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Supercopter : Critique de la série

Par Thierry Le Peut

A bord du Supercopter, puissamment armé et à la rapidité sans égal, Stringfellow Hawke apporte son aide chaque fois qu'il le peut. Profondément marqué par la guerre du Vietnam, il a pour compagnon d'armes l'expérimenté Dominic Santini qui l'assiste dans toutes les missions.

Le temps de La Cinq

Revoir "Supercopter" procure d’abord la sensation d’un retour dans le passé. Notamment celui d’une Cinq pionnière qui importa toutes les séries « hyper-technologiques » de la décennie 80. En effet, avec "Supercopter", ce furent "K 2000" et "Tonnerre Mécanique" qui débarquèrent sur le réseau de Berlusconi. Puis, multi-diffusées et depuis récupérées par d’autres chaînes. C’est aussi un retour sur les premières armes du scénariste-producteur Donald Bellisario. Tout d'abord, derrière lui "Les Têtes Brûlées" et "Galactica". Puis, "Magnum" et "Code Quantum" encore à naître. Appelons cela l’intérêt contextuel de "Supercopter", anecdotique avant toute chose.

Des défauts manifestes

Mais à revoir la série aujourd'hui se rend compte aussi de ce qu’un oeil d’enfant percevait moins au milieu des années 80. Malheureusement, une fois sortie des plans magnifiques de Monument Valley et des évolutions superbes du Loup des Airs, "Supercopter" a un sérieux coup dans l’aile. Car la faute en revient notamment à des scénarii peu ambitieux. Tant et si bien qu’ils se contentent, après un pilote de bonne facture, de reprendre des poncifs tout juste rehaussés par ce que Bellisario réussit si bien ailleurs : les personnages.

Parce que si le duo de "Supercopter" s’inscrit bien dans la thématique paternelle de Bellisario (un héros à la trentaine affirmée flanqué d’un mentor plus âgé), et la figure d’Archangel (représentant tout de blanc vêtu d’une « Firme » assimilée à une branche de la CIA ou de la NSA) dans l’habitude d’une critique douce-amère de la politique post-Watergate également chère au créateur de "Magnum", les personnages épisodiques en revanche sortent rarement de la caricature. A commencer par la « pièce rapportée » ajoutée en deuxième saison mais jamais réellement intégrée, Caitlin O’Shaughnessy. Voici une figure féminine qui ne trouvera jamais sa place au sein d’un casting aussi fondamentalement masculin que celui de "L'Agence Tous Risques" à la même époque. En résumé, les deux shows partagèrent d’ailleurs la même incapacité à développer un personnage féminin fort.

D’épisode en épisode, ce sont des méchants stéréotypés, on dirait volontiers « de bande dessinée » si l’on ne craignait de blesser ce noble art, des portraits secondaires sans épaisseur qui se succèdent dans l’ombre de héros eux-mêmes confinés à une rigidité cadavérique. Les situations mises en scène ne relèvent guère l’ensemble. En effet, elles se cantonnent elles aussi à des affrontements manichéens dont le paroxysme invariable est la destruction d’un engin volant. Le tout au terme de la reprise elle-même invariable du thème musical accompagnant l’ultime envolée du Loup.

Un concept simple et efficace

Pourtant l’idée de départ recèle des plis attrayants. En effet, dans le genre « héros impavide », on a vu plus charismatique que Stringfellow Hawke. Il est à la fois sombre et taciturne. De surcroît, un mélomane amateur d’art et de paix. Hawke est établi dans un chalet de montagne sis au bord d’un lac aux eaux céruléennes. Comme avec "Magnum", Bellisario prenait ainsi ses distances avec la figure attendue, ce que la série ne fera pas en revanche. La blessure ouverte du héros, bien dans la « tradition » bellisarienne (Hawke a perdu son frère au Viêtnam) s’exprimait en outre avec une violence qui rendait ambigu le héros. Notamment lorsque, au terme du téléfilm pilote, il épuisait les armes d’Airwolf sur le méchant incarné par l’élégant et délicieusement sadique David Hemmings.

Systématiquement frappé dans son coeur par la mort de ceux qu’il aime, Stringfellow Hawke se situait entre générosité (refoulée) et colère, douceur et dureté. Bref, un personnage intéressant. Mais que la série n’exploitera pas, préférant stigmatiser sa quête d’amour dans la recherche épisodique de son frère (le syndrome du retour au Viêtnam caractéristique des années Reagan, qui furent également les années Rambo). L'ensemble limitant l’expressivité du personnage à la moue boudeuse de Jan Michael Vincent.

On peut regretter tout autant l’emploi limité d’Ernest Borgnine. Voici pourtant un comédien confirmé ayant tourné sous la direction de grands réalisateurs. Un acteur oscarisé pour son interprétation de « laideron » romantique et blessé dans "Marty" de Delbert Mann (1955). Le voici ici confiné au rôle caricatural de râleur au grand coeur, aussi excessif – à l’italienne – que Hawke peut être inexpressif.

Le véritable héros est mécanique

La « légende » de "Supercopter" tient à son véritable héros. En dépit d’un casting franchement reluisant. L’hélicoptère futuriste est volé par le héros aux Lybiens. Toutefois, il a été conçu aux Etats-Unis. Il ne faut rien exagérer. Il sera utilisé ensuite pour des missions secrètes ou pour voler au secours de la veuve et de l’orphelin. Hawke et Santini partagent le credo de Michael Knight dans "K 2000". Un credo conçu par celui qui devait à l’origine présider aux destinées de "Magnum", Glen A. Larson. Ici, la machine n’est pas douée de parole. Mais, elle est dotée d’un arsenal de guerre qui fait encore bonne figure vingt ans après. Au contraire des ordinateurs désuets d’une série comme "Les Petits Génies".

Reconnaissable au cri que poussent ses turbines à l’envol et à la silhouette « améliorée » du Bell 222, plus charismatique que l’engin bourrin de "Tonnerre de Feu" dont la série s’inspire, Airwolf est aussi attendu que le Géant vert dans "L’Incroyable Hulk". Aussi, ses interventions promettent-elles toujours plus d’action et de panache que les scènes parfois longuettes qui les séparent. Finalement, comme les programmes d’une chaîne ponctuent les écrans de pub de la journée. Chacun choisira quels moments il préfère !

Le reflet d'une époque

"Supercopter" possède bien sûr quelques charmes. L’envers de la caricature est un style tranché dans le roc. Ce dernier est aussi carré qu’une geste héroïque dépositaire des « mythes » d’une époque. En effet, de guerre froide en petites villes américaines, de vastes déserts en lieux confinés, d’espions machiavéliques en jeunes femmes en détresse, de visions nocturnes en virus meurtriers, de frères ennemis en passé mal digéré, la série contient tout ce qui fait l’ordinaire des séries contemporaines, donc la « substantifique moëlle » d’une époque cathodique.

Comme Michael Knight, Hawke-le héros de bande dessinée est un avatar du cow-boy solitaire. Celui-ci promène sa dégaine d’un bled à l’autre sans jamais perdre ce fond de rébellion qui caractérise « l’âme » américaine. Il arrive même à la série de jouer sur cette image de héros. Par exemple, quand le réalisateur Sutton Roley phagocyte un épisode entier.

Un doublage pénalisant

La version française contribue malheureusement à imposer l’impression d’un produit de consommation. En effet, récurrentes, les voix employées ne suffisent pas à caractériser un personnage lorsqu’elles sont réutilisées à outrance par souci de rapidité. Même le timbre si particulier d’Henri Djanick n’est pas réservé exclusivement à Ernest Borgnine. De surcroît, que dire de celui de Francis Lax, qui dans nombre de séries double à la fois un personnage récurrent (ici, Archangel) et une multitude de seconds rôles !

Une évolution fatale

Enfin, après deux saisons et demie de loyaux services, l’équipe fondatrice rendra son tablier. Aussi, le Canada accueillera-t-il le tournage d’une dernière série d’épisodes. Par conséquent, Bellisario, qui avait déjà, aux Etats-Unis, passé le flambeau à Bernard L. Kowalski sous la casquette du producteur exécutif, ne s’occupera pas du devenir de sa création. Voilà qui confirme donc le statut de commande d’un programme qui n’aura rien apporté à son oeuvre télévisuelle. En fin de compte, elle en comporte les caractères mais point l’âme.

Aux Vincent, Borgnine et Alex Cord de la mouture originelle succèdent des visages inconnus du grand public (Barry Van Dyke donnant vie au frère jusqu’alors disparu, Saint John, tandis que Stringfellow disparaît dans le Royaume d’Hadès – le même Van Dyke ayant en 1980 servi de « remplaçant » pour la séquelle au rabais de "Galactica"). Quant aux exploits de la machine, ils sont le plus souvent intégralement repris des épisodes antérieurs. La production se contentant de filmer les histoires qui occupent l’intervalle entre les évolutions de l’hélicoptère. Triste fin pour un programme qui se sera bâti tout entier sur l’attrait de ses prouesses aériennes.


LE DOSSIER SUPERCOPTER

LE GUIDE DES EPISODES : SAISON 1

LE GUIDE DES EPISODES : SAISON 2

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