Par Christophe Dordain
Ayant pour toile de fond la vallée de San Joaquin dans l'Etat de Californie, dans les années 1870, la série "Ranch L" raconte les aventures d'un propriétaire d'un vaste ranch, Murdoch Lancer. Mais aussi celle de son combat contre toutes les personnes qui tentent de lui voler ses biens. Pour cela, il est aidé par ses deux fils qui, avant de vivre sous le même toit, ne s'étaient jamais rencontrés. Leurs caractères respectifs sont bien différents. L'un, Scott Lancer, a reçu une solide éducation alors qu'il habitait Boston. L'autre, Johnny Lancer, est le prototype de l'aventurier. Toutefois, au-delà de leurs singularités, ils apprennent à se respecter et à travailler de concert. Le tout pour pérenniser la prospérité du ranch de la famille Lancer.
UNE SERIE WESTERN FAMILIALE DE PLUS ?
En effet, "Ranch L" fait partie de cette longue lignée de séries western. Celles axées sur un groupe familial et son évolution au fur et à mesure des intrigues développées dans chacun des épisodes. A l'instar de "Bonanza" et de "Chaparral" (deux fers de lance de la production télévisuelle de l'époque diffusés par le réseau NBC), la série, imaginée par Samuel A. Peebles et Dean Riesner, traite de la famille Lancer. Ils sont des ranchers habitant la vallée de San Joaquin, en Californie. L'action étant censée se dérouler au milieu des années 1870.
Le propriétaire du ranch, Murdoch Lancer, est veuf. Aussi, pour protéger les intérêts de sa famille, tout en supervisant l'exploitation d'un immense territoire de plusieurs dizaines de milliers d'hectares, il bénéficie du concours de ses deux fils. C'est un élément qui est d'emblée développé dès l'épisode-pilote mis en scène par Sam Wanamaker ("The High Riders" / "La Voix du Sang" dont on connaît une double version en noir et blanc ainsi qu'en couleurs).
Le premier de ses deux fils, Johnny Madrid Lancer, a le profil typique du cow-boy aventurier. A priori, ce dernier est peu préparé à se soumettre la sédentarisation qu'impose l'exploitation d'un ranch. Par contre, il est bien plus apte aux galopades et autres fusillades, sans oublier une vie sentimentale agitée. En effet, le beau jeune homme papillonne de demoiselle en demoiselle.
Le second fils, Scott Lancer, est tout le contraire. Il vient d'un collège huppé de la ville de Boston où il a reçu une éducation de grande qualité. Bien qu'il soit plus posé que Johnny Madrid, il existe une forme de rivalité entre les deux frères, mais dont le traitement demeure strictement circonscrit au cadre familial dans lequel la figure du patriarche domine. Ce dernier leur offre de participer à la gestion de ce vaste domaine où les dangers sont nombreux. C'est en les affrontant que les deux frères, aux tempéraments si distincts, finiront par accepter leur coexistence et développeront même une sorte de respect mutuel.
Il est à noter que les conflits qui les opposent permettent d'alimenter la série "Ranch L" en une multitude d'opportunités d'intrigues qu'ont su exploiter à merveille les nombreux scénaristes qui ont travaillé sur la série tout au long de ces deux saisons d'existence. Enfin n'oublions pas la présence féminine de Teresa O' Brien ainsi que celle du contremaître Jelly Hoskins qui apparaît au cours de la deuxième année.
Fort de cette structure solide, le show "Ranch L" est programmé sur CBS à partir du 24 septembre 1968, le mardi soir à 19h30. En face, la concurrence est rude avec "La Nouvelle Equipe" sur ABC et le "Jerry Lewis Show" sur NBC. Néanmoins, la série parvient quand même à s'imposer. Les 51 épisodes qu'elle compte seront diffusés jusqu'au 19 mai 1970.
Que reste-t-il alors de la série "Ranch L" aujourd'hui ? Et bien que c'était donc le temps où le western était à son apogée au petit écran. Commencée à la fin des années 50, une décennie de règne du genre à travers des dizaines de séries différentes arrivait toutefois un peu à son terme. En effet, les années 70 signifieront un sévère coup d'arrêt pour la production de ce type de programme. Les héros de l'Ouest laisseront progressivement leur place aux justiciers des villes.
Mais revenons à la fin des années 60, période où la demande de séries western était donc à son paroxysme. Dans ce contexte bien précis, "Ranch L" disposait de tous les arguments requis pour obtenir une diffusion de longue durée :
- des méchants solidement campés par de belles trognes (comme, par exemple, R.G. Amstrong dans "Duel pour un Enfant" ou bien Tom Skerritt dans "Le Rapt");
- des fusillades et bagarres très spectaculaires (un grand merci à l'équipe des cascadeurs, Steven Burnett, Fred Carson, Bobby Clark, Robert Sonntag, Chuck Roberson, Henry Wills, Jack Williams, Jim Burk pour n'en citer que quelques uns);
- des scripts bien écrits s'appuyant souvent sur le thème de la défense de la terre chèrement acquise, au prix d'un dur labeur, contre la convoitise de dangereux parvenus;
- enfin une belle originalité puisque "Ranch L" mettait en vedette une famille peu ordinaire au fond, bien éloignée des conventions traditionnelles auxquelles les téléspectateurs américains étaient si attachées. Tout le début de l'épisode-pilote, "La Voix du Sang", le montre bien.
En définitive, une édition en DVD de cette série serait franchement la bienvenue. Ainsi, aux dernières nouvelles, ce serait Quentin Tarantino qui serait le détenteur des droits de la série. Lui qui a largement fait référence au tournage du pilote de "Ranch L" dans son film "Once Upon A Time In Hollywood" sorti au cinéma en 2019...
LES PRODUCTEURS DE RANCH L
Indiscutablement, "Ranch L" est née sous de bons auspices puisque le studio, 20th Century Fox, a confié la destinée de ce nouveau programme au duo formé par Samuel A. Peeples et par Dean Riesner.
Le premier cité (Samuel Anthony Peeples de son nom complet) est, à l'origine, un romancier spécialisé dans le western littéraire. Il est ainsi l'auteur d'une dizaine d'ouvrages publiés entre 1949 et 1978. Pour la télévision, il devient scénariste sur 3 épisodes de la série "Au Nom de la Loi" en 1958. Suivent de nombreux scripts qu'il rédige dans les années 60 dont une incursion pour le moins inattendue dans l'univers de la science-fiction et plus précisément celui de "Star Trek". En effet, Peeples a participé au script du second pilote de la série tourné en juillet 1965 et mis en scène par James Goldstone. Notons également, qu'avant "Ranch L", Peeples avait créé la série "Custer" dont Wayne Maunder tenait déjà la vedette.
Quant au second, quiconque s'est intéressé à l'oeuvre de Clint Eastwood a inévitablement remarqué le nom de Dean Riesner ! "Un Shérif à New York", "L'Inspecteur Harry", "L'Homme des Hautes Plaines", "L'Inspecteur ne renonce jamais" sont autant de scénarios de films sur lesquels il a travaillés. Pour le petit écran, il a écrit plusieurs scripts de la série de prestige "Le Riche et le Pauvre" en 1976. "Rawhide", "Le Virginien" et "L'Homme de Fer" sont autant d'autres séries qui ont profité de son talent.
LES PERSONNAGES
Murdoch Lancer
On peut le rapprocher par bien des aspects de Ben Cartwright dans la série "Bonanza". Dur à l'ouvrage, dirigeant son empire d'une poigne de fer, résolu à utiliser la force quand cela est nécessaire, il apparaît peut être un peu plus coriace que le patriarche de Ponderosa. Il est vrai que la stature du comédien Andrew Duggan y est certainement pour quelque chose (près de deux mètres !) et donne au personnage de Murdoch Lancer plus de grâce, et oserai-je dire, plus d'élégance que Ben Cartwright.
Scott Lancer
Elevé à Boston par son grand-père, ayant profité d'une éducation solide dispensée à l'Université d'Harvard, Scott Lancer a servi son pays dans une unité de cavalerie. Même s'il n'a pas le passé aventureux de son trublion de frère, Scott Lancer prouve, dès l'épisode-pilote, qu'il n'est pas un pied-tendre dans l'Ouest sauvage.
Johnny Lancer
Le plus compliqué des personnages de la série. Elevé dans une petite ville à la frontière du Mexique, il a très vite appris le rude métier des armes et, de fait, Johnny Lancer entre dans la longue lignée des gunmen souvent dépeints dans les westerns. On apprend dans la série qu'il a été enrôlé dans l'armée mexicaine. On apprend aussi qu'il a été maltraité par son beau-père d'où le caractère pour le moins ombrageux qui est le sien et qui explique en partie les relations souvent conflictuelles qu'il peut avoir avec Scott et Murdoch Lancer.
Teresa O' Brien
Recueilli par Murdoch Lancer après la mort de son père, on peut considérer que son personnage fait en quelque sorte écho à celui de Audra Barkley interprété par Linda Evans dans l'autre grande série western et familiale, "La Grande Vallée", diffusée par le réseau CBS à partir de septembre 1965, et qui allait entrer dans sa quatrième et dernière saison au moment, où, "Ranch L" débutait son propre périple télévisuel.
Jelly Hoskins
La première apparition de Jelly Hoskins dans la série remonte à l'épisode "Jelly" diffusé en huitième position lors de la première saison de "Ranch L". On y découvre alors un vagabond responsable de l'éducation de 8 enfants que Johnny Lancer va aider dans la lourde tâche. Par la suite, Jelly Hoskins reviendra dans la seconde saison de la série, mais en tant que contremaître du ranch cette fois.
LES ACTEURS
James Stacy
James Stacy est né Maurice William Elias le 23 décembre 1936 à Los Angeles. Son prénom de scène, James, provient de son admiration sans limite pour le comédien James Dean dont il va partager, d'une certaine façon, le destin tragique. Sa première apparition régulière à la télévision se produit en incarnant Fred dans le sitcom "The Adventures of Hozzie and Harriet" entre 1958 et 1964.
En 1968, le studio Twentieth Century Fox décide de l'intégrer dans la distribution artistique d'une nouvelle série western : "Ranch L". James Stacy bénéficie alors d'un grand succès auprès du public féminin notamment. Son interprétation de Johnny Madrid Lancer, le rebelle de la famille, fait de lui une star du petit écran. Peu après l'arrêt de la production de "Ranch L", il participe à de nombreux téléfilms et séries en tant que vedette-invitée.
Puis, survient le terrible drame du 27 septembre 1973. James Stacy est fauché par un chauffard complètement ivre alors qu'il roulait en moto. Sa compagne de l'époque, qui l'accompagnait, est tuée sur le coup tandis que James Stacy doit être amputé d'un bras et d'une jambe.
Jamais le sympathique comédien ne se remettra de cet accident épouvantable. Certains tenteront de l'aider tel Kirk Douglas qui lui proposera un rôle dans un western qu'il dirige en 1975, "La Brigade du Texas". On peut de même apercevoir la silhouette de James Stacy dans le très beau film "La Foire des Ténèbres" (réalisé par Jack Clayton en 1983). Enfin à la télévision, il a joué le rôle de Mark Rogosheke dans 5 épisodes de la série "Un Flic dans la Mafia" en 1990.
Depuis 1992, James Stacy s'était retiré de toute vie publique jusqu'à l'annonce de sa disparition, le 09 septembre 2019, à l'âge de 79 ans.
Wayne Maunder
Wayne Maunder est né à Four Falls, dans la province de New Brunswick au Canada le 19 décembre 1935. Après des études universitaires peu attractives, car consacrées à la psychiatrie, il se lance dans le métier de comédien et participe à plusieurs spectacles et pièces de théâtre à Broadway au début des années 60.
A l'âge de 32 ans, on lui propose un premier rôle dans la série télévisée "Custer" produite pour le réseau ABC par le duo consitué de Franck Glicksman et de Robert L. Jacks. 17 épisodes sont produits et diffusés du 06 septembre au 27 décembre 1967. L'année suivante, il devient Scott Lancer dans "Ranch L" pour deux saisons.
Dans les années 70, il se signale par de multiples apparitions en tant que vedette-invitée dans de nombreuses séries Puis, Wayne Maunder retrouve un rôle régulier dans la série policière "Chase" au cours de la saison 1973/1974. Sa dernière apparition à l'écran remonte à 1982 dans la comédie signée Bob Clark : "Porky's". Par la suite, le comédien cessa toute activité. Il est décédé le 11 novembre 2018.
Andrew Duggan
Né le 28 décembre 1923 dans l'Indiana, et décédé le 15 mai 1988 à Westwood en Californie, Andrew Duggan possédait une forte carrure (1m96) immédiatement reconnaissable au petit écran. Pour la télévision, indépendamment de "Ranch L", Duggan aura développé une carrière longue de près de trente-cinq années. Parmi les nombreuses séries auxquelles il a participé, citons "Bourbon Street" (lors de la saison 1959/1960) et "12 O'Clock High" (entre 1966 et 1967). Ajoutons à cela des participations en tant que vedette-invitée dans plus de 200 épisodes de séries.
Paul Brinegar
Né le 19 décembre 1925 et décédé le 27 mars 1995, Paul Brinegar fait partie de cette vaste cohorte de seconds couteaux au profil de grandes gueules dont le cinéma américain s'est fait une spécialité depuis les origines. Parmi les nombreuses séries auxquelles il a prêtées sa bouille si particulière, on peut citer "Wyatt Earp" dont il tourne 18 épisodes entre 1955 et 1958.
Ensuite, c'est la longue aventure de "Rawhide" avec Clint Eastwood et Eric Fleming. Brinegar participe aux 217 épisodes (diffusés par CBS, entre 1959 et 1967) dans le rôle de Wishbone. Il retrouve un engagement régulier pour la seconde saison de "Ranch L". Au début des années 80, Brinegar rejoint le casting de "Matt Houston" avec Lee Horsley. Sa dernière apparition remonte à 1994, dans le film "Maverick", avec Mel Gibson et Jodie Foster, film adapté de la célèbre série interprétée en son temps notamment par James Garner.
Elizabeth Baur
Peu d'éléments disponibles concernant cette actrice à la carrière bien trop discrète. Née le 01 décembre 1947, Elizabeth Baur a participé à de nombreuses séries télévisées en tant que vedette-invitée dans les années 60 notamment. Toutefois, hormis "Ranch L", étudiée dans le présent dossier, son autre et principal engagement de longue durée sur une série concerne "L'Homme de Fer" (dont elle a tourné 89 épisodes entre 1971 et 1975) dans le rôle de l'inspecteur de police Fran Belding. Elizabeth Baur s'en est allée définitivement le 30 septembre 2017. Elle avait 69 ans.
FICHE TECHNIQUE
Créée par : Samuel A. Peeples, Dean Riesner
Produite par : Alan A. Armer
Producteurs associés : Edwin Self, George Amy
Supervision de la production : Jack Sonntag
Supervision de la post-production : Samuel E. Beetley
Coordination de la post-production : Robert Mintz
Consultant aux scénarios : Anthony Wilson
Thème musical : Jerome Moross
Supervision de la musique : Lionel Newman
Musique : Hugo Friedhofer, Robert Drasnin, Leith Stevens, Joseph Mullendore, Harry Geller, Fred Steiner, Arthur Morton, George Duning, Alexander Courage, Irvin Gertz, Sidney Fine
Directeurs de la photographie : Frederick Gately, Robert Hauser
Montage : Roland Gross, Jack W. Holmes, Anthony Wollner, Desmond Marquette, Charles L. Freeman, Ellsworth Hoagland
Directeurs artistiques : Jack Martin Smith, William L. Campbell, Jack De Shields, Alfred Ybarra, Eyvind Earle
Décors : Walter M. Scott, Glen Daniels, Harry Gordon
Responsables de plateau : Mel Epstein, Lloyd Allen
Assistants-réalisateurs : William Kissel, Lou Place, Dale Coleman, Ray Taylor Jr
Effets sonores : Gene Eliot, Edward Rossi, Ronald V. Ashcroft
Supervision du montage de la musique : Leonard A. Engel
Montage musique : Sam E. Levin, Roy M. Brewer Jr
Cascadeurs : Steven Burnett, Fred Carson, Bobby Clark, Robert Sonntag, Chuck Roberson, Henry Wills, Jack Williams, Jim Burk, Boyd Red Morgan, Eldon Burke, Vince Deadrick Sr, Jim Nickerson, David S. Cass Sr,
Production : 20th Century Fox Television / CBS Television (1968/1970)