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Intrigues à Hawaï avec Robert Conrad : La série

Par Thierry Le Peut

Bien qu’étant officiellement devenu Territoire américain en 1900, sous le président William McKinley, Hawaï n’apporta une cinquantième étoile au drapeau américain que le 21 août 1959. Puis, ce n’est qu’un petit peu plus d’un mois plus tard que l’archipel devient le cadre exotique d’une nouvelle série titrée "Hawaiian Eye" "("Intrigues à Hawaï" en français) également diffusée sous le titre "Diamond Head". En l'espèce, l’idée des producteurs, William T. Orr en tête était développer des intrigues policières classiques. Le tout sur fond de hula et de palmiers ensoleillés. Sans oublier toutefois de reprendre le schéma standard du tandem de détectives.

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Le casting de la saison 1 / Crédits photo : Warner Bros. Television / ABC Television
UNE PRODUCTION WARNER BROS.
Une série dérivée

"Intrigues à Hawaï" est en réalité un spin-off, une série dérivée si vous préférez, de l’un des succès de la Warner Bros. de l’époque : "77 Sunset Strip". Créée par Roy Huggins, le futur créateur du célèbre "Fugitif", celle-ci mettait en scène deux enquêteurs, Stu Bailey (héros d’un roman de Huggins) et Jeff Spencer, lesquels se passaient le relais de semaine en semaine en occupant tour à tour le premier plan d’une histoire, ce qui permettait de tourner plus d’épisodes en une saison que pour une série classique.

A l’époque, "77 Sunset Strip" inaugurait en quelque sorte le policier d’une heure, la moyenne étant encore une demi-heure par épisode, comme "Peter Gunn", "Bonne chance M. Lucky" avec John Vyvian et Ross Martin ou "Johnny Staccato" avec John Cassavetes. Très vite, nous raconte la petite histoire de la télé, Huggins entra en conflit avec le producteur William T. Orr sur la tonalité dominante de la série, Orr voulant introduire de la comédie là où Huggins souhaitait un programme réaliste.

William T. Orr à la barre

C’est le premier qui gagna, imposant le personnage de Kookie, un teenager blond qu’incarnait Edd Byrnes, très vite propulsé au rang de star adulée de la série. A noter que le héros, Stu Bailey, était interprété, lui, par Efrem Zimbalist Jr, père de Stephanie qui deviendrait bien plus tard l’héroïne de "Remington Steele", également future vedette de "Sur la Piste du crime", l’une des productions phares de Quinn Martin dans les années soixante.

"77 Sunset Strip" allait durer six ans, d’octobre 1958 à février 1964, et encourager la Warner à lancer plusieurs séries dérivées du même schéma. C’est ainsi qu’apparurent successivement "Bourbon Street Beat", interrompue au bout de 39 épisodes (une seule saison), "Intrigues à Hawaï" et "Surfside 6". Cette dernière dura deux saisons et 74 épisodes mais la plus populaire fut "Intrigues à Hawaï" : quatre saisons et 134 épisodes.

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Robert Conrad et Connie Stevens / Crédits photo : Warner Bros. Television / ABC Television
PRIVES BON CHIC BON GENRE
Le lancement

C’est le 7 octobre 1959 que fut diffusé le premier épisode de cette série, intitulé "Malihini Holiday", sur le réseau ABC. A la même heure le mercredi soir, de 9 à 10 heures, CBS programmait la série "The Millionaire" et NBC le "Perry Como’s Kraft Music Hall". La série ne changera de case que pour la dernière saison, 1962-1963, se déplaçant au mardi soir de 8 h 30 à 9 h 30.

Dès le premier épisode, Efrem Zimbalist Jr apparaît dans le rôle de Stu Bailey, introduisant les nouveaux personnages comme le feront, bien longtemps après lui, Bobby Ewing dans "Côte Ouest" ou Kelly dans "Melrose Place". Cinq jours plus tôt, cependant, l’un des héros de la nouvelle série, Tom Lopaka, était apparu dans l’épisode "Only Zeroes Count" de la série-mère, préparant déjà le terrain.

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Anthony Eisley / Crédits photo : Warner Bros. Television / ABC Television
Une formule éprouvée

La formule de "Intrigues à Hawaï" est identique à celle de "77 Sunset Strip" : deux héros bien de leur personne et indépendants, de jolies filles et un faire-valoir comique, en l’occurrence le chauffeur de taxi joueur de ukulele, Kim, qui a l’avantage d’avoir une famille nombreuse disséminée dans l’archipel et toujours prête à donner un coup de main.

Les détectives se nomment cette fois Tom Lopaka (Robert Conrad) et Tracy Steele (Anthony Eisley), un ancien policier, et ont leur bureau dans un hôtel de luxe, le Hawaiian Village Hotel. Outre le précieux Kim, ils disposent d’un atout de charme en la personne de Cricket, chanteuse et photographe interprétée par l’actrice Connie Stevens, alors débutante mais déjà vue dans deux épisodes de "77 Sunset Strip", en 1958 et 1959.

Un duo gagnant

Le tandem de "Intrigues à Hawaï" était incarné par deux acteurs quasiment inconnus. Le premier, Anthony Eisley (de son vrai nom Fred Eisley), était apparu dans une courte série, "Bonino", en 1953. Les adeptes des "Envahisseurs" se souviennent probablement de lui dans le rôle de l’un des « Believers », dans deux épisodes de la série, "Les Défenseurs" et "La rançon". Son acolyte, en revanche, est autrement plus connu, même si, âgé de vingt-quatre ans en 1959, il faisait alors ses débuts...

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Robert Conrad / Crédits photo : Warner Bros. Television / ABC Television
ET ROBERT CONRAD DEVINT UNE STAR

De son vrai nom Konrad Robert Falkowski, Robert Conrad se fît remarquer, dit-on, du producteur William T. Orr en accompagnant une actrice à une audition. Il fut ainsi le premier acteur engagé pour "Intrigues à Hawaï", qui allait lui apporter une notoriété suffisante pour le propulser quelques années plus tard à la tête d’une autre série, universellement connue celle-là : "Les Mystères de l’Ouest".

Les premiers pas

Pour l’heure, cependant, notre jeune comédien n’était apparu que dans quelques épisodes de séries, notamment du catalogue Warner, avec laquelle il était sous contrat : "Maverick", "Lawman", "Colt 45", et un film intitulé "Thundering Jets". Membre, pendant un temps, d’un trio de jazz, livreur, ouvrier sur un chantier naval, Conrad s’était intéressé à la comédie en se disant qu’il pouvait faire mieux que certains acteurs qu’il voyait se produire.

Le contrat avec la Warner

Sa rencontre avec Nick Adams, vedette de la série "The Rebel", lui mit le pied à l’étrier : Adams en effet lui permit d’obtenir une carte de la Guilde des Acteurs et lui trouva un agent, Henry Rackin. Celui-ci, directeur de casting aux Ziv Studios, le fit engager pour de petits rôles dans les séries "Sea Hunt", "Bat Masterson" et "Highway Patrol" (l’ancêtre de "CHiPs", avec Broderick Crawford). Puis ce fut le contrat avec la Warner, studio pour lequel le comédien avait toujours rêvé de travailler ! Pour jouer Thomas Jefferson Lopaka (on appréciera l’alliance de l’américanité et de l’exotisme dans le choix du nom...), Conrad toucha d’abord 250 dollars par épisode, puis 315 lorsque la série trouva son public.

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Robert Conrad et Connie Stevens / Crédits photo : Warner Bros. Television / ABC Television
UNE DISTRIBUTION ARTISTIQUE DE QUALITE
Troy Donahue

Le départ d’Anthony Eisley à la fin de la troisième saison entraîna en 1962 l’arrivée d’un nouveau personnage, Philip Barton, incarné par Troy Donahue qui venait de tenir la vedette dans une autre série Warner, "Surfside 6", elle aussi dans la mouvance de "77 Sunset Strip". Sensiblement du même âge que Conrad, Donahue avait débuté au cinéma en 1957 et interprété plusieurs rôles de jeunes premiers avant d’apparaître dans plusieurs séries, dont "Rawhide", "Maverick", "Colt 45", "La Grande Caravane" et, en 1960, "77 Sunset Strip".

Connie Stevens

Seule femme de la série (régulière tout au moins, car la gent féminine était l’un des atouts maîtres du programme), Connie Stevens avait débuté pour la Warner en 1957. Elle aussi se fit les dents sur deux épisodes de "77 Sunset Strip" avant d’interpréter le rôle de Cricket Blake. Elle fut également la partenaire de Troy Donahue dans les films "Parrish" et "Susan Slade" en 1961 et tous deux figurent en 1963 au générique de "Palm Springs Weekend" avec... Robert Conrad ! Bref, le monde est petit...

Grant Williams

Un petit monde auquel se rattache également Grant Williams, alias "L’Homme qui rétrécit au cinéma" (en 1957) mais aussi partenaire de la blonde Connie Stevens et de Troy Donahue dans "Susan Slade". Williams était par ailleurs rodé aux séries puisqu’avant de compléter l’équipe de "Intrigues à Hawaï" en décembre 1960, dans le rôle du détective Greg MacKenzie, il était apparu dans "Gunsmoke", "Texas John Slaughter" (une production Disney diffusée chez nous dans le Disney Channel de France 3) et "Bonanza" entre autres.

Autour du trio

Le casting régulier de "Intrigues à Hawaï" était complété par des acteurs peu connus dont deux d’origine hawaiienne, Poncie Ponce et Douglas Mossman. Tout d'abord, le premier prêtait vie au chauffeur de taxi Kazuo Kim. Tandis que le second incarnait un autre acolyte des détectives, Moke. Douglas Mossman tiendra également un rôle régulier dans "Hawaï Police d’Etat", celui de Frank Kemana, en plus d’apparitions dans une poignée d’épisodes, et on le retrouvera plus tard dans "Magnum" et "Waikiki Ouest".

Quant au troisième larron, Mel Prestige, qui interprétait l’allié « officiel » des héros, le Lieutenant Danny Quon, il n’a guère laissé de traces dans le paysage télévisuel mais on peut mentionner au moins sa contribution en 1978 au téléfilm "Retour à Gilligan’s Island", « revival » d’une série mythique aux USA mais inédite chez nous.

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Le casting de la saison / Crédits photo : Warner Bros. Television / ABC Television
DE L'AUTRE COTE DES ETOILES
William T. Orr

Il est le producteur exécutif de "Intrigues à Hawaï", est l’homme qui sut gérer le succès de "77 Sunset Strip" en introduisant le personnage comique de Kookie. Ceci provoquera le départ du créateur de la série, Roy Huggins. On le retrouve donc, très logiquement, aux commandes des produits dérivés que furent "Bourbon Street Beat" et "Surfside 6" mais également, avant cela, au poste de producteur exécutif de nombreuses autres séries ("Cheyenne", "Casablanca" et "King’s Row" en 1955, "Conflict" en 1956, "Sugarfoot", "Maverick" et "Colt 45" en 1957 et enfin "Bronco" et "Lawman" en 1958). Jusqu’en 1965, il continuera de produire des séries pour la Warner, parmi lesquelles "The Alaskans", "The Gallant Men", "Temple Houston" et "F Troop".

Ed Jurist

Il est, lui, le producteur de la série. Puis, il se signalera plus tard en écrivant ou co-écrivant environ 54 épisodes de "Ma Sorcière bien-aimée". Ou bien encore en contribuant également, au début des années 70, à la série "MASH". Au rayon « collaborateurs de l’ombre » de "Intrigues à Hawaï", on signalera encore la présence de scénaristes dont le nom sera associé à d’autres productions notables du petit écran. Citons notamment Philip Saltzman, Lee Loeb, Sam Ross et Robert Hamner, qui travailleront tous sur "Le Fugitif" pour Roy Huggins.

Derrière la caméra

Les réalisateurs sont pour beaucoup d’entre eux connus des amateurs éclairés de séries. On retiendra par exemple Irving J. Moore, Richard Sarafian, Robert Sparr, Charles Rondeau contribueront par la suite à la production des "Mystères de l’Ouest". Mais aussi Leslie H. Martinson qui travaillera sur "Batman" ou "Dallas". Enfin, on mentionnera Robert Douglas qui sera très actif sur "Les Rues de San Francisco". Quant à l’un d’entre eux, un certain Robert Altman, il fera la carrière que l’on sait au cinéma.

La musique du générique

Un mot encore, sur le thème musical de la série, que les curieux peuvent entendre sur un CD anglo-saxon, Television’s Greatest Hits Volume II (TeeVee Toons). D’un exotisme assez... étonnant, il fut composé par le tandem Mack David / Jerry Livingston. Ce dernier prêta son concours aux chansons d’"Alice au pays des Merveilles" et de "Cendrillon". Par la suite, il signa également les thèmes de "77 Sunset Strip", "Bourbon Street Beat" et "Surfside 6". On rappellera de même leurs contributions pour les séries "Cheyenne", "Bronco" et "The Alaskans".

Concluons en précisant que la série "Intrigues à Hawaï" est demeurée inconnue en France. Toutefois, ce premier grand succès de Robert Conrad aura quand même bénéficié d'une diffusion à destination d'une partie du public hexagonal qui pouvait la recevoir. C'était sur la chaîne RTL dans les années 60/70.

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