Par Thierry Le Peut
Une création de Donald P. Bellisario
D'abord imaginé par Glen A. Larson, le producteur de "Switch", "Un shérif à à New York" avec Dennis Weaver et "Galactica", le personnage de Thomas Magnum fut ensuite remodelé par Donald P. Bellisario. En effet, celui-ci abandonna l'image trop stéréotypée conçue par son prédécesseur. Ainsi va-t-il doter son héros d'un passé guerrier problématique. Mais aussi d'une personnalité plus détendue, accessible aux faiblesses humaines.
En fait, Bellisario réalisa un croisement du concept dessiné par Larson et de sa propre idée de série encore invendue, H.H. Flynn. Il flanqua ensuite le héros de deux acolytes, comme lui anciens du Viêtnam. Enfin, Bellisario en fit le chef de la sécurité d'un écrivain richissime en voyage perpétuel. De sorte qu'on ne verrait jamais ce patron énigmatique, à l'instar du Charlie des "Drôles de Dames" et de "Madame Columbo".
Le choix de Tom Selleck
Ainsi redéfini, le personnage eut l'heur de plaire à Tom Selleck, alors sous contrat avec les studios Universal et d'ores et déjà investi du rôle. Acteur encore peu connu, Selleck avait tourné plusieurs pilotes pour les studios. Notamment un avec James Whitmore Jr (ex-Gutterman des "Têtes Brûlées" et futur Terwilliger de "Rick Hunter". Au demeurant fils du comédien James Whitmore. Puis, bientôt réalisateur de séries telles que "Code Quantum" et "Raven"). Ce téléfilm, "Gypsy Warriors", bénéficiait de la collaboration de Stephen J. Cannell. Ce dernier était alors un jeune producteur déjà responsable de séries telles que "Baretta" et "Les Têtes Brûlées", et de Donald Bellisario, qui avait été l'un des maîtres d'oeuvre de la seconde saison de cette dernière série.
Conçu pour devenir une série, "The Gypsy Warriors" se déroulait durant la Seconde guerre mondiale mais ne dépassait pas le stade du pilote. Comme l'a confié le producteur au magazine Génération Séries, Tom Selleck se souvint cependant du travail de Bellisario sur ce téléfilm. Ainsi, c'est lui qui suggéra de lui confier l'idée de la nouvelle série afin d'en redéfinir le concept.
Une fois la nouvelle mouture du scénario acceptée par l'acteur et par le studio, le tournage put commencer. Bellisario a confié qu'il avait écrit l'histoire sans avoir jamais mis les pieds à Hawaï. Simplement, en s'aidant de guides touristiques. Le fait est que l'intérêt du pilote, bien que rehaussé par le tournage dans l'archipel, est déjà dans la nature du scénario et dans l'attention aux personnages.
Qui est Rick ?
Thomas Magnum présente déjà les caractères qui définiront le personnage durant les huit saisons de son existence. Quant à ses comparses, quoique peu développés encore à l'exception d'Higgins, ils sont déjà solidement campés.
Seul le personnage de Rick, conçu au départ comme une copie du Bogart de "Casablanca" (le nom y compris, ainsi que le Rick's Café Américain dont il est propriétaire, comme Bogart dans le film de Michael Curtiz), sera redéfini pour la série régulière. Il perdra donc son caractère caricatural pour devenir le gérant du King Kamehameha Club, en bord de mer (ainsi baptisé du nom d'un ancien roi d'Hawaï). Il conservera cependant jusqu'à la fin l'influence bogartienne. Une influence qu'il reprendra à l'occasion dans des épisodes comme "Tout au dernier vivant" ou "La Roue de la fortune".
Sans oublier T.C.
Roger E. Mosley, entrevu dans un épisode de "Starsky et Hutch" et d'autres séries, sera T.C., le pilote d'hélicoptère. Un indispensable élément coloré d'une équipe "multinationale" à sa manière puisque Rick est d'origine italienne (comme Manetti) et Higgins britannique. Ainsi complété, le "team" de "Magnum" resterait inchangé jusqu'à la fin de la série. Les comédiens, dit-on, devinrent de vrais amis (au point que Selleck et Manetti ont ouvert ensemble un restaurant à Hawaï, baptisé The Black Orchid comme l'un des épisodes de la première saison).
Direction Hawaï
Comme pour "Hawaï Police d'Etat", la délocalisation des tournages fut d'abord un problème. Certes, la production bénéficiait cette fois de l'infrastructure d'Universal. Toutefois, il fallait encore assurer le transport régulier des acteurs invités et d'une partie de l'équipe de tournage, les réalisateurs en premier lieu. L'abondance des tournages en extérieurs fut une difficulté supplémentaire. Une difficulté accrue par les prises de vues aériennes qui nécessitaient une préparation minutieuse.
La première année fut marquée par un événement qui alimenta les chroniques des journaux et heurta profondément toute l'équipe. En effet, lors du tournage d'une scène aérienne de l'épisode "Dans la peau", une vague emporta le caméraman Robert VanDerKar, qui mourut sur le coup. Elle provoqua aussi le crash d'un hélicoptère au cours duquel fut tué le cascadeur Beau Vanden Ecker. L'accident aurait pu compromettre l'avenir de la série, mais heureusement il n'en fut rien. Chacun cependant garda à l'esprit le danger de ces prises de vues. Un élément que rapporte Larry Manetti dans son livre "Aloha Magnum" (Renaissance Books, 1999).
Un succès progressif
Si la série éprouva au départ quelques difficultés à s'imposer dans les sondages, elle reçut cependant un accueil encourageant. Classée seizième lors de sa première saison, puis dix-huitième l'année suivante, elle atteint la troisième place en 1982-1983, à égalité avec "MASH" qui en est alors à sa onzième et dernière saison. Tom Selleck est alors élu "l'homme le plus sexy de l'Amérique". Voilà qui aide la série à gagner un nouveau public. La qualité des scénarii, perceptible dès la première saison, fera le reste. Sans oublier ensuite une réalisation impeccable et de grands numéros d'acteurs.
En 1984, Selleck reçoit un Emmy Award du meilleur premier rôle dans une série dramatique. Il sera suivi en 1987 d'un autre Emmy pour John Hillerman, cette fois en qualité de meilleur second rôle. Classée sixième en 1983-1984, la série redescend en quinzième position l'année suivante. Aussi, elle ne retrouvera plus son audience de la grande époque. Cependant, elle aura fidélisé un public et saura conserver jusqu'au bout ses qualités.
La septième saison s'achève, chose exceptionnelle pour une série télé, par la mort du héros, élevé au rang d'ange-gardien, mais Selleck accepte in extremis de reprendre le rôle une année de plus et le personnage revient d'entre les morts dans l'épisode "Coma". Le temps de quelques épisodes, Thomas Magnum est flanqué d'un ange-gardien insolite qui souligne une parenté évidente avec la nouvelle série sur laquelle Bellisario travaille déjà depuis quelques années, "Code Quantum".
Bien qu'écourtée, la dernière saison compte encore d'excellents épisodes et se termine par un téléfilm de conclusion qui apporte un point final à l'aventure. Non sans laisser la porte ouverte à une suite...