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Cannon avec William Conrad : La série

Par Thierry Le Peut et Christophe Dordain

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La télé a ses classiques et ce n'est pas un hasard si ceux-ci appartiennent, souvent, aux décennies 60-70 : il faut du temps pour être canonisé ! Justement, Cannon, qui mettait en scène un détective assurément "de poids" de 1971 à 1976 sur CBS, appartient à cette catégorie où il a pour voisins Mannix, L'Homme de Fer et autres Mission Impossible. Riche de 120 épisodes, la série demeure le rôle majeur de William Conrad et l'une des productions-phares de "l'écurie" Quinn Martin. Petit flashback sur une série policière solide et attachante.

UNE SERIE SANS GIMMICK MAIS AVEC UN ACTEUR DE POIDS

En 1971, Quinn Martin n’a pas encore cinquante ans (il est né en 1922) mais est déjà un producteur auréolé de gloire dont plusieurs programmes ont connu un grand succès populaire : Le Fugitif, Les Envahisseurs, Sur la piste du crime sont toutes des Productions Quinn Martin, portant la fameuse « marque » du producteur : la mention Acte I, II, etc. à chaque début d’acte, sans oublier l’épilogue qui clôt chaque épisode sur une note tantôt tragique tantôt dramatique.

L’une des qualités unanimement reconnues à ces séries est le haut niveau de production qui en fait, aujourd’hui encore, des oeuvres très regardables même si elles sont désormais assez peu rediffusées pour le grand public. L’idée de Cannon était de créer une série sans gimmick, tenue à bout de bras par son héros. Sauf que le héros en question présente un excédent de poids assez exceptionnel dans la profession, ce qui, dans le genre gimmick, n’est tout de même pas rien.

Ancien policier devenu détective privé, Frank Cannon offre ses services d’expert es crime pour résoudre les affaires qui déroutent même la police ou que celle-ci a laissées tomber. A l’occasion, il porte secours à la veuve et à l’orphelin, qui, on s’en doute, croisent son chemin plus souvent qu’à l’habitude. Si aucune astuce de scénario ne vient étayer le personnage principal, celui-ci se devait d’être confié à un acteur de poids, dans tous les sens du terme. Ce qu’était indéniablement William Conrad, à l’époque déjà associé aux Productions Quinn Martin puisqu’il est le narrateur du Fugitif, dont la voix grave accentue au début et à la fin de chaque épisode l’errance tragique du Dr Richard Kimble.

Narrateur, Conrad le sera en fait très souvent au cours de sa carrière et on le retrouve (souvent non crédité) aux génériques de téléfilms Quinn Martin comme The City, où s’affrontent les jeunes Don Johnson et Mark Hamill, en 1977, ou de séries telles que La Conquête de l’Ouest (la saga des Macahan) et Voyage dans l'inconnu (toujours pour Quinn Martin), et jusque dans les années 80 puisqu’il introduit également les séries Buck Rogers au XXVème siècle et Manimal, deux productions Glen Larson. C’est d’ailleurs sa voix qui valut à l’acteur d’incarner le Marshal Matt Dillon à la radio durant onze années, de 1949 à 1960, dans la série Gunsmoke (Police des plaines), précédant l’acteur James Arness (frère de Peter Graves) qui allait reprendre le rôle à la télévision en 1955.

Né le 27 septembre 1920 à Louisville, Kentucky, Conrad débuta au cinéma dans Les Tueurs, le classique de Robert Siodmak, en 1946, et interpréta des rôles de policier, de shérif voire de journaliste dans plusieurs films avant de collaborer régulièrement à la série radiophonique Escape, en 1950, et d’apparaître dans plusieurs séries télé dont Bat Masterson, Have Gun Will Travel, High Chaparral et plus tard Opération Vol, L’Homme qui tombe à pic (dans son propre rôle) et Arabesque. Mais il est également producteur et réalisateur, oeuvrant notamment à la réussite de Gunsmoke, L’Homme à la carabine ou Naked City dans les années 50. Décédé en 1994, l’acteur fut également le protagoniste de deux séries plus connues, l’une annulée au bout de quelques épisodes, L'homme à l'orchidée, l’autre plus populaire, La Loi est la Loi (Jake and the Fatman - devinez qui est le Fatman...), avec Joe Penny de Riptide.

Incontestablement, la popularité de Cannon repose sur lui et il est resté associé au rôle bien après l’arrêt de la série en 1976. Son personnage lui valut d’ailleurs deux nominations aux Golden Globes au titre de meilleur acteur de télévision, en 1972 et 1973.

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DES ARTISANS CHEVRONNES

Mais revenons justement à notre privé de poids. Lorsqu'il s'agit de donner forme à son idée, Quinn Martin s'adressa à un scénariste ayant déjà travaillé sur Le Fugitif, Edward G. Hume, qui allait adapter également un an plus tard un roman de Carolyn Weston et en faire Les Rues de San Francisco, autre production QM de renom, mettant en scène un tandem intergénérationnel interprété par Karl Malden et Michael Douglas.

Dans le téléfilm inaugural de la série, diffusé le 26 mars 1971 sur CBS, Cannon enquête dans une petite ville du Nouveau Mexique afin d'aider la veuve d'un vieil ami, une situation et une ambiance que le détective retrouvera fréquemment au cours de la série. On y croise déjà l'actrice Vera Miles (partenaire de Henry Fonda dans Le Faux coupable d'Alfred Hitchcock), qui fera d'autres apparitions dans la série, et quelques acteurs de référence de la télévision, vus et revus dans de multiples programmes, depuis Barry Sullivan (Les Rues de San Francisco, Hawaï Police d'Etat) et J.D. Cannon (Les Envahisseurs, Un shérif à New York) jusqu'à Earl Holliman (partenaire d'Angie Dickinson dans Sergent Anderson) et Keenan Wynn (le deuxième Digger de Dallas).

Si les histoires de Cannon sont souvent assez classiques, emmenant le héros dans des milieux aussi divers que le monde du rodéo, de la musique country, des assurances, des motards et autres vedettes de cinéma, elles sont également rondement menées, non sans quelques longueurs parfois mais avec une efficacité certaine. Comme le pilote, chaque épisode ou presque est l'occasion de croiser de jeunes comédiens appelés à une carrière de premier plan à la télévision ou au cinéma.

Ainsi Mark Hamill, le futur Luke Skywalker de La Guerre des Etoiles, apparaît-il en fermier dans l'épisode " Country Blues ", où l'on croise aussi Joan Van Ark qui deviendra célèbre quelques années plus tard en incarnant Valene Ewing dans Côte Ouest. Le rayon stars comprend par ailleurs Wayne Rogers (MASH, Los Angeles Années 30), Tom Skerritt (Alien, High Secret City), Roy Scheider (Les Dents de la Mer, Tonnerre de feu), Kim Hunter (La Planète des Singes au cinéma), Richard Anderson (Oscar Goldman dans L'Homme qui valait trois milliards et Super Jaimie), Martin E. Brooks (Rudy Wells dans les mêmes), Daniel Travanti (Hill Street Blues), Martin Sheen, Richard Hatch, Leslie Neilsen, David Soul, et bien d'autres.

De même que les comédiens, les scénaristes et les réalisateurs sont des artisans chevronnés de la télévision de l'époque. George McCowan, qui réalise une poignée d'épisodes, dont le téléfilm pilote, oeuvrera plus tard sur plusieurs séries d'Aaron Spelling, notamment Starsky & Hutch et Drôles de Dames, Lawrence Dobkin sur Magnum, Don Medford sur Dynasty ou William Wiard sur Les Rues de San Francisco. Tous, par ailleurs, sont des collaborateurs habituels des séries Quinn Martin, et certains se feront plus tard un nom au cinéma à l'instar de Richard Donner (les Arme Fatale et Superman) et John Badham (Tonnerre de feu, Wargames). Idem pour les scénaristes, Robert C. Dennis, Paul Playdon, Stephen Kandel, Ken Pettus, David Moessinger, Carey Wilber, Albert Aley, Anthony Lawrence, Del Reisman, Ronald Austin et James D. Buchanan, voire Michael Gleason qui créera plus tard Remington Steele avec le réalisateur Robert Butler.

Comme beaucoup d'autres séries, Cannon est indissociable de son thème musical, bien que son compositeur n'ait pas le renom de Lalo Schifrin, de Jerry Goldsmith ou de John Williams qui, à l'époque, travaillaient également pour la télévision. John C. Parker est en effet un illustre inconnu pour la plupart d'entre vous, mais il a signé quelques génériques de séries télé restés dans les mémoires, à commencer par celui de CHiP's qui reprend les sonorités d'un autre de ses opus, le générique de Trapper John, M.D. (inédite en France mais dans laquelle on retrouve Pernell Roberts de Bonanza et Gregory Harrison de L'Age de Cristal). Auteur de partitions pour la série western La Conquête de l'Ouest, Parker est également l'un des compositeurs de Dallas, dont les morceaux seront utilisés dans les premières et dernières saisons.

Parmi les autres compositeurs de Cannon, citons Duane Tatro, qui signera aussi des partitions pour Dynasty, et Patrick Williams auteur du générique des Rues de San Francisco et compositeur quasi attitré des Columbo nouvelle version à la fin des années 80.

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UN CLASSIQUE

A quoi tient donc la popularité de Cannon ? Personnage très solitaire, celui-ci n'avait pour l'épauler ni charmante secrétaire, comme Mannix, ni jeunes enquêteurs athlétiques, comme Robert Dacier dans L'Homme de Fer. A l'occasion, il pouvait bien sûr recevoir un coup de pouce de jeunes policiers comme le Jerry Wharton incarné par Martin Sheen dans deux épisodes, mais rien de très durable : toujours, le générique de la série sera occupé exclusivement par William Conrad, dont le visage est décliné dans tous les sens d'une manière aujourd'hui un peu kitsch mais singulièrement originale !

S'il a été marié (sa femme et son fils de quatorze ans ont en fait été tués dans un accident de voiture qui sera au centre de l'épisode "Nightmare", au début de la cinquième saison), Cannon est un célibataire endurci qui séduit pourtant par sa gentillesse et sa générosité. Dur avec les criminels, compensant son excédent de poids par une intelligence très utile mais capable à l'occasion de jouer du poing, Cannon est également un incorrigible tendre avec les enfants et un galant homme avec les dames. Son honnêteté foncière était, selon William Conrad, l'une des raisons premières de sa popularité, qui s'ajoutait à son allure singulière, loin du héros habituel.

Diffusé sous forme de série régulière du 14 septembre 1971 au 3 mars 1976, Cannon connaîtra 120 épisodes et reviendra hanter les petits écrans dans un téléfilm revival, Le Retour de Frank Cannon, en 1980. Le personnage servira aussi à lancer une autre série de Quinn Martin, inédite en France mais très populaire aux Etats-Unis, Barnaby Jones. Le héros, incarné par Buddy Ebsen (alors très populaire pour son rôle de " plouc " dans The Beverly Hillbillies, une sitcom également inédite chez nous), partage avec l'opulent détective privé la perte tragique d'un fils, qui donne d'ailleurs son sujet au premier épisode de la série, Requiem for a son, où apparaît Cannon le 28 novembre 1973.

Si Cannon n'a été que nominée aux Golden Globe (c'était en 1974) dans la catégorie "meilleure série télé", nul doute qu'elle reste l'une des séries incontournables de la télévision américaine, jadis rediffusée quotidiennement sur TF1 puis reléguée (malheureusement pour tous ceux qui n'ont pas le câble ou le satellite) aux chaînes thématiques avant de connaître une édition en DVD mais qui ce sera arrêté au terme des deux premières saisons ! Allez comprendre...

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A PROPOS DE WILLIAM CONRAD

Né en 1920, cet ancien chef de production de la Warner Bros. a fait une carrière extraordinaire, touchant à bien des domaines en exerçant des activités aussi différentes que producteur, réalisateur, acteur et narrateur. Parallèlement à une carrière d'acteur bien remplie au cinéma où il a joué dans une vingtaine de films dont Les Tueurs (1946) de Robert Siodmak et Ville Haute, Ville Basse (1949) de Mervyn LeRoy, il a beaucoup tourné pour la télévision.

Malgré son physique peu avantageux, il fut l'interprète principal de plusieurs séries très célèbres : Cannon (1971-1976), L'homme à l'orchidée (1981) et La loi est la loi (1987-1992) tout en faisant de nombreuses apparitions en tant que vedette invitée dans des séries telles que Bat Masterson, Have gun will travel, Suspicion, Le grand chaparral, Gunsmoke, L'homme qui tombe à pic, Arabesque, Hôtel et Matlock.

Il a mis en scène quatre films, intitulés The Man from Galveston (1964), Two on a Guillotine (1965), My Blood Runs Cold (1965) et Brainstorm (1965). Il a également prêté sa voix aux intonations particulières à de nombreux programmes télévisées et des séries : Le Fugitif (1963/1967), Voyage dans l'Inconnu (1977), la mini-série et la série La conquête de l'Ouest (1978/1979), la 1ère saison de Buck Rogers au 25ème siècle (1979), L'homme qui tombe à pic (1981/1986) et The Highwayman (1988).

William Conrad nous a quittés, le 11 février 1994, terrassé par une crise cardiaque, à l'âge de 74 ans.

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FICHE TECHNIQUE

Cannon" est une production Quinn Martin Production avec William Conrad.

Diffusion aux USA sur CBS : du 14 septembre 1971 jusqu’au 19 septembre 1976 pour un total de 120 épisodes de 48 minutes et un pilote de 90 mn.

Cases horaires : le mardi de 21h30 à 22h30 de septembre 1971 à septembre 1972; le vendredi de 22h à 23h de septembre 1972 à septembre 1973; le vendredi de 21h à 22h de septembre 1973 à juillet 1976. Rediffusion de juillet à septembre 1976 le dimanche de 22h à 23h.

Producteurs : Alan A. Armer, Harold Gast, Winston Miller, Michael Rhodes, John A. Alonzo, Anthony Spinner
Créateur de la série : Edward Hume
Producteur exécutif : Quinn Martin
Assistant du producteur exécutif : John Conwell
Supervision de la production : Arthur Fellows, Adrian Samish, Russell Stoneham, Leigh Vance
Producteur associé : Paul Playdon
Responsables de l'équipe de tournage : Kurt Neumann, Lou Place
Responsables de l'équipe de production : Fred Ahern, Howard P. Alston
Directeurs de la photographie : Jack Swain, William Cronjager
Montage : Donald Hoskinson, Jerry Young, Ray Daniels, Saul Caplan, Harry Kaye
Supervision des scénarios : David Moessinger et Earl Booth
Consultant pour les scénarios : Stephen Kandel
Musique : John Parker, Brad Fiedel, Robert Drasnin, Bruce Broughton, Tom Scott, George Romanis, Patrick Williams, Duane Tuatro
Thème du générique : John Parker
Supervision de la musique : John Elizalde
Décorateurs de plateau : Francisco Lombardo, Carl Biddiscombe
Montage son : Jim Bullock
Directeurs artistiques : Philip Barber, George B. Chan, Bill Kenney
Casting : Tom Palmer, Joe Scully
Assistants à la réalisation : Lloyd Allen, John Slosser, Don Torpin, David Whorf
Véhicules : Ford Maketing Company
Réalisateur pour la seconde équipe : Carl Bath
Coordination des cascades : Jesse Wayne
Cascadeurs : Paul Baxley, George Sawaya, Chuck Hicks, Glenn Wilder, Dick Crockett, Michael Masters, Ray Kellog, Roy Jenson, Charlie Picerni, Vince Deadrick, Jr, Frank Orsatti, Jerry Summers, Louie Elias, Jessie Vint, Bill Zuckert
Cascades aériennes : James Gavin
Doublure cascades de William Conrad : Jimmy Casino
Une production Quinn Martin tournée aux studios Samuel Godlwyn à Los Angeles et en extérieurs (1971/1976)

 

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