Par Fabrice Simon
Depuis plusieurs années déjà, les séries télévisées mettant en scène des super-héros occupent une place de plus en plus importante dans l'esprit des programmateurs des networks américains. Tout ceci résultant certainement des énormes succès commerciaux des films tirés des aventures de personnages issus de l'univers D.C. ou Marvel, comme "Avengers" et la trilogie "Batman".
Ainsi, des séries comme "Agent Carter", "Gotham", "Arrow" et "Flash" sont-elles venues occuper un espace audiovisuel qui semblait taillé pour leur démesure. Mais, à cause de scénario se délitant au cours de saison, de budget semblant inadapté, voire d'un traitement ciblé vers les adolescents, le fan absolu de cette mythologie contemporaine que représente ces univers, était souvent déçu. Pire ! Parfois même accablé par ce que les showrunners lui proposaient.
Alors à l'époque de l'annonce d'un accord, entre les deux géants de l'Entertainment que sont Netflix et Disney (c'était en 2015), qui portait sur l'adaptation de quatre séries issues de l'univers Marvel, un mélange de crainte, mais également d'espoir, traversa l'esprit des aficionados. Il faut alors souligner que, à la vue du pilote de "Daredevil", le sentiment d'espoir de voir enfin cette grande fiction adulte de super-héros prenait largement le dessus sur les craintes initiales.
Quelques mots concernant l'intrigue de ce premier épisode... Suite à un accident de voiture, le jeune Matt Murdock est aveugle depuis l'enfance. Cependant, il est doté de pouvoirs extraordinaires. En effet, ses sens ont été amplifiés par l'accident. Il décide alors d'utiliser ces pouvoirs afin de combattre pour la justice. Avocat le jour, la nuit il devient le super-héros Daredevil. Un justicier luttant contre le mal à New York.
De tous les personnages Marvel, Daredevil (créé en 1964 par Stan Lee et Bill Everett) est certainement l'un des plus sombres. Mais il est aussi l'un des plus intéressants. Inspirateur de monuments des comics sous la houlette de Frank Miller ou Ed Brubaker, ce personnage, à dimension humaine, méritait indubitablement une adaptation de qualité.
La série de 2015, adaptée de ses aventures, bénéficiait d'un budget confortable. Son destin en avait été confié aux bons soins de deux créateurs influents. D'une part, Drew Goddard ("Alias", "Buffy contre les vampires", "Angel", voire "Lost"). D'autre part, Steven S. DeKnight ("Buffy contre les vampires", "Angel", mais, surtout, récemment, "Spartacus"). Sous leurs plumes, l'action de ce show se déroulait quasiment exclusivement dans le quartier de Hell's kitchen. Il s'agit d'une partie de Manhattan très sombre. Son aspect visuellement cinématographique apportait énormément à la dramaturgie du pilote.
Murdock est un avocat débutant qui soudoie (gentiment) un policier afin de défendre les cas les plus difficiles. La nuit, dans un costume rappelant davantage Zorro que le modèle créé par Lee, il combat le crime dans des scènes sombres. Ces dernières sont très peu éclairées comme si les auteurs avaient voulu que les téléspectateurs ressentent les mêmes sentiments que le justicier casse-cou. La réalisation du pilote (effectuée par les deux créateurs du show) est de qualité et particulièrement étonnante. Que cela soit au niveau des scènes intimistes et des scènes d'action. On insistera notamment sur la façon habile de traiter les sens du héros. Le tout est parfaitement intégré dans le cours du récit.
La série fut ainsi construite autour de flash-backs garantissant une parfaite cohésion avec le matériau originel. Toutefois, sans retomber dans la resucée d'histoires déjà bien connues. Elle fut également basée sur des décors somptueux. Ses principaux personnages étaient identifiables au premier coup d'œil. Voilà pourquoi, "Daredevil" semblait alors, à la vue de cet épisode d'introduction, une série ambitieuse et surtout adulte. Bref, une véritable bouffée d'oxygène dans l'univers jusque-là sclérosé du comics télévisé.