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Chernobyl : La série

Par David Mauqui

 

26 avril 1986, 1 heure 30 du matin. La population de Prypiat est réveillée par une explosion à quelques kilomètres. Celle-ci vient de la centrale nucléaire Vladimir Ilivitch Lénine qui deviendra bientôt connue dans le monde entier sous le nom traditionnel du site : Chernobyl (Merle Noir). Ainsi, de leurs fenêtres, ils aperçoivent une colonne bleue s’élevant dans le ciel comme un phare merveilleux. La cause n’est autre que le rayonnement du cœur d’un réacteur mis à nu. Ce dernier vomissant dans l’atmosphère un flot continu de particules nucléaires.

Réunis en urgence, les autorités de la centrale refusent d’admettre l’évidence. Ils envoient des pompiers maîtriser l’incendie, car il est dit que « Le réacteur ne peut pas exploser ». Cette phrase, plantée dans les crânes et répétée comme un mantra fait sens jusque dans les lèvres du professeur Valery Legasov. Celui-ci sera dépêché sur place pour constater l’étendue des dégâts. En attendant, on envoie des techniciens sur le toit pour rapporter ce que ces derniers savent déjà. Pendant ce temps, les soldats du feu manipulent des lances à incendie dérisoires au milieu des débris de graphite chargés de plutonium. Ils mettront plus de deux semaines à agoniser pour certains. Les plus chanceux seront morts en quelques heures.

Voici à peu près comment débutait cette mini-série, "Chernobyl". Entre documentaire et enquête policière. Elle nous permettait de revivre dans nos fauteuils la plus grande catastrophe industrielle de l’histoire de l’humanité. Notamment à une époque ou personne n’avait réellement idée de ses conséquences à court comme à long terme. Le tout dans un contexte à présent oublié de guerre froide. Une époque où on pensait que la menace nucléaire frapperait du ciel et non de la terre.

On y découvre des situations qui pourraient faire rire si ce ne sont les conséquences désastreuses (en ces temps de guerre en Ukraine, cela vous parle, non ?). Tout d'abord, avec des discours idéologiques alors que la vie de millions de personnes est en jeu. Ou bien encore par les travers d’une communication faussée par les rapports de pouvoir. De surcroît s'y ajoutent les ambitions et les vanités personnelles que même le paradis communiste de l’empire soviétique n’aura pas su éradiquer. On y découvre qu’au final, un chef reste un chef et un abruti un abruti ! Qu’il soit communiste, capitaliste ou socio-libéral.

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Crédit photo : HBO.

Chaque séquence, chaque phrase prononcée se recoupe avec les données qui sont aujourd’hui accessibles. Notamment celles qui furent, pendant plus d’une décennie, conservées dans les archives du KGB. Il faut insister sur le fait que l'on en doit la révélation qu’à Valery Legasov. Il déposa ses mémoires dans une ambassade avant de se donner la mort le 26 avril 1988, deux ans jour pour jour après le début de la catastrophe. Suicide commis pour que son message soit entendu. Parce qu’il était convaincu qu’un nouvel incident n’était pas une question de « si » mais de « quand ». 

Seules quelques séquences ont été romancées pour l’intérêt dramatique et l’écriture du scénario. Ainsi les débats du procès final (quand on sait qu’on disposait des enregistrements intégraux des conversations qui avaient lieu dans la salle de contrôle de la centrale). Il est de même concernant le personnage d’Emily Watson, Ulana Khomyuk, est une invention. Il faut remarquer qu'elle a été conçue pour rendre hommage aux dizaines de scientifiques qui travaillèrent à ses côtés. Ceux qui contribuèrent à établir la vérité au péril de leur vie.

La série "Chernobyl" fut produite pour ne jamais oublier l’histoire d’une catastrophe impossible mais qui devait nécessairement arriver, symbole de la toute puissance d’un système politique et également de son agonie. Ne pas oublier pour deux raisons : parce que cela peut arriver à nouveau, et ce sera le cas de Fukushima en 2011 comme ce le fut à Three Miles Island en 1979. Mais également parce que Tchernobyl appartient désormais au patrimoine de l’humanité, tel un monstre prêt à dévorer le monde pour des millions d’années emprisonné dans un sarcophage prévu pour le siècle à venir, tandis que nous nous enterrons peu à peu dans un entassement de déchets radioactifs et des centrales dont le démantèlement n’a jamais été réfléchi pour pierres tombales.

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