Par Thierry Le Peut

PRESENTATION
"Le Rebelle" ("Renegade") est une série télévisée américaine en 110 épisodes de 42 minutes. Elle a été créée par Stephen J. Cannell. Diffusée entre le 14 septembre 1992 et le 28 avril 1996 en syndication. Puis, du 13 septembre 1996 au 04 avril 1997 sur le réseau USA Network. En France, la série a été diffusée sur TF1 à partir du 8 janvier 1995. Suivront de nouvelles diffusions sur TF6, NT1, RTL9, Canal Jimmy et AB1.

SYNOPSIS
Reno Raines est un très bon flic expert en arts martiaux. Il fait la promesse à sa fiancée Valerie Prentiss de quitter la police. Mais, avant de partir, Reno veut témoigner contre des flics véreux. Par exemple, le lieutenant Dutch Dixon. Ou bien encore le Sergent Woody Bickford et l'inspecteur Bussy Burrell. C'est alors que Reno se retrouve piégé par le lieutenant Dixon. Ce dernier demande à l'inspecteur Bussy Burrell de faire sortir de prison Cletus « Hogg » Adams pour qu'il tue Reno. Malheureusement, Cletus tire sur Valerie, Dixon tue Bussy Burrell et fait accuser Reno du meurtre...

ANALYSE
"Le Rebelle" n’est pas l’une des séries les plus connues de Stephen J. Cannell. Pourtant, il en est le créateur unique alors qu’il a co-créé ses grands succès des années 80. On retiendra notamment "Agence Tous Risques", "Riptide" et "Un flic dans la mafia". Le titre appartient donc au catalogue post-80 du producteur, où il a pour voisin "Les dessous de Palm Beach". Ainsi, ensemble, ces deux programmes marquent le prolongement du succès populaire rencontré par le producteur-scénariste au milieu de la décennie 1980. Mais aussi son chant du cygne durant les années 90.
Cannell 90'
L’époque de l’indépendance flamboyante est désormais achevée. En effet, le temps est venu pour Cannell de rentrer dans le rang avec ces deux produits populaires mais sans grande créativité. Deux séries que le scénariste crée avant de les confier à d’autres mains. En l’occurrence celles des producteurs Stu Segall (partenaire sur "Rick Hunter") et Richard C. Okie. Pourtant, si "Les dessous de Palm Beach" apparaît comme une déclinaison policière assez atypique dans le parcours de Cannell, mélange d’ultra-classicisme et de glamour, "Le Rebelle" incarne au contraire le cœur même de l’inspiration « cannellienne ». Notamment en transposant dans la modernité la recette pionnière du justicier parcourant le pays sur la selle de son destrier, évidemment fidèle.
La monture, dans cette déclinaison est une Harley. Une moto que le héros chevauchera durant les 110 épisodes de l’aventure. Le tout donnant raison aux paroles de la chanson (« Je n’ai peur de personne, etc. »). Quant au justicier lui-même, s’il use effectivement du flingue, c’est à la manière de Josh Randall (le fusil préféré au revolver, analogie renforcée par le métier de chasseur de primes). Puis, avec le concours des arts martiaux pour le combat rapproché.
Qui est le rebelle ?
Cheveux longs, barbe de plusieurs jours, long manteau, santiags sont l’ornement de ce héros incarné par Lorenzo Lamas. Un jeune homme bien mis de la série "Falcon Crest" devenu ensuite homme d’action à tout faire d’obscurs téléfilms. Puis, pour le coup, le héros d’une série qui lui reste attachée à travers de multiples rediffusions. C'est qui est ainsi le signe de l’implication du comédien dans ce véhicule de sa gloire. Par ailleurs, il en sera le producteur autant que l’icône.
Aux côtés de Lamas, le cascadeur-acteur Branscombe Richmond prête ses traits à l’acolyte indien. Voilà qui rappelle les duos de justiciers que formaient les farouches cow-boys d’antan. Le Lone Ranger en tête et Batman-Robin plus tard. Comme le héros, l’acolyte a son véhicule-symbole. En l'espèce, un Hummer dont la silhouette se prête aussi bien aux courses effrénées dans la jungle urbaine qu’aux poursuites dans le désert californien.
Complétant le trio, la plastique de Kathleen Kinmont rappelle que l’univers « pionnier » est avant tout masculin. Bref, la demoiselle n’y a droit de cité que pour mieux assister ces messieurs (si Kinmont-Cheyenne a trop d’amour-propre pour servir le café, elle n’a pas sa pareille pour tapoter sur un clavier d’ordinateur et servir à ses hommes les informations dont ils ont besoin pour diriger l’action ; au besoin, bien sûr, elle travaille « sous couverture », de préférence dans la peau d’une serveuse ou d’une danseuse exotique). La presse de l’époque se fit l’écho de la relation privée unissant Lorenzo Lamas et sa blonde partenaire. Celle-ci quittera la série au terme de la quatrième saison.
L'influence du western
Série-cliché, "Le Rebelle" est aussi un instantané de l’imaginaire de Cannell. Celui où le western impose ses structures et sa cinématographie (nombreux tournages dans le désert, affrontements manichéens, conclusion « à la Lucky Luke » où le héros solitaire s’éloigne dans le soleil couchant, etc.). Le tout dans un schéma dominé par l’action et le divertissement.
S’il est juste d’invoquer l’ombre du "Fugitif" (le héros, Reno Raines, est injustement accusé de meurtre et contraint de fuir pour conserver sa liberté), il ne faut pas négliger l’importance de ce motif pour Cannell. Parce que ces programmes s’appuient sur une mise en cause de l’ordre établi, à travers des personnages évoluant en marge des cadres traditionnels de la société.
"Le Rebelle" renoue ainsi avec "Agence tous risques". Un programme où ce thème prenait une position centrale. Et bien entendu le spectre du Viêtnam plane sur la série. Certes, le héros est trop jeune pour y avoir combattu. En revanche, son père et son frère ont connu l’époque de la guerre. L’éloignement du contexte guerrier, cependant, permet au western d’affirmer ses droits sans concurrence. En effet, les fusillades évoquent davantage les gunfights d’un siècle révolu que la fiction guerrière. Ainsi, au contraire d’"Agence tous risques", "Le Rebelle" fait parfois mourir ses méchants. Mais, la série préfère dissimuler le sang et contraindre la violence dans les limites inoffensives d’un jeu urbain décomplexé.
Cannell face caméra
Formatée par le motif de la fuite, "Le Rebelle" présente la particularité de donner à Cannell lui-même un rôle majeur devant la caméra. Il est en effet Donald ‘Dutch’ Dixon. Voici donc le flic véreux qui fait de Raines un fugitif. Un policier qui emploie ensuite son temps et son impunité à le pourchasser à travers le pays. Quoiqu’une grande part de l’action se déroule dans les environs immédiats des bureaux de Sixkiller Enterprises. C'est la société de chasseurs de primes qui emploie Raines sous une identité d’emprunt, à Bay City.
Cannell, qui avait déjà donné ses traits à l’écrivain fétiche de Lionel Whitney (Jeff Goldblum) dans "Timide et sans complexes", en 1979, et joué un rôle de méchant dans un épisode de "Magnum", délaisse ainsi l’écriture de la série pour camper un personnage antipathique au possible. Ainsi, intervient-il plusieurs fois dans chaque saison. Finalement, pour accéder au générique de la série à la faveur de la cinquième saison.
Cannell, bad guy
La relation qui se noue dès le premier épisode entre le héros et son ennemi juré sert de fil rouge aux cinq saisons de la série : après nombre de péripéties conduisant, lors des deux dernières saisons, à une succession de rebondissements dramatiques, le cent-dixième épisode, « La mauvaise graine », offre à cette relation un point culminant que l’on verra, au choix, comme une conclusion à la saga ou comme le point de départ d’une nouvelle donne, jamais filmée.
Reno Raines finira-t-il donc par prouver son innocence clamée cinq années durant ? C’est ce que sauront les fans qui auront suivi fidèlement les exploits de leur héros jusqu’à la fin. Et que bien sûr on ne vous dira pas ici : qu’il suffise de dire que cette conclusion est « hautement dramatique » et ne ménage pas les coups de théâtre… Dans la carrière de Cannell, "Le Rebelle" fait figure de baroud d’honneur, avant que le scénariste abandonne la télévision pour se consacrer à l’écriture de romans.
En s’octroyant le rôle du « pourri », Cannell se fait plaisir et affirme sa fidélité aux règles qui ont gouverné son investissement dans la fiction télévisuelle depuis les années 1970 : donner une voix aux « rebelles », aux justiciers qui, pour perpétuer une tradition désormais supplantée par les séries policières et les sitcoms, sont contraints de se désolidariser de la Loi institutionnelle et d’affirmer leur propre code moral.
Reno Raines est ainsi qualifié par Cannell, dans le tout dernier épisode de la série, de « boy scout, patrie et compagnie », profession de foi qui rappelle le credo conservateur du producteur-scénariste, concepteur ou développeur de personnages aussi indépendants et fortes têtes que Baretta, Pappy Boyington, Hannibal Smith ou même Vinnie Terranova, le flic infiltré dans "Un flic dans la mafia", série plus réaliste et noire que le cru Cannell habituel mais dominée par la même nécessité d’opposer un code moral individuel puissant à la Justice de l’Institution, la plupart du temps défaillante voire corrompue chez Cannell.
Devenu l’incarnation de cette corruption dans "Le Rebelle" Cannell se paie donc le luxe de tirer à boulets rouges sur la quintessence de ses héros, et donc sur le modèle qu’il a contribué à renouveler durant la décennie 1980, mais fait en même temps un pied de nez à une industrie qui l’a poussé vers la sortie en rendant de plus en plus impossible son statut de producteur indépendant.
C’est ce qui confère à la série, en dépit de ficelles éculées et d’une volonté manifeste de « rester léger », un capital sympathie particulier. Sans surprise, agaçante certes par la personnalité lisse et très politiquement correcte de son héros, "Le Rebelle" assume sa fonction de divertissement en offrant dans chaque épisode action, humour et bons sentiments.
Après Le Rebelle
Orphelins du personnage de Reno Raines, Stu Segall et Richard C. Okie prolongeront l’aventure deux saisons durant en produisant et écrivant partiellement "La loi du fugitif", série qui, reprenant des bases similaires, confiera la vedette au mannequin Lucky Vanous et le rôle du méchant à G. Gordon Liddy, l’un des poseurs de micro du Watergate.
Tout en étant un décalque du "Rebelle", "La loi du fugitif" s’envisage aussi comme une forme de suite, la position du héros à l’égard des autorités institutionnelles ayant évolué mais son indépendance étant préservée par son statut d’agent free lance. Quant au remplacement de la Harley par un impressionnant poids lourd (un T-2000), elle est à l’image du lifting subi par les ficelles scénaristiques : car si "Le Rebelle" ne faisait pas dans la finesse, "La loi du fugitif" plonge avec délices dans l’invraisemblance de rebondissements hallucinants (donc jouissifs, lorsqu’ils sont réussis).
Comme Reno Raines, le héros de "18 Wheels of Justice" référence subtile au camion, sic) est flanqué de deux partenaires, un mâle et une femelle, et d’un bad guy pas piqué des vers avec lequel il entretient des relations hautement problématiques. En revanche, Segall et Okie renforcent l’aspect feuilletonnant, mettant le méchant derrière les barreaux à la fin de la première saison pour lui faire jouer durant la seconde un rôle à la Hannibal Lecter, et ne reculant pas devant les cliffhangers de fin de saison… à faire pâlir d’envie un auteur de romans-feuilletons.

A PROPOS DE STEPHEN J. CANNELL
Thierry Le Peut a consacré un article au producteur disparu en septembre 2010 et que voici : portrait de Stephen J. Cannell.

A PROPOS DE LORENZO LAMAS
Lorenzo Lamas (de son vrai nom Lamas Lorenzo y de Santos) est un acteur et réalisateur américain. Il est né le 20 janvier 1958 à Santa Monica, en Californie (États-Unis). Lorenzo est le fils de Fernando Lamas et Arlene Dahl, une actrice Américano-Norvégienne. Il est de même le beau-fils d'Esther Williams qui se maria avec son père alors qu'il était enfant.
Les premiers pas
À 13 ans, il déménage avec sa mère à New York. Il a fait ses études à l'Admiral Farragut Academy (une école militaire). Lorenzo Lamas projette ensuite de poursuivre des études à l'université de Californie pour devenir vétérinaire. Entre temps, il part voir son père qui est sur le tournage du film "The Cheap Detective". C'est là qu'il décide de devenir comédien. Il va alors étudier au Tony Barr actor's studio.
À 19 ans, il décroche le rôle de Tom Chisum dans le film "Grease" réalisé par Randall Klaiser en 1978 avec John Travolta dans le rôle principal. Il poursuivit sa carrière à la télévision notamment dans la série "Falcon Crest" créée par Earl Hamner. Elle sera diffusée du 04 décembre 1981 au 18 mai 1990 sur le réseau CBS.
Action Man
Détenteur de trois ceintures noires en taekwondo, karaté et ju-jitsu, il se met alors à tourner dans des films d'actions tels que "CIA Nom de code: Alexa" de Joseph Merhi en 1992, "Le maître d'arme" de Michael Kennedy en 1993, "Arnaque sanglante" de Rod Hewitt en 1998, etc. Entre 1992 et 1996, il joue dans la série TV "Le Rebelle" où ses connaissances en arts martiaux lui seront bénéfiques. Après l'arrêt de la série, on le retrouve en pilote privé pour les besoins de la série "Air America" créée par Philip DeGuere, et diffusée du 03 octobre 1998 et le 15 mai 1999 en syndication. Cette série s'inspirait du film tourné par Roger Spotiswoode en 1990 avec Mel Gibson.
Lorenzo Lamas poursuit en parallèle une carrière d'acteur, réalisateur et producteur. De 2004 à 2007, il a joué le rôle d'Hector Ramirez dans près de 190 épisodes de "Amour, Gloire et Beauté". En 2009, il a été la star de sa propre émission de télé réalité, "Leave it to Lamas". Cette émission mettait en scène sa vie et toute sa famille. Cette dernière décennie, on a aperçu Lorenzo Lamas dans la série "Big Time Rush" ou encore dans "Workaholics", "Jane the Virgin" et plus récemment dans "Le Successeur" en 2022.

POUR CONCLURE
- Après l’arrêt de la série, Lorenzo Lamas a déclaré au sujet de son personnage : "De toute ma carrière, c’est le travail que j’ai le plus apprécié. Ces années font partie des meilleures de ma vie. J’ai énormément appris en tant qu’acteur, plus que sur n’importe quel autre tournage. "Le Rebelle" a été une aubaine pour moi. De nos jours, tant de comédiens aimeraient avoir une telle opportunité."
- En France, "Le Rebelle" a été découverte sur Canal Jimmy, sous son titre original "Renegade", le 24 mai 1993 à 20h30. Le 06 février 1994, le motard rejoignait les dimanches de TF1, sur la case de 15h10, en lieu et place des "Enquêtes à Palm Springs". Il a également eu droit à une diffusion quotidienne, à 18 heures, au cours de l’année 1996. Il précédait "L’or à l’appel" sur la grille de la chaîne.