Par Emmanuel Francq
A la veille du reboot télé produit par Vin Diesel et annoncé pour 2019, ainsi que les 30 ans de la fin de la série (1989/2019), voilà l’occasion de revenir sur "Deux flics à Miami". En l'espèce, une série qui aura repensé la manière de filmer et de raconter des histoires dans l’univers des séries policières.
LE PROJET
Après d’autres pépites des années 80 du studio Universal ("Magnum", "Arabesque", "L’incroyable Hulk", "Les Têtes brûlées") sorties en Blu-Ray ces derniers mois, voici enfin LA série policière-phare des années 80 qui aura marqué » les soirées du vendredi sur Antenne 2 dès 1986 : "Deux Flics à Miami" ("Miami Vice" en anglais).
L’éditeur français Elephant Films, à qui on doit aussi la sortie d’autres films et séries de qualité ("Espions sur la Tamise", "Pour qui sonne le glas", "Alfred Hittchcock présente", "Equalizer, la série") nous gâte avec la sortie d’une intégrale, disponible depuis le 4 décembre chez FNAC en édition spéciale ultra-limitée, soit 800 exemplaires.
Voici donc un coffret regroupant 25 Blu-Ray avec les 5 saisons et 111 épisodes, accompagnés des éléments suivants : un livre de 192 pages reprenant la genèse de la série, ses particularités, une analyse, un guide des épisodes ultra-complet. Ajoutons à cela la liste de toutes les musiques rock entendues dans cette série policière hors du commun.
POURQUOI UNE EDITION EN BLURAY ?
A quoi bon donc une intégrale Blu-Ray alors que la série est disponible depuis 2009 chez Universal en DVD ? En gros, c’est ce que plusieurs internautes grincheux ont écrit sur divers réseaux sociaux. Certains se fendant d’un « Eléphant-bashing » injuste. Le packaging en a pris pour son grade. Qu’on aime ou pas, au bout du compte cela ne reste qu’une question de goût et de couleurs…
Or, l’édition Blu-Ray vaut le coup pour 3 raisons :
- La première raison, c’est la possibilité de voir enfin la série telle qu’elle a été conçue et élaborée visuellement par Michael Mann. Comme l’a précisé Alain Carrazé, dans son ouvrage « Les nouveaux feuilletonnistes », paru chez Fantask : "à l’époque de sa diffusion sur Antenne 2, « Deux flics à Miami » était diffusé à partir de copies 16mm et non 35 mm (format cinéma). En termes de rendus des couleurs et de netteté des contours, on a énormément perdu en qualité d’image à l’époque de sa diffusion".
L’édition chez Eléphant gomme ces défauts en proposant des blu-ray dans le format respecté, encodé en 1920 x 1080p (on ne parle pas de 4/3 et 16/9 pour les blu-ray). Il était hors de question de zoomer dans l'image pour coller aux téléviseurs d'aujourd'hui. Concrètement, impossible de ne pas avoir de perte d'image quand on essaie de faire entrer un carré dans un rectangle. On a donc des bandes noires sur les côtés gauche et droit de l’image mais on voit le résultat.
- La seconde raison, c’est que la série a été restaurée en haute-définition par Universal pour les sorties Blu-Ray dans le monde, notamment aux Etats-Unis et en Angleterre avant nous. Eléphant Films a corrigé les petits défauts de ces éditions, comme les versions en son 5.1 qui étaient défectueuses pour proposer (c’est une première !) la stéréo d'origine, notamment sur le pilote dans les suppléments.
- La troisième raison, c’est la netteté d’image et de rendus des contrastes. Tournée dans des conditions cinéma, "Deux flics à Miami" proposait une atmosphère très sombre, avec de nombreuses scènes se déroulant de nuit, illustrant la noirceur du milieu fréquenté par ces flics infiltrés dans les milieux criminels d’une ville rongée par le crime et la drogue au milieu des années 80. A cet égard, le pilote de 90 minutes impressionne par la netteté des contours, des couleurs éclatantes et des scènes nocturnes totalement envoûtantes. On redécouvre "Deux flics à Miami" sous un tout autre angle, on voit combien l’image était travaillée, ainsi que les éclairages, les couleurs des décors et des costumes, le montage, la musique géniale du compositeur Jan Hammer, etc.
Cette qualité d’image et de son sont particulièrement prégnantes sur les deux premières saisons, supervisées dans les moindres détails par son producteur exécutif, Michael Mann. Il n’y a qu’à voir le décor ultra-coloré de l’épisode 11 de la saison 2, avec le rocker Phil Collins en vedettes (épisode "Jeux de vilain") et vous sentirez tout de suite la saveur colorée de Miami et son aspect design (la maison de Collins).
On observe un peu plus de grain par moment sur certains épisodes des saisons 3 à 5. Mais il ne faut pas oublier, n’en déplaise à ses détracteurs, que "Deux flics à Miami" n’aura jamais cessé de se renouveler, tentant de nouvelles approches musicales et filmiques.
Même si on ressent une baisse de qualité dans les scénarios des saisons 3 à 5, due en partie au fait que Mann était parti sur d’autres projets (son film "Manhunter" et la série "Les Incorruptibles de Chicago"), plusieurs épisodes restent des petits chefs d’œuvre (saison 3 : "Une ombre dans la nuit", "Pardonnez-nous nos offenses", "Le sauvage", "Coucou qui est là ?" – saison 4 : "Le Prédicateur est devenu fou", "Les grandes questions", "Une idylle agitée", "Le disparu" – saison 5 : "Les souvenirs – 1ère et 2ème partie" où Crockett, à la suite d’un accident devient son dangereux alter-ego Burnet, trafiquant et tueur sans pitié, "La ligne de feu", "La Madone a disparu", "Le fruit défendu", "A contrecœur", "La dernière aventure").
Soulignons encore et enfin que les versions sur les DVD européens sont censurées alors que les Blu-ray proposent les versions intégrales des épisodes.
LES BONUS
Et que nous réservent les bonus accompagnant les Blu-Ray ? L’intégrale propose une douzaine de documents intéressants (dont les bonus d’Universal, déjà présents dans l’édition dvd, sur la musique et l’atmosphère de Miami Vice) et des nouveautés (ci-dessous, 1 à 3) :
1- "Au cœur de Miami Vice" par Axel Cadieux, journaliste à So Film qui revient sur l’intégralité de la série, son influence à l’époque, la vision de Michael Mann et Anthony Yerkovich, les rapports sur le tournage entre Don Johnson et Philip Michael Thomas et bien d’autres choses (22’).
2- "Abel Ferrara dans l'univers de Miami Vice", une interview de Brad Stevens, auteur d’un ouvrage de référence sur Ferrara (11’).
3- "MTV Cop Show : la musique de Miami Vice" par les critiques rock Christophe Geudin & Olivier Desbrosses (22’).
4- Interview de Michael Man, partie 1 : "Les débuts de Michael Mann" (12’)
- Interview de MICHAEL Mann, Partie 2 : "Michael à Miami" (15’).
Un entretien accordé à la mythique émission "Destination Séries". Réalisé le 11septembre 1994.
5- "La Miami Vibe - Au cœur de la série, la griffe" (bonus Universal de 2005).
6- La musique mythique (bonus Universal de 2005).
7- La série des années 80 à nos jours (bonus Universal de 2005).
8- "Le flic de Miami", interview du conseiller technique de la police de Miami, Bob Hoelscher (bonus Universal de 2005).
9- Un livre de 192 pages, format petit bouquin de poche, richement illustré de superbes photos. Il contient des textes écrit par des grands fans évoquant le contexte de la création de la série, son évolution, le travail sur les couleurs, un guide des épisodes remplis d’anecdotes, une liste de toutes les chansons rock, les biographies des producteurs et acteurs principaux.
10- Les épisodes VF et VOSTFR en version intégrale restaurée Haute-Définition non-censurée.
11- La VO Stéréo inédite en France sur le pilote et les saisons 2 à 5 + épisode pilote : une version audio intégrale « stéréo » en VF qui n’était sortie qu’en VHS
N.B. : pour la petite histoire, cette version n'avait pas été censurée et donc intégralement doublée. Les scènes ont ensuite été coupées par Antenne 2. Et ce sont ces versions tronquées qui ont été reprises ensuite sur les autres éditions dvd.
12- Bande-Annonce de "Miami Vice" et d’autres séries récentes parues chez Eléphant Films ("Les Têtes Brûlées", "Opération Vol", "Equalizer", "Buck Rogers", etc.).
POUR CONCLURE
En comparaison avec ceux de l’intégrale de "L’incroyable Hulk", plus fournis et inédits, certains trouveront peut-être ces bonus plutôt maigres, voire peu novateurs vu que ceux d’Universal s’y retrouvent encore. Ils auraient sans doute aimé des épisodes commentés par Michael Mann, Anthony Yerkovich, Rob Cohen, Abel Ferrara et les acteurs. Malgré plusieurs tentatives d’Eléphant Films de contacter toute l’équipe derrière "Miami Vice" pour travailler en ce sens, il n’a pas été possible de faire aboutir cette idée. Financièrement parlant, cela reste compliqué pour les éditeurs français de taille modeste de produire du matériel outre-Atlantique.
D’autres fans de la série auraient encore aimé une interview de Don Johnson parlant longuement de Crockett et son évolution, voire d’Edward James Olmos et Castillo (au demeurant, visibles tous les deux à ce sujet, en anglais non sous-titré, sur You Tube). Mais pour les fans qui ne connaissent pas bien les coulisses de la série ni son évolution, ces suppléments se révèlent bourrés d’anecdotes et d’infos intéressantes.
Cerise sur le gâteau et qui ajoute au plaisir. Autrement dit, les musiques accompagnant les menus des divers Blu-Ray. Ils sont variées et reprennent divers thèmes marquants de Jan Hammer (Miami Vice Theme, Crockett’s Theme, Candy, etc.). Comme on pouvait s’y attendre, ces suppléments apportent un nouvel éclairage sur une série emblématique. Un programme dont nous, spectateurs français, n’avons sans doute pas toujours capté l’essence profonde derrière le « cop show ». De prime abord, des personnages à l’identité fracturée, qui perdent souvent à la fin ou ne peuvent éviter une tragédie. Mais aussi des histoires traitant de sujets délicats (homosexualité, inceste, viol, pédophilie). Des hommes et des femmes entraînés au cœur d’une guerre contre le crime qui les dépasse et qui seront, à plusieurs reprises, grièvement blessés dans l’exercice de leur mission.
Pour ceux qui trouveraient le prix excessif (149,99 €), si vous divisez le nombre de saisons par le nombre de coffrets, cela fait 30€ la saison. Voilà qui demeure un prix restant raisonnable là où d’autres se permettent des prix beaucoup plus élevés pour un nombre d’épisodes moindres. Aussi, faut-il souligner que "Deux flics à Miami" n’est pas devenu un truc ringard et irregardable. En effet, plusieurs épisodes restent, visuellement parlant, d’une étonnante modernité. Il faut insister sur le travail de restauration opéré. Celui-ci nous offre la possibilité de nous replonger avec délice dans cet univers criminel fantasmé et passionnant. Sans oublier de rendre justice à la qualité de jeu de comédiens de Don Johnson, Philip Michael Thomas et Edward James Olmos. Tous sont vraiment excellents de bout en bout.
Au final, voici une série souvent raillée pour son manque de profondeur. Pourtant elle aura incontestablement marqué à tout jamais l’histoire de la télévision américaine. Notamment en proposant une nouvelle manière de raconter des histoires policières. Que dire de plus ? Encore du bel ouvrage, Eléphant Films !
POUR EN SAVOIR PLUS :
Notre émission radio Le Magazine des Séries - spéciale "Miami Vice". Diffusée sur Radio Camps Lille, le samedi 24 novembre 2018. Une émission présentée par Christophe Dordain avec la participation d'Emmanuel Francq et de Christophe Colpaert.