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Bienvenue à Wrexham : La série

Par Yaël Djender

 

Diffusée depuis août 2022 sur Disney+, la série-documentaire "Bienvenue à Wrexham" raconte le rachat d’un club de football de seconde zone par Ryan Reynolds et son compère. Ces deux derniers s’immiscent dans l’économie du football tout en gardant une grande empathie pour ses intervenants. Un vrai caviar !

C’était LE fait de jeu de l’année 2020. En plein cœur de la pandémie, et sans qu’aucune information ne filtre en amont, les acteurs Ryan Reynolds (Deadpool) et Rob McElhenney (Philadelphia) se portaient acquéreurs… D’un club de football. De cinquième division. Au Royaume-Uni. Sans que ni l’un, ni l’autre, n’ait de connaissances sur la discipline. Entrait ainsi dans leur propriété le Wrexham FC, véritable institution galloise aujourd’hui en déperdition. Car si l’équipe s’était autrefois stabilisée en Championship (deuxième division anglaise, ndlr), de terribles erreurs de gestion ont récemment manqué de lui porter le coup de grâce.

Voilà qui explique pourquoi les attentes étaient si grandes autour des deux néo-propriétaires. Et les craintes aussi. Le club était, au moment de sa reprise, entre les mains des fans, scrutant avec beaucoup d’attention le profil des candidats à leur succession. C’est là que commence vraiment la série. Puisque nos deux comédiens, plus que des vedettes du rire, s’affichent enfin en businessmen réfléchis. Ils sont d’ailleurs d’emblée très clairs sur leurs ambitions, sportives d’abord : une montée à court terme, une stabilisation à moyen terme, puis de nouvelles montées à long terme. Ils se montrent aussi très directs sur leurs intérêts purement financiers : semer pour récolter. Les bases sont posées. Le coup d’envoi peut être donné.

 

Le football pour les nuls

La série "Bienvenue à Wrexham" excelle d’abord en ce qu’elle nous met vraiment dans la peau de ses principaux protagonistes. Jusqu’à nous faire partager leur ignorance. Conçu pour un public américain, peu familier du ballon rond, le fil des épisodes se regarde comme une encyclopédie vidéo du foot. Et chaque volume, par petites touches (et non sans un brin d’humour), explique à son public ce qu’est un mercato, une relégation ou encore un penalty. L’intention, tout comme sa mise en œuvre, est louable. Car ce mode de fonctionnement, en donnant augure de l’évolution des connaissances de Reynolds et McElhenney, embarque tout le monde avec lui. Les néophytes s’identifieront. Les confirmés rigoleront. Chacun y trouvera son compte.

Mais la mission de "Bienvenue à Wrexham" reste tout de même de parler gros sous. La reprise d’un club sportif déchaîne souvent les passions quant aux montants astronomiques des dépenses engendrées. De ce point de vue, le show est sans filtre (ou presque). Salaires, budget, frais, dépassements… Tout est abordé en long, en large et en travers. Cette grande transparence en matière financière profite encore à tous. Elle est à la fois une nouvelle clé de lecture du monde du sport et une analyse des ressources qui permettent son fonctionnement. Les connaisseurs n’apprendront certainement rien. Mais ils devraient apprécier le divertissement que constituent les discussions de la direction expérimentée du club avec leurs acquéreurs, souvent hors-sol footballistiquement.

 

À fond les émotions !

Malgré des qualités sportives indéniables, c’est dans son aspect créatif que le documentaire reste le meilleur. Un ton décalé, des invités de marque et une grande importance donnée à la ville de Wrexham en font une expérience qui mérite d’être vécue. Exemple parmi tant d’autres, l’épisode 7 sur l’histoire du Pays de Galles se passe totalement de football pendant une demi-heure et réussit à nous faire sourire, tout en mettant largement en valeur la culture galloise. Ce triomphe est assez nettement à mettre au compte de nos deux zigotos, qui imprègnent sérieusement les épisodes (et le club) de leur personnalité.

Le ton monte d’ailleurs jusque dans le très jovial, pour descendre aussitôt jusqu’aux moments Kleenex. Et là aussi, l’émotion est vive. Quand la parole est donnée à ceux qui vivent pour ce club et le fond vivre, aucun écran ne saurait empêcher ni l’empathie, ni la compassion de s’exprimer. Le cœur de la ville bat au rythme du football, c’est une évidence. Ses habitants en ont souffert, cela se voit. Alors faire s’exprimer des profils différents à travers tous les fans du club – du plus vieux supporter encore en vie au gérant du bar d’à côté – sonne comme un vibrant hommage au foot populaire. Et quel hommage.

Finalement, "Bienvenue à Wrexham" transcende sa nature de documentaire pour être une expérience humaine avant tout. Comment lui en vouloir ? Chaque action filmée, sur comme en dehors du terrain, se vit à deux mille à l’heure. Les discussions à la tête du club font de nous des dirigeants d’un jour. Celle avec les fans, des bénévoles à distance. On est avec eux. C’est indéniable. Au fur et à mesure que les épisodes passent, on devient progressivement plus épris de cette ville. De ces gens. De ce club. On se surprend même parfois à encourager l’équipe, à célébrer les buts ou à sourire après une victoire. C’est bête, mais c’est pourtant ce qui fait de cette série un véhicule si efficace de l’émotion procurée par le sport. Espérons maintenant que le Wrexham AFC retrouve sa superbe d’antan. Nul doute en tout cas que ses supporters, eux, ne l’ont jamais perdue...