Par Christophe Dordain
Après avoir donné du sang à un milliardaire âgé, le pilote automobile Ben Richards apprend qu’il est doté d’une immunité naturelle le rendant invulnérable aux maladies. Pour éviter de devenir prisonnier du milliardaire, qui décide de l’enfermer pour s’assurer des transfusions régulières, Richards doit s’enfuir. Apprenant qu’il aurait un frère, Richards décide de partir à sa recherche, car il a peut-être la même particularité génétique et risque d’être capturé par le milliardaire. Mais celui qui est devenu l'immortel doit aussi éviter les sbires lancés à ses trousses par son terrible ennemi...
LES ORIGINES DE L'IMMORTEL
Selon les déclarations de Robert Specht (le créateur de la série), "L'Immortel" aurait pu ou dû être l'un des plus grands succès de l'histoire de la télévision américaine. En effet, la série était une adaptation d'un roman publié en 1962. Le téléfilm-pilote (diffusé par ABC en 1969) avait obtenu des scores d'audience plus qu'encourageants. Toutefois, lors de sa programmation hebdomadaire, "L'Immortel" ne parvint pas à obtenir le succès escompté. Aussi, la production s'arrêtera-t-elle au terme de 15 épisodes.
Pourtant, le roman de James E. Gunn présentait un matériau idéal pour une transposition télévisuelle. On y découvrait un pauvre alcoolique condamné à vendre son sang dans un hôpital. Le tout afin de gagner un peu d'argent pour acheter sa ration quotidienne de vinasse. Les docteurs découvraient alors un type sanguin inconnu jusqu'alors. Un sang capable de résister à toutes les maladies. Un sang pouvant même, l'espace d'une transfusion, redonner jeunesse et vitalité au pire des mourants.
Premier contact
Dès 1966, James E. Gunn fut contacté par le scénariste Robert Specht dans l'hypothèse d'une acquisition des droits du roman pour une adaptation au petit écran. Gunn, lui, était perplexe. Il estimait que son oeuvre, littéraire en diable, était bien trop compliquée pour devenir un téléfilm. Cela étant, l'accord finalisé, Robert Specht ne retint que la trame de base de "L'Immortel". Ainsi, transforma-t-il l'alcoolique, personnage peu séduisant pour un téléfilm, en un pilote d'essai du nom de Ben Richards. Ce dernier, participant à un don sanguin, découvrait alors la particularité de son être. Toutefois, il était simultanément confronté à un riche milliardaire, appelé John Braddock. Celui-ci est alors bien décidé à capturer Ben Richards pour le transformer en une véritable "fontaine de jouvence". De celle qui lui assurerait de fait une quasi immortalité.
Première diffusion
Incarné par Christopher George (qui venait d'achever la série "Commando du Désert", un programme conçu par Tom Gries et diffusé entre 1966 et 1968), ainsi que par Barry Sullivan dans le rôle de John Braddock, le téléfilm "L'Immortel" fut programmé dans le cadre de l'anthologie "The ABC Movie of the Week". Celle-ci est une véritable institution à la télévision américaine des années 60 et 70. Parce que grande pourvoyeuse de séries déclinées après des téléfilms aux scores d'audience spectaculaires. Théoriquement, il ne devait pas y avoir de suite. Cependant, face au succès enregistré, les studios Paramount décidèrent de la mise en chantier d'une série hebdomadaire. Une entreprise bien périlleuse s'il en est. Parce qu'elle nécessitait des scénarios de grande qualité afin d'illustrer de façon pertinente un concept initial aussi fort.
UNE PRODUCTION CHAOTIQUE
Pour le développement de la série, et face à un Barry Sullivan qui ne souhaitait pas s'engager pour un contrat de longue durée, la production fît appel à David Brian pour être le nouveau milliardaire aux trousses de Ben Richards : Arthur Maitland. Dès le début du processus de production, au début de l'année 1970, il était clair que l'influence de James E. Gunn était minimale, les producteurs, Howie Horwitz et Richard Caffey, ayant trop d'énergie à dépenser dans l'élaboration, avec les scénaristes, d'histoires bourrées d'action plutôt que de tenter d'introduire une véritable réflexion sur l'immortalité et ses conséquences tant politiques que morales.
Des dissensions majeures
Une anecdote est révélatrice de l'état d'esprit diamétralement opposé entre les producteurs et le romancier. Lors d'une rencontre organisée en mars 1970 entre Specht et Gunn, l'écrivain suggéra que l'on fasse appel à des scénaristes spécialistes de la science-fiction et du fantastique tels que Harlan Ellison, Ted Surgeon ou bien encore David Gerrold. Fin de non-recevoir de la part de la Paramount qui souhaitait orienter la série dans une autre direction. Ainsi, Anthony Wilson (futur créateur de la série "Le Magicien" avec Bill Bixby) fut-il embauché en tant que producteur exécutif et Dan Ullman au poste de superviseur des scénarios. Quant à Robert Specht, il se plia, bon gré mal gré, aux exigences du studio Paramount de concert avec le réseau ABC.
L'écueil de la grève
Cerise sur le gâteau, si on peut oser le dire, au cours de l'été 70, une grève éclata entre les scénaristes et les producteurs. Dans le cadre de ce type de mouvement social les règles sont claires : interdiction d'écrire quoi que ce soit de nouveau ! Par contre, l'utilisation, ou si vous préférez "l'adaptation", de scripts anciens était autorisé. Un des scénaristes de "L'Immortel", Jack Turley, racontait qu'Anthony Wilson fut confronté à un sérieux problème pendant la pré-production de la série quand un dirigeant du réseau ABC constata qu'une des histoires imaginées pour les aventures de Ben Richards ressemblait furieusement à un scénario de la série "Le Fugitif" avec David Janssen. Wilson fut alors dans l'obligation d'expliquer que Turley était non seulement l'auteur du scénario en question pour "Le Fugitif", mais qui l'avait repris cette trame pour "L'Immortel" ! Bref, les 15 scripts furent rédigés dans un climat de stress épouvantable provoquant un inévitable manque de cohérence dans la future série.
Un accueil mitigé
Pire ! A l'issue de la projection-test des premiers épisodes produits auprès d'un panel de téléspectateurs, et face à la tiédeur de l'accueil réservé à la future série, ABC provoqua de nombreux changements dans l'équipe de production : Richard Caffey fut remercié après deux épisodes produits et remplacé par Howie Horwitz; Dan Ullman de même dans la foulée et au profit de Stephen Kandel cette-fois. Dans un ultime sursaut, James E. Gunn proposa ses services en tant que consultant. Aucune réponse positive ne fut apportée à ce qui était pourtant une excellente initiative afin de sauver le navire alors à la dérive…
LES REACTIONS A LA DIFFUSION DE LA SERIE
Dès celle-ci, le constat peu amène envers la nouvelle série se vérifia puisque ABC avait imposé que, dans chaque épisode, le téléspectateur puisse profiter de son lot hebdomadaire de poursuites en voitures, fusillades et bagarres alors que les scénaristes auraient préféré orienter "L'Immortel" vers un programme de réflexion sur les conséquences de l'immortalité. C'est notamment sous l'impulsion d'Anthony Wilson, le producteur exécutif, que la série va présenter ce cachet si spécifique et gage de popularité d'après les dirigeants du réseau ABC en tout cas.
Des incohérences
Pendant le tournage des épisodes, Don Knight, qui incarnait Fletcher, n'était pas mécontent de la tournure scénaristique prise par la série puisque cette orientation lui donnait une importance croissance. Bien plus équivoque était la position de Christopher George qui n'acceptait pas toujours les perspectives d'évolution que les scénaristes successifs imaginaient pour Ben Richards. Cette impression de trouble fut notamment confirmée par Leslie H. Martinson, qui avait travaillé auparavant avec Ben Gazarra sur la série "Match pour la vie", et dont le concept était similaire. Selon lui, Ben Richards, au lieu d'aider l'humanité grâce à son sang, passait son temps à s'enfuir afin de ne pas être capturer par les hommes de Fletcher. De fait, "L'Immortel" fut une des premières séries de science-fiction à ne pas utiliser les effets optiques qui brillaient par leur absence au fur et à mesure des épisodes.
Mais une satisfaction que d'y participer
Un autre point de vue est à retenir, celui d’Al Francis, le directeur de la photographie, ce dernier s'étant étonné des prises de têtes des scénaristes dans leur travail d'écriture des épisodes. Al Francis, qui à la fin des années 60 avait fait partie de l'équipe technique de "Star Trek", estimait au contraire que filmer "L'Immortel" constituait une expérience passionnante avec des épisodes tournés en 5 jours et presque toujours en extérieurs (par exemple à proximité du Lac Piru en Californie). Un autre membre de l'équipe, qui trouvait largement son compte dans la série, était le cascadeur Hal Needham, qui doublait Christopher George pour les scènes les plus dangereuses, même si la vedette n'hésitait pas elle-même à mettre la main à la pâte de temps en temps.
QUE RESTE-T-IL DE L'IMMORTEL ?
Court mais bon
"L'Immortel" est devenu, au fil du temps, le prototype du programme court, à peine une saison de 15 épisodes, et qui, pourtant, a laissé une empreinte presque indélébile dans la mémoire collective des téléspectateurs notamment français. C'est ainsi que la chaîne Sci-Fi version USA a pu redonner une nouvelle vie à la série en la diffusant à la fin des années 90. Une question se pose alors : et la France ? Rien ! Ceci est d'autant plus regrettable que, à l'instar de la série western "Les Bannis" (interprétée par Don Murray et Otis Young, qui avait tant marqué les téléspectateurs français, et qui a connu une nouvelle heure de gloire en 2007 par l'intermédiaire de la chaîne Equidia suivie d'une édition en DVD grâce à Elephant Films), "L'Immortel" a eu un impact similaire dès sa première diffusion, en 1972, puis dans "La Une est à Vous", en 1974.
Pas d'édition en DVD
Par son rythme intense, par la qualité de ses comédiens avec Christopher George en tête, "L'Immortel" avait su se faire une place dans le panthéon des véritables séries-cultes, vocable trop souvent attribué avec une brutale rapidité à des programmes actuels qui ne le méritent pas toujours (une série devient vraiment culte après 20 ou 30 ans, pas après 3 ou 5 ans !), voilà pourquoi une redécouverte s'impose. Quel éditeur en DVD oserait prendre ce "grand risque" aujourd'hui ? Compte tenu de l'état actuel du marché en France, c'est quasiment impossible !
LES PERSONNAGES
Ben Richards
Il a découvert les étranges particularités de son groupe sanguin et, franchement, se serait bien passé des ennuis qui vont suivre cette découverte. Ancien pilote d'essai, il doit désormais fuir pour échapper à des milliardaires tels que Jordan Braddock et Arthur Maitland qui sont prêts à tout pour "vampiriser" son existence...
Fletcher
Il est l'éternel chasseur obsédé par la capture de Ben Richards. Homme de main du milliardaire Arthur Maitland, il bénéficie de moyens illimités qui lui sont alloués par le riche mourant.
Arthur Maitland
Un milliardaire qui veut absolument contrôler en permanence la vie de Ben Richards et le transformer en une banque de sang personnelle qui lui assurerait la longévité voire l'immortalité. Il fait croire que ses intention sont humanistes mais en fait il souhaite posséder une véritable fontaine jouvence.
Jordan Braddock
Il était le premier employé de Fletcher et le premier à connaître le caractère spécial du sang de Ben Richards.
LES COMEDIENS
Christopher George
Acteur américain, solide, bel homme au visage un peu enfantin, il était le fils d'immigrants grecs. Avec son frère Nick (un futur photographe de mode très réputé aux États-Unis), il quitta ses études secondaires pour se joindre aux corps des Marines. Complétant son éducation après son service militaire, il joua par la suite dans de nombreux commerciaux télévisés. Il remportera au New York Film Festival une récompense pour ses efforts constants.
Après s'être produit dans des pièces comme "A Streetcar Named Desire" et des films d'Howard Hawks ("El Dorado", 1965), il devint une star du petit écran grâce à son rôle dans la série télévisée "Commando du désert" (1966-68). Il fut plus tard la vedette de la série de S-F "L'Immortel" (1970-71). Par la suite, il retournera jouer pour le cinéma. Parmi ses nombreuses apparitions dans les salles obscures, on pourra retenir notamment "Chisum", réalisé par Andrew V. McLaglen en 1970, "Les voleurs de train", dirigé par Burt Kennedy en 1973, "La bataille de Midway", réalisé en 1976 par Jack Smight ainsi que "Le dernier des géants", mis en scène par Don Siegel la même année. Signalons également sa participation aux films "Frayeurs", de Lucio Fulci et "Le droit de tuer", de James Glickenhaus, en 1980, avec un Robert Ginty bien loin des "Têtes Brûlées"...
Durant les dernières années de sa vie, il apparut fréquemment dans des émissions religieuses. Il était marié à l'actrice Lynda Day George. Christopher George est brutalement décédé le 29 novembre 1983, à Los Angeles. Il avait 52 ans.
Don Knight
Originaire du Royaume-Uni, Don Knight n'aura connu qu'un bref moment de gloire avec la série "L'Immortel". Un observateur attentif pourra le reconnaître dans le film "Trop tard pour les héros", de Robert Aldrich (1970). Ou bien encore dans "La créature des marais" de Wes Craven (1982). N'oublions pas également un épisode de la série "Columbo" ("Symphonie en noir" en 1972). Ou bien encore un autre pour "La petite maison dans la prairie" ("Une longue marche" en 1974). Don Knight est décédé le 18 août 1997.
David Brian
Plus de 40 années de carrière pour ce comédien. Le type d'acteur souvent employé dans des seconds rôles. Parmi les dizaines de films qu'il a tournés, on retiendra, par exemple, "La mission du Commandant Lex", d'André de Toth (1952, aux côtés de Gary Cooper", "Ecrit dans le ciel" de William Wellman (1954), avec John Wayne, "La conquête de l'Ouest" (1963) et "Rancho Bravo" d'Andrew V. McLaglen (1966), avec James Stewart. Disparu en 1993, "L'Immortel" est la seule série régulière à laquelle il ait participé. Abstraction faite de quelques épisodes d'autres séries dont "Les Incorruptibles" et "Star Trek".
Barry Sullivan
Une figure connue du monde de la télévision. Notamment du fait de sa participation à plus 100 épisodes de séries en tant que vedette invitée. Barry Sullivan fut également la vedette d'une trentaine de films. Le tout entre 1943 et la fin des années 80. Pour la télévision, hormis sa participation à "L'Immortel", il a également participé à la série "V". Barry Sullivan nous a quittés le 06 juin 1994.
FICHE TECHNIQUE
Créée par : Robert Specht
Producteur exécutif : Anthony Wilson
Producteurs : Richard Caffey, Howie Horwitz, Lou Morheim
Producteurs associés : William J. Hole Jr., Gregg Peters
Musique : Dominic Frontiere
Supervision de la musique : Kenyon Hopkins, Leith Stevens
Directeurs de la photographie : Howard Schwartz (pilote), Merrill S. Brody, Al Francis
Directeurs artistiques : William L. Campbell (pilote), John M. Eliott, Bill Ross
Montage : David Wages (pilote), Ellsworth Hoagland, George Jay Nicholson, Robert Philips
Coordination des cascades : Hal Needham
Cascadeurs : George Orrison, Frank Orsatti, Alan Oliney, Bill Burton, Ronnie Rondell, Jr., Buddy Joe Hooker, Don "Red" Barry, Alan Gibbs, Fred Lerner, Michael Masters, Charlie Picerni
Assistants-réalisateurs : Gene De Ruelle, David Whorf, Norman August
Décors : Pierre Ludlum, Anthony D. Nealis
Maquillage : Hal Lierley
Casting : Jim Merrick, William J. Kenney
Supervision de la post-production : Edward K. Milkis
Coordination de la post-production : Carl Mahakian
Production : Paramount Television / ABC Television (1969/1970)