Par Thierry Le Peut et Christophe Dordain
A la fin de l'année 1961, le romancier Leslie Charteris accepte enfin de vendre les droits de ses ouvrages pour une adaptation à la télévision. Puis, c'est Robert S. Baker, en partenariat avec la firme ITC dirigée par Lew Grade, qui va se charger de la production de la série "Le Saint". Retour sur un classique du petit écran.
A PROPOS DE LA SERIE
On le dit séducteur, plus même que son inspirateur littéraire ; aventurier, voire précurseur de James Bond. De surcroît, increvable après avoir damé le pion aux méchants durant 118 épisodes. En effet, Le Saint est revenu plusieurs fois, sur le petit comme sur le grand écran. D’aucuns l’ont enterré après la version cinéma qui n’avait pas raflé la mise à la fin des années 90. Toutefois, qui sait ? Et si le Saint n’attendait qu’une nouvelle occasion de faire parler de lui ?
Qui est Le Saint ?
Le héros de Leslie Charteris, créé à la fin des années 20 (soit trente ans avant Bond), conserve la légèreté d’un grand enfant qui ne veut pas grandir. Qui plus est, son monde répond à des règles à la fois simples et brutales. De ce point de vue, la série édulcore évidemment le propos des romans et nouvelles. Toutefois, elle trouve en Roger Moore un honorable ambassadeur du personnage défini par Charteris. Ainsi, l’écrivain d’ailleurs agréa-t-il le choix du comédien, même s’il eût préféré pour sa part voir Cary Grant incarner le justicier.
Héritier de D’Artagnan et de Robin des Bois sous la plume de Charteris, volontiers qualifié de Don Quichotte, le Saint – surnom dû à ses initiales S.T., pour Simon Templar, et à d’autres éléments dont les aventures littéraires vous livreront les secrets – appartient à cette grande et digne famille des justiciers sympathiques et chevaleresques. Effectivement, ils volent les riches, et de préférence les escrocs, pour donner aux moins heureux. Néanmoins, sans pour autant oublier de prélever au passage une honnête commission. Simon Templar ne saurait travailler sans déchoir et à défaut d’être l’héritier d’une grande fortune il a a décidé de se servir dans celle des autres, ayant jugé que ceux-ci, bien souvent, n’en étaient pas dignes.
Un nouveau succès pour Roger Moore
Après "Ivanhoé", "Le Saint" acheva de faire de Roger Moore l’ambassadeur de la Grande-Bretagne dans le reste du monde. Le tout en portant haut le flegme britannique et l’élégance propre aux gentlemen de son pays. Tant et si bien que la version suivante du personnage, réalisée à partir d’une graine plantée dans l’épisode 115 « The ex-King of Diamonds », accèdera à l’aristocratique respectabilité qui faisait défaut au Saint. En résumé, celle de Lord Brett Sinclair dans "Amicalement vôtre". Un aventurier aussi à l’aise dans les soirées mondaines que Templar dans une partie de poker avec des malfrats new-yorkais.
Comme nombre de confrères aventuriers, le Saint partage son temps entre les voyages sous de multiples latitudes. S'y ajoutent les jeux de chat et de souris avec les policiers qui s’éreintent après lui. Parce que Templar est souvent leur allié mais toujours un homme dont il faut se méfier. Mais aussi, car son intérêt ne rencontre pas forcément celui des autorités officielles. Qu’un collier de perles vienne à passer ou une belle femme à crier et le Saint ne suit plus que son instinct, sans s’embarrasser de fioritures légales. C’est bien sûr ce qui fait son charme. Qui plus est, cela nous permet, à nous autres, de nous révolter à bon compte contre les tracas d’une vie ordinaire
Son Sergent Garcia, Templar le trouve dans l’inspecteur principal Claude Eustace Teal de Scotland Yard, dont beaucoup de policiers dans la série ne sont que des copies tout juste retouchées, du Fernack américain au Quercy français. Dans la série, Teal sera passé par plusieurs visages avant de trouver son interprète définitif en Ivor Dean, allié-ennemi récurrent du Saint.
Un univers littéraire d'une grande richesse
Force est de reconnaître cependant que la série "Le Saint" a bénéficié de la grande popularité de son personnage éponyme, décliné dès les années 30 à la radio, au cinéma et dans les bandes dessinées. Forte de ses 118 segments, la série s’inscrit dans un univers dont elle ne représente qu’un aspect et pas le plus riche.
En effet, en dépit de ses qualités et du soin apporté à sa fabrication, la série "Le Saint" accuse aujourd’hui ses presque soixante ans. Par conséquent, elle semblera sans doute bien répétitive à qui ne l’a pas découverte, et aimée, au temps jadis. Décors interchangeables, intrigues idoines, héros condamné à la stagnation au contraire de sa déclinaison littéraire, etc. En résumé, "Le Saint" ne se renouvelle guère au cours de ses trois saisons noir et blanc, au point que l’on ne perçoit aucun changement entre le premier épisode diffusé en 1962, « Un mari plein de talent », et « Le trésor » qui ferme la marche au terme de la quatrième saison.
L'édition en DVD en France
Cependant, la sortie des coffrets DVD en France aura été une trop belle occasion de découvrir cette série classique. C'était en 2014 grâce aux bons soins de TF1 Vidéo. Aussi, même encore aujourd'hui, on aurait grand tort de n’y pas faire un tour. En effet, parce que abstraction faite des quelques réserves émises ci-avant, la série avec Roger Moore conserve aussi ce charme subtil du noir et blanc et des décors exotiques créés en studios.
Ainsi, il faut souligner le parfum délicieusement théâtral de ces années qui virent également fleurir "Destination Danger" (avec Patrick McGoohan), moins consensuel, plus brutal, plus enivrant. Et puis Moore est si sympathique, et si avant-garde, n’est-ce pas ? Notamment lorsqu’il tourne vers nous son ironique regard bleu et nous apostrophe en ouverture de chaque épisode !
Non, vraiment, on ne peut pas ne pas lui sacrifier quelques heures d’une vie de sériephile. Et tant que vous y serez, pensez donc à lire quelques-uns des romans de Leslie Charteris...
ROGER MOORE EST SIMON TEMPLAR
Pour jouer Simon Templar, le choix se porta directement sur Roger Moore. En effet, cet acteur né le 14 octobre 1927 à Stockwell (près de Londres) aura fait ce que l'on appelle un carrière complète. Jugez un peu : dessin animé, figuration, théâtre, cinéma, séries télévisées, publicité, mise en scène et shows télés.
Le succès avec Ivanhoé
Roger Moore débuta dans la figuration à 18 ans dans César et Cléopâtre. Puis, ensuite, il entre à la Royal Academy of Dramatic Arts. Cependant, ses vrais débuts se feront pour le cinéma à Hollywood, où il a émigré dans les années cinquante. Peu après, en 1956, il est de retour en Angleterre pour le tournage de la série T.V. "Ivanhoé". Produit par Herbert Smith, Bernard Coote et Seymour Friedman, ce programme fait de l’acteur une star du jour au lendemain. En effet, le jeune public s’identifiant rapidement aux aventures du chevalier du XIIème siècle. Ainsi, un total de 39 épisodes de 26 minutes sera-t-il produit.
Westerns en série
Roger Moore retourne ensuite aux Etats Unis et participe à deux autres programmes. "The Alaskans", une série produite par William T. Orr, Harry Tatelman et Barry Ingster qui décrit les aventures de chercheurs d’or en Alaska, à la fin du XIXème siécle. Ce show fut diffusé du 04 octobre 1959 au 25 septembre 1960 sur le réseau ABC.
Moore enchaîne avec "Maverick", une autre série produite par William T. Orr, en partenariat avec Roy Huggins et Howie Horwitz. Moore intègre le casting de cette série qui a fait la gloire de James Garner pour les deux dernières saisons, dans le rôle de Beau Maverick (diffusion totale aux Etats-Unis du 22 septembre 1957 au 08 juillet 1962 sur ABC). Il quittera ensuite définitivement le continent américain.
Star des années 70
La célébrité arrive enfin avec "Le Saint", série tournée entre 1961 et 1968. Le succès de la série en Espagne lui vaudra d'ailleurs un Spanish Award. "Amicalement vôtre" sera la dernière véritable série sur laquelle il travaillera entre 1970 et 1971. Quand à sa carrière cinématographique, elle est pour l’essentiel axée sur l’interprétation de James Bond dès 1973, et cela jusque 1985 dans "Dangereusement vôtre" (ci-dessous, à découvrir, le premier des trois podcasts consacrés à Roger Moore dans le rôle de James Bond 007).
Depuis, il tournait très peu. Son activité principale au sein de l'UNICEF mêlée à quelques problèmes de santé l'avaient alors peu à peu éloigné des plateaux. Roger Moore est décédé en Suisse le 23 mai 2017. Il avait 89 ans.
FICHE TECHNIQUE
Série britannique en 118 épisodes (dont 71 en noir et blanc) de 48 mn, diffusée dans le cadre de 6 saisons sur ITV de 1962 à 1969.
Créée par : Robert S. Baker et Monty Berman
D'après l'oeuvre de : Leslie Charteris
Producteurs : Robert S. Baker, Monty Berman
Supervision des scripts : Harry W. Junkin
Supervision de la production : Johnny Goodman, Peter Manley, Malcolm J. Christopher
Post-production : Philip Aizlewood
Musique : Edwin Astley
Directeurs de la photographie : J.W. Harvey, Lionel Banes, Michael Reed, Paul Beeson
Montage : Peter Pitt, Derek Chambers, Bert Rule, Inman Hunter, Jeanne Henderson, Bill Lewthwaite, Spencer Reeve, Lee Doig
Casting : David Booth, Anthony Arnell, G.B. Walker
Directeurs artistiques : Charles Bishop, Allan Harris, Cedric Dawe, Len Townsend
Supervision du maquillage : George Blacker, Jack Graig
Maquillage : Dick Bonnor-Morris, Kenneth Mackay
Coiffures : Helen Penfold, Elsie Alder
Coordination des cascades : Leslie Crawford, Frank Maher
Cascadeurs : Mike Reid, Paul Weston, Rocky Taylor, Romo Gorrara, Tom Clegg, Peter Brace, Ray Austin, Terry Yorke, Larry Taylor, Max Faulkner, Peter Diamond
Assistants-réalisateurs : Bruce Sharman, Dominic Fulford, Gordon Gilbert, Ernie Lewis, Pat Kelly, Dennis Hall, David C. Anderson, Peter Price, Frank Hollands, Peter Weingreen, Ken Baker, Denny Lewis, Ernest Morris, Stuart Orton
Son : Len Abbott, Jeanne Henderson, Rydal Love, Eric Bayman, Dennis Lanning, Bill Rowe, Leslie Hammond, William Trent, Keith Batten, Dennis Whitlock
Supervision des costumes : John Briggs, Charles Guerin, Laura Nightingale
Costumes : Joyce Stoneman, John Irwin
Montage de la musique : Michael Clifford, Deveril Goodman, Brian Lintern
Production : Bamore / Incorporated Television Company (ITC) (1962/1969)