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Daredevil : La série

Par Fabrice Simon

Aveugle depuis l'enfance, mais doté de pouvoirs extraordinaires, Matt Murdock combat pour la justice le jour. Il est un avocat dans le cabinet qu'il vient d'ouvrir avec son ami Foggy Nelson dans le quartier de son enfance, Hell' Kitchen. La nuit, il devient Daredevil. Lui aussi est un justicier luttant contre l'injustice et la criminalité.

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Crédit photo : Netflix
LES ORIGINES DE DAREDEVIL

La relation entre les comics, culture ultra-populaire chez nos amis américains, et la télévision n'est pas une histoire récente. En effet, dès 1952, Superman débarque sur les petits écrans. C'est George Reeves qui tient le rôle de l'extra-terrestre venu de la planète Krypton. Mais, après plus d'une centaine d'épisodes, la série s'arrête. Voilà pourquoi, les super-héros ne réapparaîtront, de façon significative, dans la petite lucarne, qu'à la fin des années 60. Citons notamment deux œuvres devenues cultes que sont "Le Frelon Vert" et surtout le très kitsch "Batman".

À la fin des années 70, Marvel, éditeur concurrent de DC Comics (propriétaire des droits de l'homme d'acier et de la chauve-souris vengeresse), décide de fouler à son tour le territoire télévisuel. Il adapte les aventures de deux de ses héros majeurs. Tout d'abord, "The Amazing Spiderman" avec Nicholas Hammond. Puis, et surtout, "L'Incroyable Hulk" avec Bill Bixby et  Lou Ferrigno. Ce dernier ravissant le public français, au début des années 80, avec ses poses de culturiste et ses shorts échancrés.

Forts de leur succès, les séries de super-héros, qu'elles soient originales ou tirées d'un support papier, vont alors s'enchaîner. Pour le meilleur et plus souvent pour le pire... Jusqu'à la diffusion de "Heroes", en 2006, qui marqua les esprits par son approche plus réaliste et son traitement adulte assumé à l'opposé des contes de fées. Toutefois, cette œuvre novatrice ne restera dans l'histoire de la télévision que par sa fantastique première saison. Car, si certaines séries sont comme le bon vin et s'améliorent au fil des années, d'autres semblent tout donner d'emblée, sans se soucier de leur durabilité au fil des années. Tel fut le cas, malheureusement, de la création de l'audacieux Tim Kring effectuée en collaboration avec Jeph Loeb. Pourtant, celui-ci est l'un des meilleurs scénaristes de B.D. outre-Atlantique. Accessoirement, il est de même auteur de quelques chefs-d'œuvre du genre dont l'épatant "Batman : A Long Halloween".

Et même si par la suite quelques tentatives malheureuses comme "No Ordinary Family" sont venues polluer les écrans, l'heure de la reconnaissance cathodique aura semblé enfin avoir sonné en 2015 pour nos super-héros chéris. C'est ainsi que, dans le sillage de "The Avengers" (énorme succès cinématographique), bon nombre de projets furent alors enclenchés. La série "Arrow" ainsi que son spin-off, "The Flash", auront rencontré à l'époque un succès d'estime. Tandis que "Marvel's Agent of S.H.I.E.L.D". ainsi que "Agent Carter" auront fait les beaux jours de ABC. Tandis que "Gotham" fera ceux des patrons de la Fox. Les retours de "Wonder Woman" et "Hulk" étaient également en discussion cette année-là. Le tout confortant ainsi l'idée que la « guerre » que se livraient Marvel (propriété de The Walt Disney Company) d'un côté, et DC Comics (partie intégrante de Time Warner) de l'autre, se prolongeait désormais par grand network interposé.

Alors fort de cette profusion, en 2015, la plupart des fans reçurent la nouvelle d'un accord entre les géants Disney et Netflix pour l'adaptation sur le grand site américain de cinq séries issues de l'univers Marvel avec un mélange de crainte, mais également d'espoir.

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Crédit photo : Netflix
LES PROMESSES DE DAREDEVIL

Et après visionnage de "Marvel's Daredevil", les doutes des fans disparaissaient totalement tant cette série apparaissait comme le sommet de la série de super-héros ! Il faut dire que les aventures de Matt Murdock, cet orphelin rendu aveugle par un accident de la circulation qui développa ses autres sens et qui combat le crime le jour dans sa tenue d'avocat et la nuit dans celle d'un justicier, avaient tous les éléments d'emblée pour être la grande série du moment.

Histoire fortement inspirée de l'arc narratif écrit par Franck Miller et dessinée par John Romita Jr (l'auteur de Kick-ass), "The Man Without Fear" qui revient sur la genèse du héros, "Daredevil" fut une parfaite réussite tout d'abord par la personnalité même du héros. Super héros sombre et torturé, oscillant en permanence entre le bien et le mal (deux notions à la frontière tenue énoncent même durant un procès le héros dans le troisième épisode de la saison I), "Daredevil" représente, d'un point de vue psychologique, une mine d'or pour tout scénariste digne de ce nom.

Tiraillé dans sa conception de la justice, car vivant cette double vie d'avocat et de justicier, violent et jusqu'au-boutiste dans ses actions, Murdock n'hésite pas à utiliser les grands moyens (un peu moins que le Punisher tout de même) pour parvenir à ses fins. Torturer un ennemi, le balancer en haut d'un toit voire lui casser un membre semble être des actions légitimes pour celui qui combat le crime. Complexé par l'accident qui l'a rendu aveugle malgré des pouvoirs surhumains qui en fut induit, Matt compense cette infériorité en s'admettant homme à femmes, un beau parleur incapable d'avoir une relation sérieuse plus d'une semaine selon les dires de son meilleur ami...

Rarement, une telle figure violente et si peu respectueuse de la gent féminine n'aura été aussi adulée que Daredevil. De plus dans la série apparaissait une caractéristique propre au comics d'origine. En l'occurrence, la relation de ce héros à la foi, à la religion catholique ou à l'autorité paternel. Ayant besoin en permanence d'un prêtre pour valider ses actions ou du moins pour s'en soulager, Murdock trouvait en la religion le réconfort absent suite aux décès prématurés de ses géniteurs.

Réconfort assuré également par son mentor, Stick, objet d'un épisode quasi dédié et annonciateur du thème de la deuxième saison. Malgré l'opposition de ce dernier à toute relation paternelle envers le jeune Matt, le lien qui unit ces deux personnes est assurément du domaine de la transmission père-fils contre la volonté propre du plus âgé des protagonistes. Mais, même au-delà des thèmes abordés, "Daredevil" dispose de décors grandioses, d'une réalisation sans faille, d'une qualité d'écriture remarquable et précise ainsi que d'une interprétation haut de gamme.

Série adulte et particulièrement violente où l'on n'hésitait pas à réduire le crâne en miettes d'un opposant à coup de porte de voiture, où l'on trouvait une utilité suicidaire à une barre de fer ressortant d'un bloc de béton, etc. Bref, où le sang coulait à flots, "Daredevil" fut également parfaitement réalisée. Cet aspect culminait notamment lors d'une baston gigantesque opposant notre héros à la mafia russe. Le tout filmé en plan-séquence ou lors d'un panoramique sublime dans une voiture de taxi.

Bénéficiant des magnifiques décors d'un quartier de New York, Hell's Kitchen, à peine remis des attaques extra-terrestres de "The Avengers", concis dans sa narration ramenée à treize épisodes de qualité (aucun d'entre eux n'est plus faible que les autres), cette première saison ouvrait parfaitement l'accord entre les deux grandes entreprises. De surcroît, l'ensemble était porté par un casting cinq étoiles sur lequel trône l'immense Vincent D'Onofrio. Impressionnant de justesse, de violence, d'émotion dans le rôle du Caïd (soit Wilson Fisk), cet acteur entrevu dans des œuvres telles que "Full Metal Jacket", "Ed Wood" ou "Malcolm X", amèna une dimension physique et morale exceptionnelle à un personnage que l'on présumait impossibles à interpréter.

Magnifiée par l'écriture des deux showrunners, Drew Goddard et Steven DeKnight (des poids lourds de l'écriture télévisuelle qui connaissent leur petit Daredevil illustré jusqu'au bout des ongles), cette réussite majeure emprunte des idées fortes aux plus grands scénaristes venus travailler ces cinquante dernières années sur la bande dessinée originelle. On notera ainsi, entre autres, la pertinence des flash-back façon Miller, mais également la multitude de rebondissements qui font de la narration l'un des points addictifs de "Daredevil".

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