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Euphoria : Les extrêmes d’une jeunesse

Par Sophie Chomel

Depuis quelques jours, le dernier épisode de la seconde saison d’"Euphoria" est disponible sur la plateforme OCS. Voici donc une occasion pour vous en parler dans un condensé résumant ainsi les 18 épisodes. Sam Levinson, bien qu’il avait totalement maîtrisé sa première saison, n’a malheureusement pas réussi à convaincre son public une seconde fois.

Rappelons-le ici : "Euphoria", c’est l’histoire de Rue, une jeune adolescente déprimée qui se drogue abondamment depuis la mort de son père. Elle est la narratrice de cette histoire. Au travers de son récit, elle nous parle des camarades de son établissement scolaire.

Les traumatismes de jeunes adolescents

"Euphoria" traite une multitude de vices et de traumatismes que peuvent subir de jeunes adolescents. Les drogues, les violences qu’elles soient morales, physiques ou encore sexuelles, la recherche de soi et notamment la question de la transidentité. Il y a aussi le manque de confiance en soi, la toxicité masculine, la solitude, ou encore la dépression, etc. La particularité de ce récit réside dans son traitement direct des blessures juvéniles.

"Euphoria" est découpée de façon biographique, ce qui permet à chaque épisode de mettre l’accent sur un protagoniste. Tout ceci s’accompagne d’un récapitulatif de l’histoire. Ce que la première saison faisait à merveille, mais qui malheureusement ne se retrouve pas dans cette nouvelle saison. En effet, il s’agit d’une suite qui poursuit convenablement l’histoire là où celle-ci s’était arrêtée. Cette fois-ci d’une façon beaucoup plus lente et désordonnée. De ce fait, la profondeur scénaristique à laquelle une multitude de personnages est confrontée n’est pas réellement respectée dans cette seconde partie. Certains protagonistes stagnent dans leur évolution pour divertir le spectateur. Tel est notamment le cas pour des personnages tels que Kat, Maddy ou encore Nate. 

Un univers visuel mémorable

Par le style de Sam Levinson, la photographie est digne d’une euphorie si nous reprenons respectivement le titre de la série. L’esthétique visuelle est très soignée, que ce soit par des mouvements de caméra clean nous permettant de suivre correctement l’action, ou encore par des plans-séquences. L’ensemble nous entraîne alors dans une immersion totale, notamment lors des scènes nocturnes, de fêtes dans les premiers épisodes.

Les couleurs demeurent en mémoire notamment par l’utilisation de néons de couleurs bleues, violets, des couleurs assez froides, ce qui retranscrit bien le ton de l’œuvre. Cela met en lumière une certaine négativité et un mal-être que l’on ressent ouvertement.

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Zendaya - Copyright FR_tmdb

Cependant, ces ressentis sont inexistants dans la seconde saison. Malgré tout, des références majeures sont visibles dans la série qui sont jouées par le personnage de Rue et Jules. Une scène de "Titanic" (James Cameron), une scène de "Ghost" (Jerry Zucker) mais aussi l’œuvre la naissance de Vénus peinte par Sandro Botticelli ou encore Cassie incarnant l’une des scènes du film psychologique "Midsommar" (Ari Aster). Cet hommage au cinéma est plaisant. Malheureusement l’équilibre entre fond et forme, bien que présent dans la première partie de cette histoire, n’est pas au rendez-vous dans cette seconde partie.

Glamourisation ou dénonciation ?

"Euphoria" est une série très ouverte et, comme son objectif l’indique, la série a pour but de dénoncer les traumas de jeunes lycéens. Oui mais voilà, il y a un problème. En développant une histoire telle que celle-ci, de jeunes adolescents peuvent s’en inspirer. Les protagonistes de la série ont littéralement le même âge. Ils peuvent servir de source d’inspiration créant ainsi des situations bien pires que la fiction.

C'est pourquoi, la série "Euphoria" apparait-elle maladroitement construite. Son approche aurait pu se desserrer et s’intéresser avant tout à un quotidien de jeunes étudiants. Une démarche qui aurait pu intégrer encore un degré de cohérence supplémentaire. Un changement d’axe aurait pu éviter, ou du moins réduire, ce phénomène de glamourisation. Notamment pour cibler une audience dotée d’une maturité suffisante pour comprendre ces intrigues.

Alors entre glamourisation et dénonciation l’enjeu de la série est aujourd’hui difficile à identifier. En effet, les adolescents auront tendance à ne prendre que la forme de la série en compte. Les costumes et donc l’inspiration vestimentaire de certains personnages, les maquillages qu’on retrouve en très grands nombres sur TikTok, les ambiances festives les conduisant à réaliser des soirées très alcoolisées, etc. Une autre partie composée de jeunes adultes, étudiants, adultes dotées d’un recul nécessaire, comprendra peut-être davantage le fond de la série.

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La nudité au cœur de la série ?

Par conséquent, la nudité présente dans "Euphoria" est-elle équivoque. À certains moments, cette clarté du corps est justifiée pour approfondir des relations entre des personnages, pour éclaircir des penchants sexuels, etc. Ce qui constitue un des aspects artistiques de l’œuvre. Mais cela reste prépondérant, et à de nombreuses reprises inutiles.

Dans ce cadre, certains personnages, comme celui de Cassie, sont ouvertement sexualisés, avec de nombreuses scènes sur son corps dénudé. Au détriment de la sensibilisation à son histoire. Le constat est identique avec le mannequin Chloé Cherry, l’interprète de Faye, qui présente certaines parties de son corps au centre de l’écran. Autre exemple, le personnage de Cal. Ce dernier se voit lui aussi dépouillé de toute couverture vestimentaire pour aucune réelle nécessité.

Une bande-originale singulière

Labrinth a composé la bande-originale des deux saisons de "Euphoria". Il nous livre, au travers de celle-ci, un son par personnage, suivant donc le rythme de chaque intrigue. Cette création nous permet ainsi d’en apprendre davantage sur l’univers propre de chacun des protagonistes de premier plan tels Nate, Maddy, Cassie, Jules ou encore Rue.

Aussi, de nombreux sons sont-ils devenus ainsi iconiques par leur utilisation un nombre incalculable de fois sur les réseaux sociaux. Par exemple, « Still don’t Know my name  » ou encore «  Formula  ». Nous pouvons les retrouver au cœur de la série parfaitement juxtaposés. Ainsi, le rendu final est-il réjouissant. Pour la seconde saison, les musiques sont beaucoup moins marquantes et quasi-absentes. Ce sont des sons d’ambiances qui prennent beaucoup de place, mais ils aident à couvrir et retranscrire d’importantes émotions.

Au final, "Euphoria" est une série à ne pas prendre à la légère. L’ambiance est remarquablement dénonciatrice. Sa popularisation auprès de nombreux jeunes ne permet pas de prendre l’œuvre de façon complète. La première saison est maîtrisée et déconcertante. Malheureusement la seconde saison reste dans son ensemble plate, incomplète et survolée. Maintenant, il ne reste plus qu’à attendre 2024 et la sortie de la troisième saison. En espérant qu’elle ne se reposera pas sur ses acquis.

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