Par Christophe Willaert
Malgré un intérêt sans cesse croissant pour les séries télé, les fictions pour la jeunesse de notre enfance sont pour la majeure partie tombée dans l'oublie. Emprunt d'aventure, de mystère ou de suspense et généralement basés sur de grandes oeuvres populaires, ces programmes ont enchantés les jeudis, puis les mercredis après-midis de milliers d'enfants. Voici donc un bref historique du genre en débutant par les années 60.
LES PRECURSEURS
Dans les années 50, et jusqu'au début des années 60, la télévision française est encore peu développée. Elle s'incarne en une seule chaîne disponible pour le grand public. Celle-ci est gérée par la RTF (Radio télédiffusion française) qui deviendra l'ORTF (Office de radio-télédiffusion française) le 27 juin 1964.
Aussi, les fictions proposées sont-elles avant des westerns qui ont notamment fait leurs preuves aux Etats-Unis. Dans ce cadre somme toute réduit, le jeune public français aura pu découvrir des serials des années 30 et 40. Mais aussi quelques séries produites au cours des années 50 ("Aigle noir" avec Keith Larsen, diffusée en France dès septembre 1957. Puis, "Rintintin", diffusée à partir de février 1958).
Les productions françaises, quant à elles, s'imposent dans le paysage dès 1952. On citera par exemple avec "Jacky", réalisée par Marcel Bluwal, "Les découvertes de Télévisius" (1953), "Le tour de France de deux enfants" de Claude Santelli (1957) et "Bastoche et Charles Auguste", réalisé par Bernard Hetch. Ce sont donc, dans le cas présent, les premières véritables fictions françaises pour la jeunesse. Toutefois, elles furent fabriquées avec des bouts de ficelles. En effet, l'argent alloué étant d'un montant souvent trop modeste.
L'AGE D'OR DES ANNEES 60
Le théâtre de la jeunesse
En 1960 débute ensuite la programmation de deux nouvelles émissions. Tout d'abord, "La lanterne magique" qui propose des histoires interprétées par des enfants pour les moins de cinq ans et pour lesquelles la caméra est placée à leur hauteur. Ensuite, "Le théâtre pour la jeunesse", un programme dirigé par Claude Santelli qui offrira sept à huit dramatiques par ans, le tout jusqu'en 1968.
Parmi les classiques de la littérature adaptés pour ce programme, on peut citer plusieurs œuvres de la Comtesse de Ségur (Doubrowsky, Un bon petit diable, L'auberge de l'ange gardien, Le général Dourakine, La sœur de Gribouille), de Charles Dickens (David Copperfield, Oliver Twist, Le prince et le pauvre). Puis, de nombreux autres ouvrages : Le capitaine Fracasse, Don Quichotte, L'île mystérieuse, Jean Valjean, la case de l'oncle Tom, Les aventures de David Balfour, etc.
La saga Poly
En 1961, "Poly" est diffusé pour la première fois. C'est alors le premier feuilleton à succès d'une longue série. L'ensemble étant écrit et réalisé par Cécile Aubry. Dans le rôle titre, son fils Medhi alors âgé de cinq ans. Il interprète Pascal, un garçon qui s'ennuie ferme dans le petit village où il vit. Jusqu'à ce qu'il se découvre un nouvel ami, Poly. Ce dernier est un petit poney maltraité à qui il promet la liberté.
Huit autres feuilletons de 13 épisodes (d'un format de 13 puis de 26 minutes) suivront. Ils ancreront le personnage de Poly dans la mémoire télévisuelle nationale. On citera donc "Les vacances de Poly" (1963), "Poly et le secret des sept étoiles" (1964), "Poly au Portugal" (1965), "Au secours Poly, au secours !" (1966), "Poly et le diamant noir" (1967), "Poly à Venise" (1970), "Poly en Espagne" (1972) et "Poly en Tunisie" (1973).
L'épopée des cavaliers
Le Western représente un genre très en vogue à la télévision à cette époque. A la fin des années 50, on ne comptait pas moins d'une trentaine de séries à l'antenne sur le sol américain. Malgré le point commun par le lieu et l'époque, le western fut abordé à toutes les sauces. Une veine caractérisée des programmes devenus des classiques (comme "Au nom de la loi", "La grande caravane" ou "La flèche brisée") en passant par les grandes sagas familiales ("Bonanza", "Le Virginien", "La grande vallée" et "Ranch L" entre autres). Sans oublier les séries hybrides ou innovantes ("Les mystères de l'Ouest", dès avril 1967 sur la 2ème chaîne de l'ORTF. Puis, "Les Bannis" à partir de 1970).
De même, on trouve un grand nombre de production pour le jeune public. Ce sont les séries mettant en scène les justiciers. On retiendra notamment "Kit Karson", "Cisco Kid", "Hopalong Cassidy", "Roy Rogers", "L'homme à la carabine" (avec Chuck Connors. Elle fut diffusée à partir du 17 avril 1966 sur la 2ème chaîne de l'ORTF) et l'incontournable "Zorro" (avec le seul et unique Guy Williams).
Nos amis les animaux
Les années 60 sont véritablement la décennie des séries animalières. Presque tout le bestiaire y passe. On retiendra notamment le dauphin ("Flipper"), l'ours ("Mon ami Ben"), le kangourou ("Skippy"), le lion ("Daktari") et l'éléphant ("Circus Boy"). Mais aussi le chimpanzé ("Tarzan"), le chien ("Rintintin", "Belle et Sébastien", "Lassie", "Le vagabond"), etc. C'est principalement à Ivan Tors que l'on doit trois de ses œuvres qui ont tant marqué l'imagination du jeune public. En effet, il possédait une réserve animalière. Ainsi, a-t-il pu produite des séries telles que "Flipper le dauphin", "Daktari" et "Mon ami Ben".
La décennie suivante verra encore arriver quelques de nouveaux animaux. Les éléphants avec les séries "Maya" et "Elephant Boy". Une otarie en vedette avec "Salty" (Les aventures de Salty ont été diffusées en France dans l'émission "Les Visiteurs du Mercredi"). Sans oublier "Woobinda" (une production en provenance d'Australie tout comme "Skippy"). Quant à "Belle et Sébastien", imaginé par Cécile Aubry, il sera suivi de deux autres feuilletons : "Sébastien parmi les hommes", en 1968, et "Sébastien et la Mary-Morgane", en 1970.
Sans peur et sans reproche
Si les héros américains sont principalement des cavaliers du Far-West, l'Europe puise, quant à elle, dans ses œuvres de littérature populaire. D'un côté, nous avons les preux chevaliers et les vaillants justiciers. De l'autre les brigands bien-aimés comme "Thierry la Fronde", "Gorri le diable", "Mandrin" en France. Du côté des anglo-saxons, "Robin des bois", "La flèche noire" et "Dick Turpin".
C'est dans cette veine historique que l'Angleterre produit des séries tels que "Robin des bois", "Le chevalier Lancelot", "Ivanhoé" (interprété par Roger Moore), "Guillaume Tell", "Sir Francis Drake, le corsaire de la reine" et "Richard Cœur de lion". Il faut alors souligner que bon nombre de ces séries ont été produites par la firme ITC Television.
La France n'est pas en reste. En effet, une multitude de fictions à base de personnages historiques ou romanesques nous furent offerts. On citera "Thierry la Fronde", "Bayard", "Corsaires et flibustiers" avec Michel Le Royer, "D'Artagnan chevalier du roi", "Lagardère", "Gorri le diable" avec Robert Etcheverry, "Thibault ou les croisades", "Quentin Durward" et "Mandrin", etc. Les auteurs les plus adaptés sont alors Alexandre Dumas et Paul Féval.
Les années 60 marquent aussi et enfin l'arrivée des personnages de bandes dessinées au petit écran. Par exemple, avec les adaptions de "Jim la jungle", "Denis la petite peste", "Bob Morane" (avec Claude Titre et Billy Kearns), "Les Chevaliers du ciel" (avec Jacques Santi et Christian Marin) et "Michel Vaillant" (interprété par Henri Grandsire).