surdoué, le Faucon est à la base une Honda tout ce qu’il y a de plus traditionnel. Les éléments de carrosserie, en revanche, ont été renforcés et sont à l’épreuve des balles. Surtout, la machine est pourvue d’un impressionnant arsenal qui ne se laisserait pas deviner : rayon laser, lance-roquettes, mitraillette, ainsi que de petites balles en caoutchouc idéales pour assommer un adversaire récalcitrant.
C’est principalement dans le nez de la machine que sont concentrées ces armes, qui peuvent être actionnées par les commandes manuelles du guidon. Le contrôle de l’hyper-vitesse (hyperthrust dans la v.o.) est en revanche externe et doit être activé à partir de l’ordinateur central derrière lequel Norman exerce une veille constante. Le casque du pilote est un prolongement de l’appareil et dispose d’un viseur à infra-rouge et d’un zoom. Les images qu’il capte sont par ailleurs retransmises au centre de commande, véritable centre névralgique de la machine.
Nul doute que, comme les voitures de "K2000" et "Viper" et l’hélicoptère de "Supercopter", cet engin fut propice à alimenter les rêveries du jeune public dans les années 80, dont il satisfaisait le goût de la vitesse et des sensations fortes avec un avantage certain pour les moins entreprenants : pas besoin d’enfourcher vraiment la bécane pour jouir du spectacle ! On signalera, en guise de mot de la fin, l’excellente musique composée par le groupe allemand Tangerine Dream, dont le thème est un morceau qui peut s’écouter seul aussi souvent qu’on le souhaite ! Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec Tangerine Dream, c’est avec ce groupe qu’a débuté Christopher Franke, compositeur acclamé de la musique de "Babylon 5" mais à qui l’on doit d’autres génériques, notamment ceux de "Raven" et de "La Loi du fugitif".
FICHE TECHNIQUE
Création : Robert Wolterstorff, Paul Belous, Bruce Lansbury
Producteurs exécutifs : Paul M. Belous, Robert Wolterstorff
Productrice associée : Medora Heilbron
Producteurs : Burton Armus, Stephen Cragg, Karen Harris
Supervision de la production : Bruce Lansbury
Conseiller exécutif écriture : Bob Baublitz
Musique : Tangerine Dream, Christopher Franke, Edgar Froese, Johannes Schmölling
Directeur de la photographie : Frank Pershing Flynn
Montage : Richard Freeman, Herbert H. Dow, Housley Stevenson, Neil MacDonald, Jeanene Ambler, Tom Finan, Jack Gleason
Distribution des rôles : Mark Malis, Melvin Johnson
Direction artistique : James Allen, Hub Braden, William H. Tuntke
Décorateurs de plateau : Joe Armetta, Marc E. Meyer, Jacqueline Martin
Directeurs de production : S. Michael Formica, Mitchell L. Gamson
1ers assistants-réalisateurs : Tony Brown, David L. Beanes, Joseph A. Ingraffia, R. John Slosser
2ème assistants-réalisateurs : Aldric Porter, Jerry Ketcham
Son : D. Lowell Harris
Montage du son : Glenn Hoskinson, Bruce Stambler
Effets visuels spéciaux : Louis Schwartzberg
Coordinations des cascades : John Moio, Mike Tillman
Cascadeurs : Larry Holt, Chris Bromham, Richard Epper, Shawn Patrick Lane, Bob Bralver, Brian J. Williams, Bruce Paul Barbour, David LeBell, John Hateley, Bob Herron, Hubie Kerns Jr.
Supervision des costumes : Buffy Snyder, Dan Lester, Charles DeMuth, Michael W. Hoffman, Aggie Lyon, Arlene Zamiara
Montage de la musique : Donald Woods, James Morris
Générique et effets optiques : Universal Title
Objectifs et caméras Panaflex fournis par : Panavision
Couleur par : Technicolor
Production : Limeklin & Templar en association avec Universal Television / MCA (1985)