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Ozark : La série

La noirceur sauvage du fric et de la famille

Par Emmanuel Francq


Parmi la pléthore de séries très moyennes, sur le mode « vite content », qu'aura proposé la plateforme Netflix depuis plusieurs années, il y a heureusement encore de la qualité avec ce récit original qui aura compté trois saisons. Panorama de la série depuis ses débuts en 2017.

Un conseiller financier de Chicago découvre qu’il travaillait, sans le savoir, pour les cartels mexicains de la drogue. Pour garder la vie sauve, il propose à un des hommes de main de partir dans une région sauvage, les Ozark dans le Missouri, afin d’y blanchir l’argent de la drogue. Pari dangereux.

Saison 1 à 3 - 10 épisodes par saison. Avec Jason Bateman, Laura Linney, Julia Garner, Lisa Emery


Depuis 2017, "Ozark" ne cesse d’étonner. A priori, son pitch paraît banal. Aussi, est-on en droit de se demander comment les scénaristes vont réussir à pondre plusieurs saisons. Et pourtant, ils y arrivent… Tout d’abord, une famille en perdition. Le couple formé par Marty et Wendy Byrde ne s’aime plus (Jason Bateman et Laura Linney, excellents). Celle-ci le trompe. Jusque-là, rien d’original. Ensuite, une histoire de drogue et de blanchiment d’argent. Là aussi, rien de neuf.

Enfin et là ça commence à devenir mieux. Un cadre inédit comme lieu d’action. En l'occurrence, les monts Ozark. Des plateaux montagneux s’étendant sur plusieurs états d’Amérique (Missouri, Arkansas, Oklahoma et Kansas). La région se caractérise par une grande variété de lacs et de forêts, au caractère sauvage et rude, à l’image de ce que vont vivre les Byrde.

Les voilà donc partis avec leurs deux enfants, Charlotte, blondinette égocentrique, et Jonah, un « geek » sensible. La première saison met en place le cadre et fait peser la menace constante des hommes de main des cartels mexicains sur la famille Byrde. Contraint de s’unir face à l’adversité, le clan se ressoude et fait face, affrontant moult dangers lors d’un final imprévisible et surprenant.

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Le casting principal de la série / Crédit photo : Netflix

La seconde saison les confronte à deux autres trafiquants, les Snell (dans le rôle de Jacob, le succulent et flippant Joe Mullan du "My name is Joe" de Ken Loach). Crescendo et affrontement final digne d’un western mais psychologique. Enfin, dans la troisième et dernière saison (qui fut rendue disponible en 27 mars 2020), la famille voyait débarquer Ben Davis (Tom Pelphrey), le frère de Wendy Byrde. Professeur de lycée dévoué, Ben a l’inconvénient d’être schizophrène et surtout, de ne pas se soigner. Voilà qui plonge la famille dans l’embarras quand il se met en tête de venger d’une brute mafieuse sa nouvelle dulcinée, Ruth Langmore (Julia Garner), petite frappe locale au service des Byrde et « au potentiel criminel inexploité » comme la décrit un flic avec humour au début de la série.

Ce qu’il y a de fascinant dans "Ozark", outre son cadre, c’est la noirceur qu’elle dégage, digne des meilleurs films noirs. On sent que l’équipe de scénaristes sait mener un récit sans longs dialogues, ni effets démonstratifs. Aussi, parviennent-ils à installer une ambiance vénéneuse et envoûtante, où nul espoir ne pointe. Seules les apparences comptent. Et pour cause, un mot de travers, un geste déplacé et c’est la mort assurée.

Les scénaristes font très bien sentir le côté éphémère de la vie quand des personnages disparaissent comme ça, boum !, d’un coup, sans prévenir. Les Byrde croisent d’ailleurs toute une série d’énergumènes, sympathiques comme totalement inquiétants. On pense parfois à l’excellente "Justified" (2010/2015) d’après Elmore Leonard qui plongeait son héros dans un bled paumé du Kentucky où il frayait avec une série de bouseux aussi loufoques que vicieux.

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Crédit photo : Netflix

Les grincheux rétorqueront qu’"Ozark" est d’une lenteur irritante et se complaît dans la peinture d’une série de personnages déshumanisés où tout est glacial et sans surprises. La froideur de ton des images, insistant sur le bleu et le vert, pourrait laisser penser ça. Mais derrière Marty se cache un homme qui aime vraiment sa famille et s’inquiète pour elle, redoublant d’efforts pour sauver leur tête à tous.

Le comédien Jason Bateman, plutôt habitué aux rôles comiques ("Hancock"), se révèle épatant dans le registre dramatique et réalise d’ailleurs plusieurs épisodes, totalement impliqué dans l’aventure. Malgré son côté petite peste, Ruth Langmore cache un grand cœur, tout en ne se laissant pas faire. Quant à Wendy Byrde, par moments agaçante à souhait, elle fait son possible pour ne pas se laisser dévorer par son égoïsme. Et leurs enfants doivent apprendre à devenir matures avant l’âge, déployant des ressources insoupçonnées.

La troisième saison apporte encore un regain d’humanisme avec le personnage de Ben Davis, que la série prend le temps de décrire et d’explorer. Un homme qui, malgré ses défauts, se révèle terriblement attachant mais rapidement dépassé par les événements et à la dérive. Peut-être peut-on sentir un premier signe d’essoufflement dans cette dernière salve où les enjeux semblent assez flous et n’offre pas de méchants à la hauteur des « héros », parfois trop contemplative et pas assez relevée, en comparaison avec les saisons précédentes. Qu’importe, on retrouve toujours cet univers avec un plaisir coupable. "Ozark" reste une série à voir et qui mérite certainement une place de choix parmi vos soirées et autres moments de détente.

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