Par Christophe Dordain
"Le coeur au ventre" est un très bon feuilleton ! Un ensemble de six épisodes qui raconte l'histoire d'une amitié dans le milieu de la boxe. Tout d'abord, on découvre un très jeune homme, Philippe. Puis, un homme qui voit fuir sa jeunesse, Nino. Enfin, un troisième, Roger, qui veut échapper à sa condition en devenant champion. Autour d'eux, tout un monde qui aime, qui souffre, qui fait des projets.
LES BONS SENTIMENTS FONT PARFOIS LES BONS FEUILLETONS
Des bons, des médiocres, des faibles, des égoïstes. De la salle d'entraînement au ring, le trio tisse des liens complexes. Un boxeur raté, Nino Cerreti est devenu cascadeur. Au cours d'un tournage, il rencontre Philippe Morand, un jeune admirateur qui le reconnait et veut boxer lui aussi. Ils se retrouvent à Paris et Cerreti emmène son nouvel ami dans une salle d'entraînement. Moroni, l'entraîneur connait les difficultés de Cerreti et l'engage comme "sparring-partner" d'un de ses poulains qu'il veut pousser, Roger Konacker. Roger boxe pour éviter d'être mineur de fond comme tous les hommes de sa famille. Bientôt, Roger, Philippe et Nino deviennent inséparables. Roger gagne son premier grand combat, mais cela ne suffit pas à le tirer de sa solitude.
La chronique d'une amitié
"Le coeur au ventre" est le prototype du bon feuilleton à la française, avec une volonté de dépeindre un milieu social, celui de la boxe, tout en respectant un souci de vérité et de sincérité cumulées qui donne à l'ensemble un cachet indéniable. On croirait presque, parfois, se retrouver dans les meilleurs moments de "Rocky" avec Sylvester Stallone, réalisé par John G. Avildsen cette même année 1976.
"La chronique d'une amitié" annonçait haut et fort Robert Mazoyer dans Télé 7 Jours du 29 octobre 1976, "celle de trois jeunes provinciaux qui font connaissance notamment dans une salle d'entraînement de boxe à Paris. On y raconte leurs amours, leurs défaites, leur solitude dans Paris. C'est un film que j'ai voulu comme "Les cousins de la Constance", tout en reportage, et qui est aussi un film sur Paris. C'est un prétexte à balades à travers les milieux populaires et artistiques de la capitale. J'ai choisi le scénario de Jean-Pierre Petrolacci, qui est violent et tendre à la fois, parce que, après "L'enchantement" et "Les charmes de l'été", j'avais besoin de revenir à la violence."
Des comédiens impliqués
Tout d'abord, à propos de la préparation du tournage du feuilleton, Mazoyer, dans cet entretien, précisait que "mes trois interprètes se sont exercés à la boxe trois mois avant le tournage. Un seul n'en avait jamais fait. J'ai tourné ensuite sans truquage, en public, à la salle Wagram, devant deux mille spectateurs et en province, avec quatre caméras." Il est vrai qu'il faut alors souligner le caractère vériste des scènes de boxe ainsi que l'implication physique du trio de comédiens qui expliquent pour beaucoup l'intérêt que l'on porte au visionnage de la série "Le coeur au ventre".
Ensuite, parmi eux, on relève la forte présence de Sylvain Joubert. Ce dernier avait connu un grand succès en 1974 avec "Ardéchois, Coeur Fidèle". A propos du "Coeur au ventre", toujours dans ce Télé 7 jours du 23 octobre 1976, il déclarait ceci : "quand j'ai joué "Le coeur au ventre" avec Robert Mazoyer, il y avait longtemps que nous souhaitions travailler ensemble. C'était pourtant une époque où je vivais à la campagne, je ne souhaitais pas tourner, mais il a insisté et j'en suis heureux, car nous avons fait ce travail en parfaite osmose." Quant à son rapport avec le sport en général, et la boxe en particulier, Joubert déclarait que "avec mes amis cyclistes et boxeurs, j'aime bien vivre. Je fais de la boxe et de la bicyclette. Pourtant, je ne m'intéresse pas du tout au sport comme élément de compétition. Gagner ou perdre est pour moi fictif. J'ai fait de la boxe parce que, sur le ring, il y a une image de la vie. Je n'aurais pas pu en être une vedette."
Robert Dalban, le plus de la série
Toutefois, si ce feuilleton est indéniablement porté par son trio vedette, il ne faudrait pas pour autant oublier un acteur majeur de cette histoire : Moroni. Le rôle en est tenu par une pointure du cinéma français des années 50, 60 et 70. En l'occurrence, Robert Dalban dont c'était la seconde participation à un feuilleton de longue durée. En effet, il avait été le supérieur hiérarchique de Philippe Nicaud dans "L'Inspecteur Leclerc" (entre 1962 et 1963).
Robert Dalban avait 73 ans à l'époque. Et pour une seconde aventure au petit écran, la satisfaction était au rendez-vous : "je me suis bien entendu avec Robert Mazoyer, le réalisateur, et surtout cela m'a fait plaisir de tenir le rôle d'un brave type. J'ai été si souvent truand ou flic !" déclarait-il dans le Télé 7 Jours en date du 04 décembre 1976. Qui plus est, on apprend au cours de cet entretien que Dalban connaissait bien le milieu de la boxe pour l'avoir pratiquée en 1919. A propos de cette brève expérience pugilistique, Dalban y précisait que "les deux premiers combats auxquels j'ai participé, je les ai gagnés facilement, mais au troisième j'ai pris une raclée terrible. Et le soir, je devais débuter au Théâtre Montparnasse dans un personnage de Saint-Cyrien. Vous imaginez la tête du directeur quand il m'a vu arriver avec un oeil au beurre noir et une arcade sourcilière éclatée. Je lui ai expliqué mon cas et il m'a sommé de choisir entre la box et le théâtre..." Tous les amateurs de cinéma connaissent la suite et se disent que bien lui en a pris...
COMMENT LA CRITIQUE A-T-ELLE RECU "LE COEUR AU VENTRE" ?
Télé 7 Jours
"Conviction et ressemblance". Tel était le titre de la critique sous la plume de l'incontournable Georges Hilleret dans Télé 7 Jours du 20 novembre 1976, un mois après le début de la diffusion du feuilleton. Dans une critique comparant "Le coeur au ventre", "La poupée sanglante" de Marcel Cravenne et "Le pied à l'étrier" de Claude Loursais, Hilleret y faisait le constat suivant : "les auteurs de ces histoires ont su retrouver les bonnes vieilles règles des feuilletonnistes du siècle dernier, à savoir l'étude attentive d'un milieu donné, telle que la pratiquaient Balzac, Eugène Sue ou Emile Zola. C'est la meilleure façon de nous rendre une histoire vivante et intéressante, mais surtout de la rendre vraie. Guy Marchand, en champion déchu, Sylvain Joubert, en espoir du ring et François Leccia en ami sûr, s'inscrivent très bien dans cet univers pugilistique." Quand on connaît l'exigence de Georges Hilleret à l'époque où il officiait dans les colonnes de la célèbre revue télévisuelle, on ne peut que mieux mesurer la bonne image laissée par "Le coeur au ventre". Mais aussi, et certainement, espérer vous avoir donné envie de le revoir ou bien de le découvrir grâce notamment au fonds d'archives dont dispose l'I.N.A. (Institut National de l'Audiovisuel) à travers sa plateforme qui vous permet d'accéder à d'anciennes séries et autres feuilletons et de les vous procurer en toute légalité : le site officiel de l'INA.
Le Monde
Une autre illustration critique extraite du journal Le Monde au hasard d'une rediffusion sur TMC en janvier 1994 : "Le coeur au ventre" ne traite pas que de sport. Ainsi, parle-t-il aussi des aventures sentimentales des trois boxeurs, et d'un secret de famille. En l'espèce, celui qui oblige Philippe à pratiquer la boxe en cachette de son père. De tous ces ressorts, le scénariste a joué habilement, captant même l'attention de spectateurs qui ne vouent pas le moindre intérêt aux sports de combat. Qui plus est, la réalisation efficace de Robert Mazoyer est bien servie par le charisme du trio de comédiens principaux Guy Marchand (Nino), Sylvain Joubert (Roger), François Leccia (Philippe), et la présence lumineuse de Sylvie Fennec. En somme, le tout forme un feuilleton qualité France qui se suit très agréablement."
DISTRIBUTION
Sylvain Joubert : Roger Konacker
François Leccia : Philippe Morand
Guy Marchand : Nino Cerretti
Sylvie Fennec : Catherine Morand
Robert Dalban : Moroni
Sophie Agacinski : Eliane Cerretti
Virginie Boulze : Lucie Cerretti
Pierre Valde : Mr Corbert
Jean Reney : Mr Morand
Karin Petersen : Marie-Claude Mancier
Lionel Gaudin : Kowacs
Michel Charrel : Max Travers
Gérald Denizeau : Le masseur
Gérard Croce : Cottard
Jacqueline Dufranne : Mme Romand
Jenny Arasse : Juliette Moroni
Tony Rödel : Hans Mödel
Jenny Clève : Mme Konacker
Guy Dhers : Louis Konacker
FICHE TECHNIQUE
Producteur délégué : Roger Deplanche
Supervision de la production : Michel Decaix, Robert Mahé
Secrétaire de production : Véronique Guillaume
Scénario et dialogues : Jean-Pierre Petrolacci
Directeur de la photographie : Jean-Jacques Guyard
Musique : Jacques Loussier
Cadreurs : Eric Faucherre, Christian Ritt
1er assistant-réalisateur : Michel Picard
2ème assistant-réalisateur : Ronan Le Grand
Scripte : Jacqueline Ferrari
Ingénieurs du son : Yvon Dacquay, Clément Buhler
Chef maquilleur : Alain Lerrede
Habilleuse : Irène Delektorsky
Décors : Michel Decaix, Robert Mahé
Cascades : Pierre Rosso, Jean Galtat, Pierre Koulak
Conseiller pour la boxe : Jean Capel
Régisseur extérieurs : Daniel Sarmir
Régisseurs de plateau : Hugues Nonn, Elisabeth Rouland
Direction du montage : Pierre Houdain
Montage : Bernard Bougouin, Alain Bayet
Accessoires : Yves Seigneuret
Co-production : Antenne 2 / Telfrance (1976)