Par Emmanuel Francq
Pour financer la première saison de la série « L’enfer du devoir », CBS s’associa à la compagnie de télévision « New World International » vu l’importance des coûts. Mettre sur pied une série qui doit comporter de nombreuses scènes de bataille, un matériel important (hélicoptères, camions, jeeps, costumes, armes à feu, décors, tournages en extérieurs souvent coûteux) n’allait pas de soi. Par contre, la production ne rencontra pas de problèmes particuliers au niveau du casting.
UNE PRODUCTION COUTEUSE
Esprit d'équipe
Dès le départ, les acteurs se sont tous bien entendus. L’esprit de camaraderie prédominait comme à l’écran. Par contre, Zev Braun avait prévu que le premier épisode coûterait la somme de 2 millions 700.000 dollars. Somme très élevée pour un programme de télévision à l’époque. Pourtant, une somme « normale » quand on considère qu’il se devait de comporter plus de scènes de batailles spectaculaires que les épisodes suivants. Le but étant de séduire le spectateur et essayer de le fidéliser à la série. Finalement, le premier épisode ne coûta « que » 2 millions de dollars. CBS considéra à l’époque que « L’enfer du devoir » était une des séries les plus chères qu’elle ait réalisée.
Un sacré investissement
Toujours selon les prévisions de Zev Braun, chaque épisode devait coûter 1 million 100.000 dollars. Il devait être financé en coproduction par New World Television (avec un déficit estimé à 300.000 dollars pour chaque épisode). Le coût sera effectivement dépassé. Chaque épisode de la première saison coûta 1 million et demi de dollars. Un montant qui demeurera identique jusqu’à la fin de la série. Outre Ronald Schwary et Zev Braun, la série compte 9 co-producteurs actifs sur « L’enfer du devoir » durant ses trois saisons. C’est dire l’importance de cette fiction de télévision. Le tournage des 58 épisodes commença au mois de mars 1987 pour s’achever à la fin du mois de mai 1990. Le tout sans oublier les traditionnelles interruptions dues aux vacances (de fin mars à fin juin, les acteurs et techniciens se reposent ou vont travailler sur d’autres projets si leur emploi du temps le leur permet).
UNE ECRITURE DE QUALITE
Un univers cohérent
Du côté du staff d’écriture, 23 scénaristes ont rédigé les épisodes. Les maîtres d’œuvre restent Steven Philip Smith, Rick Husky, Dennis Cooper (qui avait travaillé sur « Miami Vice ») et Carol Mendelsohn. Malgré le grand nombre de scénaristes et de co-producteurs s’étant succédé, « L’enfer du devoir » a gardé une unité de style et de ton remarquables. Derrière la caméra, 20 réalisateurs différents se sont succédé pour mettre en boîte les 58 épisodes. Jim Johnston et Aaron Lipstadt avaient aussi travaillé pour « Deux flics à Miami ». Les ex-directeurs de la photographie, Stephen L. Posey et Bradford May, effectuèrent également un travail exceptionnel comme réalisateurs.
Réalisme avant tout
La série cherchait à être la plus réaliste possible. Il fallait donc un tournage dans des paysages ressemblant le plus possible à ceux du Vietnam. La première année, les producteurs avaient hésité entre la Jamaïque et Hawaï. Leur choix se porta finalement sur ce dernier état des USA car il offrait une végétation luxuriante rappelant le mieux le Sud-Est asiatique. De plus, une infrastructure de production performante existait déjà depuis une vingtaine d’années avec les séries policières « Hawaï Police d’Etat » (1968/80) puis « Magnum » (1980) avec Tom Selleck et enfin, « La loi est la loi » avec William Conrad et Joe Penny (1987/92).
Un tournage éprouvant
L’armée américaine (U.S. Army Western Command) apportera son aide aux 21 premiers épisodes de la série et se verra d’ailleurs remerciée dans le générique de fin, tout comme la Garde nationale d’Hawaï. Le tournage était difficile, comme le relate Terence Knox dans une interview à « Télé 7 jours » à la fin mai 1991 : « Nous quittions l’hôtel à 5h30 du matin pour rentrer à 9h00 du soir épuisés, et tellement sales que la direction voulait nous renvoyer parce que nous provoquions la fuite des touristes. Il y avait la chaleur, la poussière et c’était une course contre la montre. » Le comédien se souvient encore d’un incident survenu lors du tournage, dans une interview à « Ciné-Télé Revue » en mai 1991 : « Un jour, une pluie torrentielle a tout emporté : le village (monté à Hawaï), les comédiens, les techniciens… Des vrais soldats sont venus nous sortir de la boue. Ils ont eu un sourire amusé en nous voyant en uniforme ! »
DES DEBUTS DIFFICILES
Malgré le soutien de Kim LeMasters, « L’enfer du devoir » n’a pas été programmée dans une case horaire adaptée. Pour sa 1ère saison, elle s’est retrouvée le jeudi soir à 20h00 face à une concurrence quasiment impossible à battre : « The Cosby show » (même « Magnum », également sur CBS, y a laissé des plumes quand il fut mis face au sitcom). « The Cosby show » était le n°1 des séries parmi les plus regardées aux Etats-Unis et ce pendant des années.
Au départ, les producteurs n’envisagèrent qu’une seule saison d’une vingtaine d’épisodes, la série rencontrant un succès mitigé avec des audiences correctes sans plus. Vu les coûts trop importants des extérieurs à Hawaï (pour simuler la jungle vietnamienne) au regard de l’accueil moyen réservé par le public américain, la production déménagea pour Los Angeles et reconstitua en studio quelques rues de la ville de Saïgon et un hôpital. Cette décision inquiéta toute l’équipe à l’époque, comme l’expliqua Terence Knox à « Ciné-Télé Revue » en 1990 : « Les paysages d’Hawaï ressemblent tellement à ceux du Vietnam. Ce qui a fait notre succès, c’est le côté réaliste. En déménageant d’Hawaï en Californie, nous avons craint de le perdre, ce que nous ne voulions surtout pas ! »
UNE SECONDE SAISON DETERMINANTE
Mais devant le succès rencontré à l’étranger (en Australie et en Europe surtout), la production « rempila » à l’entame de la deuxième saison. En effet, la concurrence sur ABC contre-attaqua avec « China Beach » dès 1988. Une série suivant le quotidien d’infirmières sur le front au Vietnam. « L’enfer du devoir » risquait de voir partir le public féminin qu’elle avait réussi à fidéliser via quelques personnages introduits en fin de 1ère saison. Un changement mais aussi une déception. Passer de la description de la vie quotidienne d’un combattant moyen dans une section d’infanterie (saison 1) à un show mélangeant action, romance et drame, avait de quoi déconcerter.
Pour autant, cette seconde saison n’est pas dénuée d’intérêt. En effet, il faut souligner que l’aspect psychologique de la guerre y est analysé de façon intéressante. Les nouveaux personnages féminins (la correspondante de guerre Alex Devlin et la psychiatre Jennifer Seymour) ne sont pas de simples faire-valoir. Bien écrites et interprétées, elles apportent un indéniable « + » à la distribution. Cette dernière est également complétée par le Lieutenant McKay. Un beau gosse assez frimeur mais attachant au final. A nouveau, le créneau horaire choisi par CBS n’aida pas la série. Pour sa 2ème saison, elle a été programmée le samedi à 20h00 face à « China Beach », sa rivale sur ABC. Les deux séries n’ont jamais été des cartons d’audience. La nouvelle orientation prise pour la seconde saison de « L’enfer du devoir », vu sa réception mitigée, se devait d’être changée.
UNE TROISIEME SAISON CHANT DU CYGNE
Toujours tournée à Los Angeles pour réduire les coûts, la 3ème et dernière saison a de nouveau changé de case horaire. Ainsi est-elle programmée le dimanche soir de 21h à 22h sur CBS (également un jour de faible écoute). Malgré le retour de meilleures audiences, elles restaient insuffisantes sur le territoire américain pour la maintenir à l’antenne. Même avec la collection de talents réunis pour cette série exceptionnelle, conjugués à la stabilité des coûts et la modération des dépenses, CBS ne renouvela pas « L’enfer du devoir » pour une 4ème saison. Outre son manque de rentabilité, elle ne bénéficia pas d’un créneau horaire de programmation susceptible de l’aider à devenir un grand succès. On constate combien une bonne programmation horaire permet d’assurer ou non la pérennité d’une série. La mauvaise conscience américaine encore récente n’aura sans doute pas aidé la série non plus. Beaucoup préférant oublier ce qu’on appelle la « sale guerre ».
En France, « L’enfer du devoir » aura fait les beaux jours de la défunte chaîne La Cinq entre 1988 et 1991. La série a été diffusée et rediffusée de nombreuses fois. Hélas dans un ordre parfois totalement anarchique comme cela se faisait sur d’autres chaînes. Jusqu’au bout, La Cinq a proposé les inédits. Elle a diffusé l’intégralité de la série avant de disparaître de l’antenne en 1992. Ensuite, M6 a pris le relais en rediffusant la série dans les années 90. La chaîne a même commercialisé des cassettes vidéo avec les 8 premiers épisodes de la 1ère saison.