Par Christophe Dordain
"This is Jim Rockford. At the tone, leave your name and number. I'll get back to you..."
ELLE VAUT BIEN PLUS DE DEUX CENTS DOLLARS
C'est par cette entrée en matière que débute chaque épisode de "Deux cents dollars plus les frais". Vraisemblablement, une des toutes meilleures séries mettant en vedette un détective privé jamais produites dans les années 70. Parmi ses grandes concurrentes d'égale qualité, on pourra citer "Harry O", avec David Janssen (malheureusement demeurée inédite en France). Dans ce cadre, à l'époque de sa première diffusion, le réseau CBS annonçait fièrement que "Deux cents dollars plus les frais" était la série la plus appréciée des téléspectateurs américains !
Parce que s'appuyant sur de solides scénarios (quoique parfois un peu trop complexes pour un format de 52 minutes), mais aussi sur de solides téléastes (tels que les éminents Bernard Kowalski, Russ Mayberry et William Wiard), et offrant suffisamment de scènes d'action pour contenter les amateurs du genre, "Deux cents dollars plus les frais" proposait également un sérieux dépoussiérage du personnage du détective dur à cuire. Ainsi sera-t-elle propulsée dans les sommets du classement Nielsen (qui repérait les programmes les plus populaires), et après 6 années de diffusion, la série connaîtra un revival, en 1994. Désormais, "Deux cents dollars plus les frais" aura connu une édition en DVD grâce à nos amis d'Elephant Films. C'était en février 2015.
LES PREMIERS PAS DE JIM ROCKFORD
Roy Huggins, producteur ! Stephen J. Cannell, scénariste ! Voilà qui pose d'entrée l'ambition de la série tant ces deux artistes ont profondément marqué l'histoire de la télévision. Le point de départ développé par Cannel est celui d'un privé qui ne prend en charge que les affaires déjà classées (un aspect qui sera très rapidement abandonné au cours de la première saison). Initialement, le personnage de Jim Rockord devait apparaître, pour la première fois, dans la série "Toma" interprétée par Tony Musante (le précurseur de "Baretta" avec Robert Blake). Au fur et à mesure de l'élaboration de ce premier script, Cannell s'efforce de briser les codes en vigueur dans les histoires de détective privé notamment par l'adjonction d'un humour salutaire. Toutefois, le plan prévu quant à l'arrivée de Rockford au hasard d'un épisode de la série "Toma" s'effrite rapidement.
Approché par les producteurs, et sortant de l'échec de la série "Nichols" (diffusée du 16 septembre 1971 au 14 mars 1972 sur NBC), James Garner accepte ce nouveau projet qui est immédiatement financé par NBC. Il faut insister sur le fait que c'est Cannell, soutenu de la tête et des épaule par Roy Huggins, qui porte la plus grande responsabilité quant à l'élaboration du concept. Le moins que l'on puisse constater est qu'il va démonter pièce par pièce le moule classique du « hard boiled » détective. Il faut souligner que Roy Huggins avait déjà profondément bouleversé les codes du western avec la série "Maverick". Aussi, allait-il commettre des ravages similaires, si j'ose dire, dans le genre "Détective". Cette fois avec Stephen J. Cannell comme tête de pont.
QUI EST JIM ROCKFORD ?
Alors que d'autres privés se présentaient tels de valeureux défenseurs de l'ordre et de la justice, partageant une même obsession dans leur volonté forcenée de découvrir la vérité à tout prix, avec Rockford il n'en est rien ou presque… En effet, Jim Rockford, dès le pilote de la série, n'a que peu de liens avec la tradition un brin chevaleresque de ses prédécesseurs au petit écran. Parce que, par exemple, Jim Rockford habite une caravane au bord de la mer (situé au 2354 Pacific Coast Highway, puis au 29 Cove Road à Malibu), en lieu et place d'un minable bureau sur Sunset Boulevard. Il travaille sans le soutien de la classique et pulpeuse secrétaire (qui est ici remplacée par une messagerie téléphonique).
Rockford est donc un habitué de la parole et de la négociation plutôt que du coup de poing, voire du coup de flingue. On est ainsi bien loin de "Mannix", avec Mike Connors, par exemple. Sauf pour les costumes et les voitures. Aidé par son père, Joe Rockford, un camionneur à la retraite, qui ne cache tout le mal qu'il pense du métier de son rejeton, le détective annonce clairement la couleur : 200 dollars par jour plus les frais. Notons que, sur ce dernier point cité, la traduction française du titre original, "The Rockford Files", rend plutôt hommage au concept de la série. Dès le début de la série, on apprend que Rockford est un ancien de la guerre de Corée. Il a été injustement condamné à 20 ans de prison. Après avoir passé 5 années derrière les barreaux à la prison de San Quentin, il finit par être relâché après que de nouvelles preuves l'aient totalement disculpé.
UN PRIVE BIEN ENTOURE
Indépendamment de son père, Jim Rockford est bien épaulé ou maudit selon les circonstances et les personnes. Parmi ces nombreux personnages, suffisamment bien conçus pour ne pas être que de simples faire-valoir, on peut distinguer Beth Davenport (jouée par la très belle Gretchen Corbett). Elle apparaît dans les quatre premières saisons. Avocate de formation, séduisante de surcroît, elle apporte à Rockford une aide bienvenue. Soit en lui refilant des affaires à élucider. Soit en le sortant des griffes de la police.
Tiens ! Cela tombe bien ! Evoquons les représentants des forces de l'ordre. Notamment le sergent Dennis Becker, interprété par Joe Santos (il sera promu lieutenant ultérieurement). Il sert de courroie de transmission entre Rockford et la police. Toutefois, au hasard des épisodes, on peut mettre parfois en doute l'amitié qui est sensée les unir. Parce qu'ils s'affrontent, s'engueulent et se jouent souvent des mauvais tours. Par exemple, dans l'épisode 1.04, "La Comtesse", où Rockford n'hésite pas à le molester pour pouvoir se sauver précipitamment alors que les forces de l'ordre s'apprêtent à procéder à son arrestation. Aucun doute ensuite quant à l'animosité opposant Rockford au Lieutenant Axel Diel (magnifiquement incarné par le regretté Tom Atkins). Citons encore le Lieutenant Doug Chapman (là aussi, un choix génial de comédien en la personne de James Luisi).
UNE RELATION FRONTALE AVEC LA POLICE
Nous sommes donc dans le registre classique de l'opposition entre le flic et le marginal, voire le détective, a priori droit dans ses bottes. A l'image, par exemple, de la relation frontale unissant Robert Blake et Dana Elcar dans la série "Baretta", une autre création de Stephen J. Cannell. Ou bien ce que l'on pourra voir en 1975 dans "Los Angeles Années 30" avec Wayne Rogers (et les relations singulièrement orageuses entre Jake Axminster et le lieutenant Murray Quint). On pourra également penser à la série "Mike Hammer", avec Stacy Keach, dès 1984. Notamment dans les liens qu'entretient le célèbre détective avec le procureur Barrington.
Pour faire bonne mesure, n'oublions pas Evelyn Martin (joué par Stuart Margolin). Ce dernier est un ancien détenu que Rockford a rencontré lors de son passage derrière les barreaux. Souffrant d'une frousse récurrente au côté de laquelle Jim Rockford apparaît tel un monstre de courage, Martin est un égocentrique assumé dont on peine à trouver les qualités, mais qui demeurera d'une fidélité indiscutable à Rockford au fur et à mesure de ses enquêtes.
UN HOMME PRAGMATIQUE
Affirmer que Jim Rockord est un froussard serait faire offense au personnage imaginée par Stephen J. Cannell. Toutefois, il faut bien reconnaître que notre détective n'est pas un amateur de la bonne vieille bagarre aux poings si chère à Mannix ou à Cannon. Parce que c'est quand le recours à la violence s'avère être la dernière des extrémités qu'il accepte enfin d'y recourir. Aussi, la série se distingue-t-elle de ses consoeurs par une utilisation mesurée des séquences d'actions. Ces dernières qui étaient monnaie courante dans les séries policières américaines des années 70. Voilà pourquoi, et grâce à l'interprétation magistrale de James Garner, Jim Rockford nous apparaît bien plus humain, et donc crédible, que ses confrères si prompts à utiliser les armes.
Rockford est aussi, et enfin, hostile à la bureaucratie dans son ensemble. Il faut alors remarquer que cette veine avait déjà été largement exploitée au cinéma notamment dans les films de Clint Eastwood tels "Un Shérif à New York" en 1968 et "L'Inspecteur Harry", en 1971 (tous deux dirigés par Don Siegel). En conséquence, cela a permis aux scénaristes de la série d'exploiter ce filon. Ils ont introduit une critique constante des représentants titulaires d'une autorité quelconque. Le tout recouvert d'une solide dose de cynisme bienvenue dans une production télévisuelle réalisée dans une Amérique en débâcle. En effet, nous sommes dans les années 70 avec son cortège d'échecs défaite au Viêt-nam; scandale du Watergate; premier choc pétrolier). Dans ce contexte pour le moins tumultueux, le pragmatisme dont Rockford fait preuve lors de ses enquêtes est là aussi le bienvenu.
DES DVD A NE PAS MANQUER
La saison 1 fut éditée par Elephant Films dès le 23 février 2015. Dans ce cadre, 22 épisodes sont disponibles plus le pilote, "Blacklash Of The Hunter" (diffusé le 27 mars 1974 sur NBC, réalisé par Richard T. Heffron, et avec Lindsay Wagner en vedette-invitée deux ans avant "Super Jaimie"). Il faut souligner que la totalité des épisodes est présentée en VF avec le doublage réalisé lors de la première diffusion de la série en France sur La Cinq, dès janvier 1989.
Voici la liste des épisodes de "Deux cents dollars plus les frais" tirés de la première saison (1974/1975) :
- Deux cent dollars plus les frais (Pilot) 90 minutes
- L'Affaire Kirkoff (The Kirkoff Case)
- La Terre qui baignait dans le sang (The Dark and Bloody Ground)
- La Comtesse (The Countess)
- Ciao Prentiss Carr (Exit Prentiss Carr)
- La Dame dans l'auto rouge (Tall Woman in Red Wagon)
- Affaire classée (This Case is Closed) 90 minutes
- Une belle escroquerie (The Big Ripoff)
- Cherchez, vous trouverez (Find Me if You Can)
- À la poursuite de Carol Thorne (In Pursuit of Carol Thorne)
- Rien ne va plus, les jeux sont faits (The Dexter Crisis)
- La Chasse au trésor (Caledonia, It's Worth a Fortune)
- Pertes et profits - 1re partie (Profit and Loss : Profit - Part 1)
- Pertes et profits - 2e partie (Profit and Loss : Loss - Part 2)
- Adieu Aura Lee (Aura Lee, Farewell)
- Cauchemar d'une nuit d'été (Sleight of Hand)
- Souffler n'est pas jouer (Counter Gambit)
- Claire (Claire)
- Le Photographe amoureux (Say Goodbye to Jennifer)
- L'Alibi de Charlie (Charlie Harris at Large)
- Rocky règle ses comptes (The Four Pound Brick)
- Un simple accident (Just by Accident)
- La Prime (Roundabout)
Depuis la totalité des 6 saisons de "Deux cents dollars plus les frais" aura été éditée. La dernière en octobre 2016.